Ce qui doit changer à la CGT

A u cours des derniers mois, la CGT a subi une offensive médiatique de grande ampleur. L’affaire Lepaon et les mauvais résultats de la centrale aux élections professionnelles ont fourni l’occasion à tous ceux qui y ont intérêt – le patronat, le gouvernement et les porte-paroles médiatiques du capitalisme – pour attaquer et discréditer la CGT.

On sait très bien pourquoi. Que serait le mouvement ouvrier français sans la CGT ? Sans organisation, les travailleurs sont réduits à une matière brute exploitable à volonté. Et la plus grande des organisations des travailleurs, c’est la CGT. Les résultats des élections ne reflètent pas sa véritable force. Malgré tous les problèmes qui existent – et ils sont importants – la CGT conserve une grande capacité de mobilisation. Certes, le mouvement ouvrier connaît des hauts et des bas. Au niveau des entreprises comme au niveau national, il y a des périodes de reflux et de découragement. Et puis il y a des moments où les travailleurs n’ont pas d’autre choix que de passer à l’action. C’est dans ces moments-là, quand les travailleurs ont besoin d’agir, qu’ils se tournent massivement vers la CGT. Ses « réserves sociales » et sa capacité de mobilisation potentielle sont énormes. Ses ennemis le savent et ne ratent pas une occasion pour l’attaquer et tenter de l’affaiblir.

Il n’empêche que la CGT a besoin de changer. Le problème qui se pose va beaucoup plus loin que les privilèges accordés à Thierry Lepaon. Ce n’est qu’un symptôme parmi bien d’autres d’un phénomène qui n’est pas nouveau – celui de la bureaucratisation de la CGT, d’un éloignement des dirigeants, notamment mais pas exclusivement au niveau confédéral, des préoccupations et des priorités des militants. Et ceci est l’expression d’un problème encore plus fondamental, celui de l’absence d’un programme et d’une stratégie pour combattre le système capitaliste et contribuer à son renversement, et la limitation de la « stratégie » confédérale à ce que l’on appelle un syndicalisme de proposition ou d’accompagnement. Dans la pratique, c’est une stratégie d’inaction, de passivité, d’adaptation au capitalisme. Toute l’histoire de la CGT a été marquée par la coexistence de deux courants fondamentaux, celui du syndicalisme réformiste et celui du syndicalisme révolutionnaire. Le problème de fond derrière les difficultés actuelles de la CGT se pose dans les mêmes termes.

L’idée fondamentale du réformisme consiste à prétendre qu’il est possible de défendre et d’étendre les conquêtes sociales sans toucher aux fondements du système. Le problème, c’est que dans la réalité capitaliste d’aujourd’hui, ce programme n’est pas réalisable. Sous le capitalisme, la course aux profits constitue l’unique moteur des investissements et de l’activité économique en général. Une entreprise est maintenue, fermée ou délocalisée en fonction de sa rentabilité. Augmenter le SMIC à 1700 euros, comme le réclame la CGT ? Les entreprises fermeraient. Donner un droit de véto aux travailleurs sur les licenciements, les projets d’investissements ? Dans ces conditions, plus aucun capitaliste n’investirait dans la production. Ce sont les réalités du mode de production capitaliste auxquels un « programme minimum » de revendications, rattaché à une vague notion de « développement humain durable », ne résiste pas. Le « dialogue social » avec le patronat et le gouvernement n’est qu’un leurre. Qui ne le sait pas ? Cela ne signifie pas qu’il faut renoncer à la lutte pour améliorer les conditions de vie des travailleurs. Il est bien évidemment nécessaire de lutter, ici et maintenant, contre toutes les conséquences du capitalisme, que ce soit le chômage et la précarité de l’emploi, les conditions de travail infernales, les salaires dérisoires ou les discriminations raciales, sexuelles, etc. Mais contraindre les capitalistes à faire des concessions sérieuses n’est plus possible sans une lutte offensive autour d’un programme frappant à la source même du pouvoir patronal, c’est-à-dire à la propriété capitaliste. Dans les conditions actuelles, la lutte syndicale doit être menée sur la base d’un programme d’expropriation des capitalistes. La CGT ne peut assurer sa mission de défense des intérêts des salariés qu’en se détournant du réformisme et en renouant avec le syndicalisme révolutionnaire. Sans cette réorientation de la CGT, la démission de Lepaon ou même de l’ensemble de la direction confédérale ne mettra pas la CGT à la hauteur des enjeux de notre époque.

Sylvain Roch

CGT AFPA Limousin

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