La révolution allemande, 1917-1919. – 4. La révolution commence !

L’état-major allemand lance une dernière grande offensive sur le front occidental, le 21 mars, dans l’espoir de percer les lignes ennemies et de bloquer les ports maritimes au nord de la France. Malgré quelques succès initiaux, son échec – au prix d’un million de morts et de blessés supplémentaires – rend la défaite définitive de l’Allemagne inéluctable. Au milieu du mois de juillet, déjà, l’état-major allemand en est convaincu. Dans les semaines suivantes, l’armée, brisée militairement et démoralisée, commence à se disloquer. Sans la conclusion d’un armistice immédiat, elle peut s’effondrer complètement. Le 29 septembre, Hindenburg et Ludendorff, représentant l’état-major, expliquent la situation dans toute sa gravité au Kaiser. Il faut trouver un moyen d’associer les partis « parlementaires » à la direction du pays, pour qu’ils acceptent la responsabilité des conséquences économiques et sociales de la défaite. Cela signifie, concrètement, la formation d’un gouvernement avec la participation des sociaux-démocrates. Il n’y a pas d’autre choix. Il faut « démocratiser » d’en haut afin d’éviter une révolution d’en bas.

Ce projet devient une réalité le 4 octobre 1918. Le nouveau chancelier sera le Prince Max de Baden, le cousin du Kaiser. Matthias Ertzberger représentera le Parti du Centre Catholique et Philip Scheidemann représentera le SPD. Le but essentiel du nouveau gouvernement est de lutter contre toute possibilité de révolution de préserver coûte que coûte la monarchie. Alors que le SPD est formellement opposé à la monarchie, voilà qu’il se trouve embarqué dans un gouvernement dont le but est d’empêcher sa chute. La perspective de la signature d’un armistice ne peut que miner ce qui restait de l’efficacité militaire de l’armée. Pourquoi mourir pour une guerre qui est déjà perdue ? Plusieurs milliers de soldats se rendent. Plusieurs milliers d’autres prennent la fuite. Chez les travailleurs, un régime en échec est un régime affaibli, vulnérable. Des manifestations spontanées éclatent un peu partout. Liebknecht est libéré le 23 octobre.

Pendant quelques semaines, les autorités allemandes pensent pouvoir obtenir une paix « honorable » auprès de l’Entente. Mais ceci n’est qu’une illusion. La France, surtout, veut profiter de la défaite de l’Allemagne pour lui infliger un châtiment terrible, s’emparer d’une partie de son territoire, piller son économie et briser définitivement son statut de puissance européenne. L’état-major allemand refuse de se résigner à cet acharnement punitif et pense – encore une illusion – pouvoir modifier le rapport de forces en ordonnant de nouvelles mobilisations terrestres et maritimes. Mais lorsque les marins de Wilhelmshaven reçoivent l’ordre de partir en mer, vers la fin du mois d’octobre, ils y répondent par l’extinction des chaudières. Une nouvelle attaque contre la marine britannique, dans les circonstances actuelles, n’était qu’une mission suicidaire et futile. L’arrestation des mutins n’a pas, cette fois-ci, le même effet qu’en 1917. En l’espace de quelques jours, plusieurs milliers de marins marchent, l’arme à l’épaule, dans les rues de Kiel. Ils sont accompagnés des travailleurs de la zone portuaire. Les autorités militaires donnent l’ordre aux quelques unités encore fiables d’ouvrir le feu sur les manifestants, dont plusieurs sont tués. Les marins se défendent. Les unités loyales prennent la fuite. Nous sommes le 3 novembre 1918. Les événements sanglants de ce jour marquent le début de la révolution allemande. Une semaine plus tard, la monarchie va chuter.

À Cuxhaven, une grève générale éclate. Un « Conseil des travailleurs et des marins » est élu et devient la seule autorité dans la ville. Même chose à Wilhelmhaven. À Hambourg, la « modération » des dirigeants de l’USPD a failli faire dérailler la révolte. Le 5 novembre, le parti appelle à la libération des prisonniers marins, mais refuse la création d’un Conseil de travailleurs, de soldats et de marins. Mais grâce à l’audace du marin Friedrich Zeiler, de direction de l’USPD n’aura pas gain de cause. À la tête d’une centaine d’hommes, il s’est emparé du local des syndicats et a lancé un appel à une manifestation de masse pour le lendemain. Une délégation a été expédiée à la caserne pour rallier les soldats. Le lendemain, 40 000 manifestants ont défilé dans les rues de Hambourg. Un Conseil composé de délégués issus des usines et des casernes est élu. Il est dirigé par un révolutionnaire du nom de Lauffenberg. Pour les soldats et les marins révolutionnaires, l’issue de l’insurrection est une question de vie ou de mort. Ils payeraient son échec devant un peloton d’exécution.

