La révolution allemande, 1917-1919. – 5. Double pouvoir

Le bilan du 9-10 novembre était que la chute de la monarchie avait fait place à une situation de double pouvoir. D’un côté, le gouvernement, qui s’appelait désormais Conseil des commissaires du peuple, soutenu par le Conseil des délégués des travailleurs et des soldats qui devait, en tant que représentants directs du peuple, contrôler le gouvernement. De l’autre, malgré le départ du Kaiser, l’appareil militaire et les organes de l’administration de l’ancien régime étaient toujours intacts. La classe capitaliste conservait son immense pouvoir économique, même si elle devait, pour le moment, tolérer l’existence d’un gouvernement porté au pouvoir par un mouvement révolutionnaire de masse. Un régime de double pouvoir de ce type ne peut durer indéfiniment. Soit les organes de la révolution finiront par démanteler l’ancien appareil étatique, de sorte que le nouvel état révolutionnaire dont ils sont la forme embryonnaire puisse le remplacer, soit l’ancien régime finira par détruire la menace révolutionnaire et redevenir le maître incontesté de la société.

À l’instar de la première phase de la révolution russe, pendant laquelle les soviets étaient majoritairement sous l’influence de réformistes qui voulaient limiter la portée de la révolution et qui ont tenté, ultérieurement, de la détruire complètement, la révolution de novembre en Allemagne a elle aussi abouti à une situation où la direction des Conseils de travailleurs et de soldats était, comme celle du gouvernement, entre les mains d’éléments qui cherchent, consciemment ou inconsciemment, à limiter la portée de la révolution. Ici, une distinction importante s’impose entre le « réformisme » des masses et celui des dirigeants comme Ebert, Scheidemann et Noske. Les travailleurs et les soldats qui accordent leur confiance aux dirigeants sociaux-démocrates le faisaient par manque d’expérience, par la naïve sous-estimation des dangers et l’incompréhension des rapports de classe réels qui se cachaient derrière les paroles et les actions de ceux qui semblent, à leur esprit, « comprendre la politique ». Une classe opprimée n’arrive pas facilement à des idées pleinement révolutionnaires. Sa conscience, y compris celle de la couche la plus active et politiquement avisée, est nécessairement à la traîne des événements. Faute de formation théorique, faute d’avoir préalablement assimilé les enseignements de sa propre expérience historique en tant que classe, elle peine à interpréter la signification des événements. De par sa nature même, une révolution se caractérise par une accélération du processus historique. Dans ce contexte, les masses apprennent, elles aussi, de façon accélérée, mais souvent trop tard et trop partiellement. C’est ici que le rôle d’un parti révolutionnaire, si toutefois il existe sous une forme suffisamment développée et puissante, peut faire la différence entre la victoire et la défaite, à l’instar des Bolcheviks en 1917. Il en est autrement avec les « chefs » comme Ebert, Scheidemann et Noske. Leur comportement ne relève pas d’une incompréhension de comment mener la révolution à une conclusion victorieuse, mais d’une adhésion pleinement consciente à la cause de la classe adverse. Ils ne sont rien d’autre que les agents conscients de l’ordre établi et de la contre-révolution. Ils ont fait semblant d’accompagner la révolution en attendant l’occasion de pouvoir l’écraser.

Ce qui permet à ces traîtres de se retrouver aux commandes à l’issue de la révolution de novembre 1918 tient à une réalité qui caractérise les premières phases de toute révolution, un tant soit peu profonde et sérieuse, c’est-à-dire qui réveille et mobilise une immense masse de gens précédemment passifs et politiquement inertes et ignorants. Apprenant à tâtons, les masses tendent à accorder leur confiance, dans un premier temps, aux gens qui « savent », qui parlent bien et qui donnent l’impression de savoir ce qu’ils font. Les masses se lèvent contre l’ordre ancien, mais ne comprennent pas encore la nécessité de la détruire. Ainsi, les politiciens qui, à la différence de Luxemburg et Liebknecht, sont liés à l’ordre établi tout en se positionnent vaguement en « opposants » parviennent à capter l’oreille de ceux qui aspirent à un « changement ». Un ancien chef de parti a plus d’attrait qu’un ancien prisonnier politique. Ce qu’il y a de confus et fourbe dans le discours de ces politiciens correspond aux conceptions politiques peu définies des masses nouvellement propulsées dans l’arène des grands événements. Liebknecht et Luxemburg comprennent leur position minoritaire comme une conséquence du fait que la révolution n’en est qu’à ses débuts. Le développement ultérieur de la révolution confirmerait, pensent-ils, la justesse de leurs idées. Lénine et Trotsky sont, à l’époque, du même avis. Ils savent tous, en même temps, que l’issue de la révolution qui vient de commencer décidera non seulement du sort de l’Allemagne, mais aussi de celui de la Russie et peut-être de l’Europe tout entière.