Avec la prise d’Hambourg, la révolution se répand dans les villes du nord-ouest. Le 6, les Conseils prennent le pouvoir à Bremen, Lockstedt et Rendsburg. Le 7, la révolution gagne Braunschweig, Cologne, Hanovre et Munich. Chemnitz, Darmstadt, Dresde, Düsseldorf, Francfort, Halle, Magdebourg, Leipzig, Nuremberg, Oldenbourg et Rostock tombent le 8. Pour le moment, du moins en apparence, Berlin est encore fermement entre les mains des forces impériales. Il n’y a ni grève de masse ni mutinerie. La police assure la protection des bâtiments publics et les autorités militaires berlinoises considèrent qu’une éventuelle tentative de soulèvement révolutionnaire serait rapidement et facilement écrasée. Et pourtant, la suite des événements va démontrer que la capitale est, elle aussi, au bord de la révolution.

Les dirigeants du SPD craignent – à juste titre – que si rien ne semble changer en haut, la révolte qui couve en bas ne manque pas d’emporter tout le pays. Ils veulent que le Kaiser se retire volontairement. Non pas qu’ils envisagent l’instauration d’une république. Ils veulent seulement qu’un membre de la famille royale remplace le Kaiser actuel. Au Prince Max de Baden, Ebert pose le problème très clairement : « Si le Kaiser n’annonce pas son abdication, une révolution est inévitable. Mais je n’en veux pas. Je hais la révolution. Je la hais comme je hais le péché. »

Les dirigeants de l’USPD, les délégués syndicaux révolutionnaires et les Spartakistes ne parviennent pas à s’entendre sur la date de l’offensive révolutionnaire. Tous savent que si elle n’est pas organisée, elle se produira dans peu de temps, de toute façon. Liebknecht, pour sa part, craint que si les révolutionnaires n’en prennent pas l’initiative, les dirigeants du SPD le fassent à leur place, dans le but de limiter les conséquences du soulèvement à un simple changement de façade. Haase, le chef de l’USPD, vacille. Son but est de rétablir l’unité de tous les sociaux-démocrates et retrouver la situation d’avant-guerre, comme si le ralliement des chefs du SPD au carnage impérialiste n’avait jamais existé. Il ne veut rien faire qui rendrait cette réunification plus difficile. Les délégués syndicaux révolutionnaires sont, eux, indécis. Ils se laissent impressionner par les arguments de Haase, selon lesquels un soulèvement révolutionnaire n’est pas encore « techniquement » possible. Ces désaccords paralysent le camp révolutionnaire. Pendant ce temps, le régime profite de chaque occasion qui se présente pour lui porter un coup. Le 6 novembre, la police procède à l’arrestation de Däumig, l’un des dirigeants des délégués syndicaux. Le 7 novembre, un an jour pour jour après la prise de pouvoir des révolutionnaires en Russie, la police disperse un rassemblement commémoratif.

Finalement, Liebknecht se décide à agir, avec ou sans les autres. Il ne veut pas perdre une minute de plus. Le 8, avec son camarade spartakiste Ernst Meyer, il signe un tract appelant à l’organisation immédiate de la révolution. La diffusion de ce tract dans la capitale coïncide avec celle d’un tract similaire produit au nom de délégués syndicaux et membres de l’USPD. L’état-major a, de toute évidence, surévalué la solidité des forces dont il dispose. Le jour suivant, les soldats du régiment dénommé Kaiser Alexander sortent de leur caserne et fraternisent avec le peuple. Une seule caserne a tiré sur la foule, faisant quatre morts, dont l’ouvrier Eric Habersaath. Il jouait un rôle dirigeant dans l’organisation de jeunesse des Spartakistes. Dans pratiquement toutes les usines, les travailleurs répondent à l’appel à la grève. Nous sommes le 9 novembre 1918, six jours seulement après le déclenchement de la révolution par les marins de Kiel. Et déjà la prise de pouvoir par la classe ouvrière allemande semble être à portée de main.

Maintenant se pose la question de la composition du gouvernement. Le Prince Max de Baden cède la place à Friedrich Ebert, qui devient donc le chef du gouvernement avec, à ses côtés, Philip Scheidemann et Otto Braun. Ebert propose aussitôt l’inclusion des représentants de l’USPD, dans l’espoir qu’ils protégeraient ainsi le flanc gauche du nouveau pouvoir. C’est avec ce même objectif à l’esprit que, lorsqu’on lui demande s’il accepterait la participation de Liebknecht, il laisse entendre que cela pourrait bien s’avérer utile. Pour donner l’impression que les chefs du SPD et le gouvernement sont du côté des travailleurs, Vorwärts lance un appel tardif à la grève générale, faisant mine d’ignorer que celle-ci est déjà massivement en cours depuis le début de la journée.

Les dirigeants de l’USPD n’ont pas tous la même position sur la question de la participation au gouvernement. Dittman est pour. Ledebour est violemment contre. Ledebour a beaucoup d’influence sur des délégués syndicaux. Le parti en tant que tel ne peut pas se prononcer sur la question, compte tenu de ces divergences. Liebknecht rejoint les colonnes qui marchent sur le Palais Impérial. Emil Eichhorn, un militant appartenant à la gauche de l’USPD, mène un groupe d’hommes vers le quartier général de la police berlinoise. Les soldats qui protègent ce haut lieu stratégique passent leurs armes aux hommes d’Eichhorn, qui prennent le contrôle de l’édifice sans difficulté. Eichhorn devient de ce fait le chef de la police de la capitale. Environ 650 prisonniers politiques sont libérés, dont le dirigeant spartakiste Leo Jogiches. Rosa Luxemburg, sortant de la prison de Breslau, prend en charge la rédaction de Die Rote Fahne. Quelques tentatives de résistance, notamment devant l’université et la bibliothèque d’État, sont facilement dispersées par le peuple. Manifestations, rassemblements, fraternisations entre travailleurs et soldats. Des partisans du SPD, de l’USPD, des délégués syndicaux révolutionnaires et Spartakistes se confondent pêle-mêle en une seule masse compacte. Le peuple tient la ville.

À l’extérieur du Reichstag, une foule immense de manifestants scande ses revendications, brandissant armes et drapeaux rouges. À l’intérieur, Scheidemann, quant à lui, mange une bonne soupe au restaurant. Députés et fonctionnaires, effrayés par l’agitation sous leurs fenêtres, l’implorent de dire quelque chose pour calmer la situation. Non sans irritation, Scheidemann pose sa cuillère et va au balcon. Il déclare pompeusement que tout a changé. Ebert est désormais chef de gouvernement, chancelier du Reich. Mais voyant que ses paroles ne calment pas la foule, il rajoute « Vive la République ! » Ebert, en apprenant ce qu’il s’est passé, était furieux. Scheidemann n’avait pas le droit de proclamer la république !

Au même moment que le discours de Scheidemann, Liebknecht est arrivé au Palais Impérial, où il prononce un discours d’une tout autre teneur : « Le jour de la révolution est arrivé. Nous avons imposé la paix. La domination des Hohenzollern, qui ont vécu pendant des siècles dans ce château, est terminée. À cette heure, nous proclamons la Libre République Socialiste d’Allemagne. […] Nous devons mobiliser toutes les forces pour construire le gouvernement des ouvriers et des soldats, mettre en place un nouvel ordre étatique du prolétariat, un ordre de paix, de bonheur, de liberté pour nos frères d’Allemagne et pour nos frères du monde entier. Nous leur tendons la main et les appelons à la réalisation de la révolution mondiale ». La colère d’Ebert à propos de la déclaration « déloyale » de Scheidemann n’était qu’une comédie pathétique. La monarchie ne pouvait en aucun cas survivre aux événements révolutionnaires en cours. Il le sait pertinemment. Le jour même, le prince Max de Baden annonce l’abdication du Kaiser à Ebert, Scheidemann et Braun. La monarchie est tombée comme une pomme pourrie.