Dans la préface de son chef d’œuvre Histoire de Révolution russe (1930), Léon Trotsky résume le problème que nous abordons ici de la façon suivante : « Le trait le plus incontestable de la Révolution, c’est l’intervention directe des masses dans les événements historiques. D’ordinaire, l’État, monarchique ou démocratique, domine la nation ; l’histoire est faite par des spécialistes du métier : monarques, ministres, bureaucrates, parlementaires, journalistes. Mais, aux tournants décisifs, quand un vieux régime devient intolérable pour les masses, celles-ci brisent les palissades qui les séparent de l’arène politique, renversent leurs représentants traditionnels, et, en intervenant ainsi, créent une position de départ pour un nouveau régime. Qu’il en soit bien ou mal, aux moralistes d’en juger. Quant à nous, nous prenons les faits tels qu’ils se présentent, dans leur développement objectif. L’histoire de la révolution est pour nous, avant tout, le récit d’une irruption violente des masses dans le domaine où se règlent leurs propres destinées.

Dans une société prise de révolution, les classes sont en lutte. Il est pourtant tout à fait évident que les transformations qui se produisent entre le début et la fin d’une révolution, dans les bases économiques de la société et dans le substratum social des classes, ne suffisent pas du tout à expliquer la marche de la révolution même, laquelle, en un bref laps de temps, jette à bas des institutions séculaires, en crée de nouvelles et les renverse encore. La dynamique des événements révolutionnaires est directement déterminée par de rapides, intensives et passionnées conversions psychologiques des classes constituées avant la révolution. […]

Les rapides changements d’opinion et d’humeur des masses, en temps de révolution, proviennent, par conséquent, non de la souplesse et de la mobilité du psychique humain, mais bien de son profond conservatisme. Les idées et les rapports sociaux restant chroniquement en retard sur les nouvelles circonstances objectives, jusqu’au moment où celles-ci s’abattent en cataclysme, il en résulte, en temps de révolution, des soubresauts d’idées et de passions que des cerveaux de policiers se représentent tout simplement comme l’œuvre de “démagogues”.

Les masses se mettent en révolution non point avec un plan tout fait de transformation sociale, mais dans l’âpre sentiment de ne pouvoir tolérer plus longtemps l’ancien régime. C’est seulement le milieu dirigeant de leur classe qui possède un programme politique, lequel a pourtant besoin d’être vérifié par les événements et approuvé par les masses. Le processus politique essentiel d’une révolution est précisément en ceci que la classe prend conscience des problèmes posés par la crise sociale, et que les masses s’orientent activement d’après la méthode des approximations successives. Les diverses étapes du processus révolutionnaire, consolidées par la substitution à tels partis d’autres toujours plus extrémistes, traduisent la poussée constamment renforcée des masses vers la gauche, aussi longtemps que cet élan ne se brise pas contre des obstacles objectifs. Alors commence la réaction : désenchantement dans certains milieux de la classe révolutionnaire, multiplication des indifférents, et, par suite, consolidation des forces contre-révolutionnaires. Tel est du moins le schéma des anciennes révolutions. » Nous ferons bien de garder ces lignes remarquables à l’esprit concernant notre tentative de comprendre le cours de développement de la révolution allemande.