Les chefs de l’USPD, toujours indécis à propos de la participation gouvernementale, promettent de donner une réponse avant 18h00. Au début des discussions, l’opposition catégorique de Ledebour à la participation semble emporter une majorité, mais l’arrivée progressive de nombreuses délégations de soldats va changer l’humeur de la conférence. Les soldats – largement sous l’influence des dirigeants du SPD – insistent sur l’unité de « tous les socialistes » et, par manque d’expérience politique, ne voient dans les différences de programme et d’objectifs qu’autant de rivalités et de divisions nuisibles à la cause de la révolution, de la paix et de la fraternité. D’autres délégations, composées largement d’ouvriers, sont plutôt favorables à la participation gouvernementale, notamment de la part de Liebknecht, qui serait, pensent-ils, une façon d’assurer que le gouvernement réalise la paix et le socialisme. Liebknecht arrive dans l’après-midi, et parvient à la conclusion que le refus catégorique que prônait Ledebour ne serait pas compris par les masses révolutionnaires, qui désirent l’union de la totalité du camp socialiste. Ainsi, Liebknecht accepte le principe d’une participation, mais seulement si six conditions fondamentales sont respectées : la proclamation d’une République Socialiste, la nomination de représentants élus des travailleurs et des soldats à tous les postes clés de l’administration, aucune participation de représentants des partis bourgeois, la limitation de la participation de l’USPD au temps nécessaire à la conclusion de l’armistice, le contrôle des ministères « techniques » par des représentants politiques des travailleurs et la représentation égale pour chaque parti au cabinet de l’exécutif. Seul Ledebour a voté contre toute participation, même sous les conditions présentées par Liebknecht. La proposition de l’USPD a été envoyée au SPD avec deux heures de retard. Une heure après, il en avait la réponse. Le SPD n’acceptait que les deux dernières conditions. La nature du régime, disait-il, ne pouvait être tranchée que par un nouveau parlement, issu d’une Assemblée Constituante. Le gouvernement actuel n’est que provisoire et ne siégera que jusqu’à la mise en place de l’Assemblée Constituante. Surtout, il n’est pas question, pour le SPD, de remettre les rênes du pouvoir à une seule classe, et la participation de partis bourgeois lui paraissait donc indispensable. En l’absence de Haase, l’USPD s’est donné jusqu’au lendemain pour déterminer sa position concernant la réponse du parti d’Ebert. Mais la journée du 9 novembre n’est pas encore terminée. À 22h00, plusieurs centaines de délégués issus des travailleurs insurgés se réunissent dans la grande salle de réunion du Reichstag. Se considérant comme un Conseil provisoire des travailleurs et des soldats de la capitale, ils décident d’organiser une nouvelle assemblée le lendemain matin (le 10 novembre), sur la base d’un délégué pour 1000 travailleurs. L’assemblée, prévue à 10h00 au Cirque Busch, doit mettre en place un nouveau gouvernement révolutionnaire. Ce projet va directement à contresens des manœuvres d’Ebert, nommé « chancelier impérial » par un prince, alors que l’empire sans lequel ce poste n’a aucune raison d’être n’existe plus, désormais.

Dans la soirée, le prince Max de Baden rend visite à son successeur avant de quitter la capitale. Ebert lui paraît extrêmement nerveux, cédant à la panique. Il demande au prince de ne pas partir, lui propose d’assurer l’« administration » de la monarchie Hohenzollern ! Le prince, étonné, refuse la proposition sans appel. La monarchie est perdue. « Herr Ebert, dit le prince, selon son propre récit de la rencontre, « je vous confie la sauvegarde de l’empire allemand ». Ebert lui répond seulement : « J’ai perdu deux fils pour cet empire ». Plus tard encore dans la soirée, Ebert reçoit, dans le cabinet privé du chancelier, un appel téléphonique. La sonnerie venait d’un poste téléphonique strictement réservé aux échanges entre le chancelier impérial et le commandement suprême militaire. Il décroche. C’est le général Groener. Après quelques amabilités de forme, Ebert demande au général quelles sont les intentions du commandement suprême. Groener lui répond que le Kaiser dort dans une voiture du train impérial, dans lequel il fait chemin vers la Hollande. Il lui dit aussi que le Kaiser a demandé à Hindenburg de prendre en charge le commandement de l’armée et que ce dernier avait l’intention de ramener l’armée à Berlin, dès la signature de l’armistice. Pour rassurer son interlocuteur, Groener l’assure qu’il ne sera nullement question de déposer le gouvernement, dont le Maréchal Hindenburg reconnaîtra la légitimité. De même, Hindenburg adoptera une attitude « amicale » envers les conseils de soldats qui se sont constitués au cours de la révolution. Quand Groener cesse de parler, un long silence s’installe. Puis Ebert lui pose une nouvelle question : « Et qu’attendez-vous de nous ? » Groener répond : « Le commandement s’attend à ce le gouvernement l’aide à maintenir une stricte discipline au sein de l’armée et qu’il empêche la désorganisation des voies ferrées. » Ebert : « Y a-t-il autre chose ? » Groener : « Le commandement s’attend à ce que le gouvernement impérial lutte contre le bolchevisme et, pour ce faire, l’armée se mettra à la disposition du gouvernement. » Ebert, soulagé et ému, demande au général de « transmettre les remerciements du gouvernement au Maréchal. »