L’armistice avec l’Entente est signé le 11 novembre 1918. Le nouveau gouvernement profite des discussions diplomatiques pour assurer les puissances européennes et les États-Unis qu’il résistera par tous les moyens à toute tentative de bouleversement révolutionnaire. De ce point de vue, Ebert sait qu’il sera impossible de contenir les masses si le gouvernement n’adopte pas un langage « révolutionnaire » en apparence et s’il ne donne pas quelques signes tangibles de sa volonté de satisfaire au moins quelques-unes des revendications de la base. Ainsi, il procède rapidement à l’abolition formelle de l’état de siège. Ceci n’existe plus dans les faits, de toute façon, compte tenu de la révolte au sein des forces armées. Il rétablit aussi la liberté d’association et de réunion. Encore une fois, il s’agissait d’une liberté prise de force, déjà, par les masses en action. Il déclare une amnistie des délits politiques et annonce le projet d’une Assemblée Constituante. Les patrons cèdent la journée de travail de huit heures et la reconnaissance des organisations syndicales. La classe dirigeante sait faire des concessions quand elle risque de tout perdre, mais toujours dans l’espoir de les reprendre dès que le rapport de force se retourne en sa faveur. Mais la question cruciale dans ce rapport de force est celle des forces armées à la disposition des protagonistes. L’aphorisme de Karl von Clausewitz, selon lequel la guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens, s’applique aussi dans le domaine de la lutte des classes. L’issue de la révolution allemande, comme celle de toutes les révolutions avant et après elle, sera déterminée en fin de compte par la capacité de l’une ou l’autre composante du « double pouvoir » à imposer sa volonté au camp adverse, ce qui passe nécessairement par le désarmement du camp vaincu.

L’autorité du commandement impérial dans l’armée se désintégrait à vue d’œil. Des camions sillonnaient Berlin et les autres grandes villes du pays, remplis de soldats livrés à eux-mêmes, agitant des drapeaux rouges et brandissant des armes. Des Conseils de soldats prenaient forme partout, non seulement dans les villes, mais même dans les unités qui se retiraient des champs de bataille. Les soldats casernés dans les villes et donc au contact avec les travailleurs sont plus radicalisés que ceux qui étaient encore aux frontières. Souvent, dans les centres industriels, les soldats font bloc avec les travailleurs pour prendre en charge l’administration locale. À Cologne, par exemple, ils dirigent conjointement et par le biais d’une série de comités la sécurité, l’approvisionnement alimentaire, la gestion des logements, la presse, l’infrastructure sanitaire et les transports, les communications (poste, télégraphie), la police, les banques et le quartier général de l’armée. Souvent, les villes sous le contrôle des travailleurs et des soldats ne reconnaissent pas l’autorité du gouvernement d’Ebert. Les Conseils de Dresde, de Leipzig et de Chemnitz se réunissent pour déclarer qu’ils prennent directement le pouvoir « pour abolir l’exploitation capitaliste ». En Bavière, le gouvernement révolutionnaire agissait en toute autonomie par rapport aux autorités berlinoises, au point de négocier en son propre nom avec les pouvoirs de l’Entente dans le cadre de l’armistice.

Les tendances politiques prévalentes dans les Conseils varient considérablement de ville en ville. Au début, par inexpérience, les soldats ne peuvent pas toujours savoir qui, parmi tous ceux qui se prononcent pour la paix, seront des représentants sérieux et fiables et ceux qui ne sont que de beaux parleurs travaillant pour leur propre compte. Ici les postes dirigeants sont occupés par les partisans d’Ebert, là par des Spartakistes et ailleurs par des aventuriers à moitié fous. Il arrive même que certains Conseils élisent de hauts gradés de l’armée ou des notables bourgeois pour les représenter. À Berlin, la base de l’USPD est avant tout dans les usines, celle du SPD chez les soldats et surtout ceux d’entre eux qui revenaient du front. Mais l’humeur et les idées des soldats, comme celles des travailleurs, se transforment de jour en jour. L’armée se disloque. De nombreux soldats quittent les casernes – emportant leurs armes – pour trouver du travail, mais n’en trouvent pas. Ils ont faim. Les Conseils dominés par le SPD tendent à perdre le soutien des casernes. Les manifestations et rassemblements organisés par les Spartakistes et la Ligue des Soldats Rouges qu’ils encadrent attirent de plus en plus de militaires. Le gouvernement, qui avait l’intention de dresser les soldats contre les usines, prend conscience que ce projet n’est peut-être pas réalisable. Cependant, il cherche à conserver le contrôle des Conseils. Lorsque le congrès national des Conseils de travailleurs et de soldats se réunit, mi-décembre, sa composition même indique la déconnexion avec sa base sociale. Sur 499 délégués, 179 sont des travailleurs, alors que 235 sont des intellectuels, journalistes, permanents du SPD et membres de diverses professions libérales. L’USPD est soutenu par 90 délégués, les Spartakistes par 21. Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht ne sont pas autorisés à entrer dans la salle.

Néanmoins, Ebert et les dirigeants du SPD comprennent que la radicalisation des travailleurs et des soldats mine la base sociale du gouvernement. Pour se protéger, ils ont besoin du soutien d’une force armée. Pendant la guerre, Hindenburg était à la tête d’une dictature militaire sur le plan intérieur, pour le compte du Kaiser. Maintenant, Ebert espère que Hindenburg fera la même chose pour lui et l’aider à extirper la menace « bolcheviste ». Les commissaires issus de l’USPD ont soutenu cette politique. Ainsi, le gouvernement « socialiste » d’Ebert misait sur le commandement militaire mis en place par le Kaiser pour en finir avec la révolution – ce même commandement qui, 14 ans plus tard, allait installer Adolphe Hitler à la Chancellerie. Le plan élaboré par Hindenburg et le général Groener, et pleinement approuvé par Ebert, est assez simple, en apparence. Il s’agit d’utiliser les troupes revenant des fronts pour écraser la révolution. Devant un tribunal en 1925, Groener a rendu compte de l’essentiel de ce plan : « Dix divisions devaient marcher sur Berlin, afin de mettre fin au pouvoir des Conseils de travailleurs et de soldats. Ebert était en accord avec cela. Les indépendants (USPD) avaient demandé à ce que les soldats n’aient pas de munitions. Ebert voulait au contraire qu’ils soient pleinement équipés de munitions. Nous avons élaboré un programme pour le nettoyage de Berlin et le désarmement des Spartakistes. Ces accords ont été conclus pour éliminer le danger du bolchevisme et du système des conseils. » Malheureusement pour Hindenburg, Groener et le gouvernement Ebert, le plan a échoué. Le comportement relativement discipliné dont les soldats ont fait preuve en dehors des frontières s’est évaporé dès qu’ils les traversaient. Observer la discipline, c’était pour rentrer au pays au plus vite. Une fois arrivés, ils ont fraternisé aussitôt avec les révolutionnaires.

Une autre tentative contre-révolutionnaire a eu lieu le 6 décembre. Ce jour-là, trois hauts fonctionnaires du Ministère des Affaires Étrangères, dirigés par le comte  Matushka, tentent un coup d’État, dont le but était d’éliminer l’USPD du gouvernement. Ils réunissent plusieurs centaines de soldats devant la Chancellerie avant de se rendre chez Ebert pour le proclamer « président » du pays. Ebert, surpris, ne sachant pas quoi dire, se retire dans son bureau, disant qu’il a besoin de consulter ses collègues. Déjà, plusieurs dirigeants du Conseil de travailleurs et de soldats sont entre les mains des hommes de Matushka. Le local de Die Rote Fahne est occupé en même temps et dans la rue, une autre unité impliquée dans le coup d’État ouvre le feu sur une manifestation spartakiste, tuant seize personnes et blessant une douzaine d’autres. Mais l’opération, faute de soutien, s’estompe. Son échec oblige Ebert, qui n’a rien fait pour déjouer l’opération, à se distancer des putschistes en fuite. Mais il n’arrive pas à dissiper l’impression qu’il a laissé faire le coup d’État et n’a abandonné ses fauteurs que lorsqu’il a échoué.

Le lendemain du putsch, Liebknecht a organisé un rassemblement massif pour dénoncer la complicité du gouvernement. Entouré de camions armés de mitrailleuses pour protéger la foule, Liebknecht a exigé la démission d’Ebert, de Scheidemann et de Wels. Le 8 décembre, il est arrivé devant la Chancellerie à la tête d’un immense cortège de 30 000 travailleurs et soldats, rejoints sur place par 100 000 de plus. À l’intérieur, les six commissaires, trois du SPD et trois de l’USPD, se tiennent dans une pièce sans éclairage – pour ne pas être vus de l’extérieur – et écoutent Liebknecht s’adresser à la foule : « Ils sont là, les traîtres, les sociaux-patriotes. Nous avons montré que nous sommes en mesure de les dénicher tous, mais ce soir, je ne demande que de vous entendre dire avec moi : Vive la Révolution sociale ! Vive la Révolution mondiale ! » Convaincus qu’il fallait faire quelque chose, les commissaires envoient Emil Barth, de l’USPD le plus à gauche de la bande, pour prendre la parole à partir du balcon. Sa tentative de ramener le calme échoue. Les jours suivants,  les militants de l’USPD rejoignent les Spartakistes par milliers.