En vue de la conférence de délégués au Cirque Busch, au matin du 10 novembre, le député SPD Otto Wels, nommé au commandement de la garnison de Berlin par Ebert, avait fait imprimer, pendant la nuit, au moins 40 000 exemplaires d’un tract s’adressant aux soldats « qui soutiennent Vorwärts ». Le mot d’ordre principal de Wels était « Pas de lutte fratricide ! », autrement dit, pas de désunion dans le camp « socialiste », dans le camp de la révolution. Le but de ce mot d’ordre était de faire pression sur l’USPD et sur les Sparkacistes pour entrer au gouvernement et de s’associer, de ce fait, à sa politique, sous peine d’être marginalisés et d’être considérés comme diviseurs et saboteurs de la révolution. À la réunion de l’exécutif de l’USPD, Haase, après quelques hésitations, se prononce pour la participation, malgré le refus des conditions présentées par l’USPD. Il ne fallait pas, disait-il, se mettre dans le rôle de ceux qui empêchent l’unité du camp socialiste. Liebknecht n’était pas présent à cette réunion, mais, tenu au courant de ses délibérations, il a fait savoir qu’il ne participerait pas au gouvernement si l’USPD renonçait aux conditions présentées au SPD. Dans l’après-midi, l’USPD et le SPD ont conclu un accord. Le cabinet sera composé de trois « commissaires du peuple » de chacun des deux partis. L’accord précise que la politique du gouvernement sera décidée par le cabinet. L’accord stipule ensuite que « le pouvoir politique sera entre les mains des Conseils de travailleurs et de marins et que la question de la convocation d’une Assemblée Constituante sera discutée « plus tard ».

La conférence commence tardivement, réunissant entre 1500 et 2000 délégués. Ebert prend la parole. Il explique que les conditions imposées par l’Entente sont très dures, mais que l’Allemagne n’a pas d’autre choix que de les accepter pour que le carnage de la guerre s’arrête. Il annonce l’accord conclu entre le SPD et l’USPD, pour la formation d’un gouvernement « sans ministres bourgeois ». Son discours est suivi par celui de Haase, qui confirme la conclusion de l’accord. Liebknecht prend la parole. Il sait que la vaste majorité des soldats est acquise au SPD. Sur un ton calme, mais incisif, il explique sa position, bien qu’il soit régulièrement interrompu, insulté et même menacé par les délégués des casernes. Il met en garde les délégués contre le piège de l’unité : « Ces gens qui sont aujourd’hui avec la révolution et qui étaient jusqu’à avant-hier, ses ennemis déclarés, ont collaboré avec les autorités militaires pendant la guerre ». Aujourd’hui, dit Liebknecht, ils veulent monter les soldats contre les ouvriers, pour affaiblir la révolution, avant de l’étrangler : « La contre-révolution est déjà en marche. Elle est entrée en action. Elle est ici même, parmi nous ! » Sa voix est souvent couverte par les cris des soldats, brandissant leurs armes : « Unité, unité, unité ! ». La conférence valide la composition gouvernementale prévue par l’accord SPD-USPD.

Ensuite, après une « discussion » confuse et houleuse, l’élection du Comité Exécutif du Conseil des travailleurs et des soldats a eu lieu. Le comité sera composé de 12 représentants des soldats proches du SPD à côté de 12 représentants des travailleurs, dont 6 pour le SPD et 6 pour l’USPD. La déclaration finale de la conférence aura une tonalité plutôt révolutionnaire. Elle affirme que l’Allemagne est désormais une république socialiste, se prononce pour la paix et envoie des salutations fraternelles au gouvernement révolutionnaire en Russie.

1. La Social-Démocratie avant 1914

2. L’épreuve de la guerre

3. Premiers remous de la révolte

5. Double pouvoir

6. La création du KPD

7. La contre-révolution

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