La radicalisation des soldats et la désintégration de l’armée convainquent le gouvernement de la nécessité de créer un corps spécial sur lequel il pourra compter à des fins contre-révolutionnaires. Dans la foulée de la mutinerie de Kiel, Gustav Noske a pu prendre la direction de la Division de la Marine et a voulu en faire une force de frappe à la disposition du gouvernement. Cependant, dans les jours suivant le putsch manqué du 6 décembre, dans lequel les marins de Noske ont été impliqués, ils sont devenus plus réticents. De la même façon, le Corps des Soldats Républicains, monté par Otto Wels, a rapidement fait preuve d’instabilité. Ainsi, il devenait évident que des unités militaires créées à partir de soldats du rang ne seraient jamais une force contre-révolutionnaire solide et fiable. D’où la création, ordonnée le 22 décembre, d’une armée de mercenaires réactionnaires triés sur le volet– les Freikorps – dont la mission sera d’en finir avec la révolution en la noyant dans le sang. Il y avait, au sein de l’armée, des éléments monarchistes et ultra-réactionnaires totalement hostiles à la révolution. De nombreux militaires de carrière avaient une mentalité et des idées politiques se confondant avec celles de l’aristocratie. Ils avaient tout à perdre d’un bouleversement révolutionnaire. Les troupes d’élite – ou Sturmtruppen – étaient également une catégorie particulière de militaires. Leur statut prestigieux et leurs privilèges les rendaient implacablement hostiles à la révolution. Les effectifs des Freikorps étaient issus de ces éléments contre-révolutionnaires. Lorsque Noske a vu le premier défilé de ces troupes de choc, le 4 janvier 1919, il s’est tourné vers Ebert en disant : « Calmons-nous, désormais. Tout va s’arranger ! »

L’anxiété qu’ils ressentaient jusqu’alors venait sans doute des événements qui se sont produits dans la capitale pendant les fêtes Noël. La Division de la Marine, sous la direction de Noske, s’était vue confier la protection du Palais Impérial. Le gouvernement, perdant confiance dans la fiabilité de la division, craignait qu’elle se retourne contre le pouvoir. Pour convaincre les marins à se disperser, il a retenu leur paie. En réponse à cette provocation, ils prennent Otto Wels en otage, le 23 décembre. Lorsque les marins recevront leur paie, Wels sera libéré, mais pas avant, disent-ils. Le gouvernement prend prétexte de l’enlèvement pour tenter de détruire la Division de la Marine. Le 24, il envoie un régiment de cavalerie, dirigé par le général Lequis. Le général ordonne aux marins de se désarmer et de se rendre immédiatement dans les deux heures, mais avant l’expiration de ce délai, une batterie d’artillerie ouvre le feu sur les marins. Les marins ripostent, et sont bientôt rejoints par le Corps des Soldats Républicains qui a été créé par Otto Wels lui-même une quinzaine de jours plus tôt ! La Force de Sécurité – l’ancienne force de police impériale qui est, depuis le 9 novembre, sous la direction d’Emil Eichhorn – vient elle aussi prêter main-forte aux marins. Avec 56 morts de leur côté, contre 11 du côté des marins, les assaillants ont fini par jeter leurs armes et procéder à l’arrestation de leurs propres officiers. Le soir même, le comité exécutif des Conseils de travailleurs et de soldats, pourtant dominé par le SPD, a condamné l’attaque montée contre les marins. Plusieurs milliers de manifestants révolutionnaires se sont emparés du siège de Vorwärts, sans rencontrer la moindre résistance. Quelques jours plus tard, les commissaires de l’USPD ont démissionné. Le sol se dérobait sous les pieds du gouvernement. Son seul espoir de survie résidait désormais dans les Freikorps. C’est dans ce contexte que se crée le Parti Communiste d’Allemagne (KPD), le 30 décembre 1918.

1. La Social-Démocratie avant 1914

2. L’épreuve de la guerre

3. Premiers remous de la révolte

4. La révolution commence !

6. La création du KPD

7. La contre-révolution

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