Le poids de l’Europe dans les affaires du monde est en recul. En 2005, sa part du marché mondial était de 30,4%. En 2012, elle n’était plus que de 23,2%. Le déclin de la France suit une courbe analogue.
Depuis 2005, sa part du marché mondial a baissé de 20%. En l’espace d’une décennie (1999-2008), la part du secteur manufacturier dans le PIB de la France est passée de 22% à 16%. Depuis 2008, la contraction de la production manufacturière s’est poursuivie au point de ne représenter que 11% du PIB actuellement, à comparer à 22% pour l’Allemagne. La part du marché de la France sur le continent africain a été divisée par deux en l’espace d’une décennie.
La France perd du terrain non seulement sur le marché mondial et dans l’Union Européenne, mais aussi sur le marché intérieur.
En 1978, le taux de pénétration de produits étrangers sur le marché national était de 22%. Vingt ans plus tard, en 1998, le taux était de 41%, et en 2008 de 56%, et de 63% pour les biens de consommation courante. La balance commerciale de la France n’a jamais été positive depuis 2002 (+3,5 milliards). En 2011, elle affichait un solde négatif de 74 milliards. Le « redressement » de la balance commerciale en 2012 (-68 milliards) s’explique non pas par une amélioration des performances économiques, mais par le ralentissement des importations en conséquence de la contraction de l’économie française.
Comme pour l’économie mondiale et européenne, 2008 a marqué un tournant majeur dans l’histoire économique de la France. Depuis 2008, l’économie française affiche des taux de croissance proches de 0%. Divers « pronostiqueurs » évoquent régulièrement des signes de « reprise » depuis 2009, et lors de son discours du 14 juillet 2013, François Hollande a même affirmé que la reprise était déjà en cours. Cet « optimisme » repose sur le fait que l’an 2009-2010 a connu une chute brutale de toutes les courbes de statistiques, qu’il s’agisse de la production industrielle, du secteur tertiaire (services, commerces, immobilier, transports etc.), du volume des échanges commerciaux, de l’emploi ou encore des revenus des ménages et de l’Etat. Par rapport à cette chute, les courbes de ces différents indicateurs remontent, en effet. Mais ce « redressement » ne constitue pas un inversement de tendance. Ainsi, par exemple, le taux de croissance du PIB était de 1,7% en 2010, mais par rapport à une chute de -3,1% en 2009, pour revenir à 0% en 2012 et 2013. Le taux d’utilisation des capacités productives suit un cours semblable : de 85% en 2008, il descend jusqu’à 72,2% en 2009, et remonte ensuite vers 82% en 2011 et 2012 avant de redescendre encore à 80,2% en 2013, soit près de 5 points en dessous de son niveau de 2008.
Il n’est pas impossible que les indicateurs économiques s’améliorent temporairement. Mais ceci ne modifiera pas la tendance générale. Les perspectives économiques de la France sont considérablement assombries par le poids écrasant de la dette publique. L’Etat s’est massivement endetté pour soutenir l’activité des capitalistes et atténuer les conséquences sociales désastreuses du système. La dette publique a atteint des proportions telles qu’il s’avérera impossible de la réduire sans provoquer un véritable effondrement économique. Au lieu de pouvoir injecter des capitaux dans les circuits économiques pour stimuler la production, l’Etat est condamné à la « rigueur ». Mais l’augmentation de la pression fiscale et la restriction des dépenses publiques tendent à aggraver la crise économique et ses conséquences sociales.
La dépense publique et sociale correspond à 57% du PIB de la France.
Ce chiffre est une expression parmi d’autres du sous-investissement chronique des capitalistes. Il indique à quel point le secteur privé dépend de l’investissement public. Il n’existe pratiquement aucun contrat industriel ou commercial important dans lequel l’Etat n’est pas impliqué d’une façon ou d’une autre. Or, ne serait-ce que pour ralentir l’augmentation annuelle de la dette, il faudrait réduire le déficit annuel d’au moins 100 milliards d’euros. Cela impliquerait une augmentation des recettes fiscales et une restriction des dépenses publiques d’une ampleur infiniment plus importante que ce que les gouvernements ont entrepris jusqu’à présent. La politique dite « de rigueur », mise en œuvre par le gouvernement actuel, comme celle de ses prédécesseurs, n’a pratiquement aucun impact sur l’évolution de la dette publique.
Compte tenu de l’augmentation massive de la dette publique d’année en année, on ne voit pas comment il serait possible d’éviter une crise de solvabilité majeure, à un certain stade. A la fin de 2011, la dette publique de la France se situait à 1717 milliards d’euros, soit 85,8% du PIB. Un an plus tard, elle était à 1834 milliards, soit 90,2% du PIB. La dette a donc pris 117 milliards d’euros en 12 mois, malgré une politique d’austérité. Fin septembre 2013, la dette s’établissait déjà à 1912 milliards (93,4% du PIB), et fin mars 2014, elle était à 1986 milliards, ce qui signifie qu’elle dépassera bientôt 100% du PIB. Cette situation ne peut pas continuer indéfiniment. Une crise de solvabilité des finances publiques entraînerait une contraction brutale de l’activité économique du pays, avec tout ce que cela signifierait pour l’emploi et les conditions de vie pour la vaste majorité de la population.
Une politique plus restrictive entraînerait d’emblée une forte contraction de l’activité économique – ce qui, à son tour, priverait l’Etat des recettes liées à cette activité. Le nombre de demandeurs d’emploi, évalué aujourd’hui à plus de 5 millions, monterait vers les 6 ou 7 millions. Ainsi un durcissement de la politique financière entraînerait une augmentation sensible des dépenses sociales. Les « économies » réalisées sur certains postes de dépenses engendrent des pertes d’argent sur d’autres. La « solution » ne fait donc qu’empirer le problème. Par crainte d’instabilité sociale et de mouvements révolutionnaires, les gouvernements augmentent les impôts et réduisent les dépenses à des niveaux qu’ils estiment « socialement acceptables », préférant fermer les yeux sur l’augmentation de la dette et les conséquences catastrophiques de celle-ci, à terme.
Embourbé dans ses contradictions, le régime capitaliste est dans une impasse. Et pourtant, il n’existe aucune « dernière crise » du capitalisme. Le système tiendra debout, d’une manière ou d’une autre, tant qu’il n’est pas renversé par l’action révolutionnaire des travailleurs. La signification historique de la crise économique actuelle n’est pas qu’elle est définitivement insurmontable, mais qu’elle implique une longue période – de 5, 10 ou 15 ans, par exemple – pendant laquelle toutes les conquêtes sociales et démocratiques de la classe ouvrière, devenues totalement incompatibles avec le capitalisme, devront être réduites à néant. Ce sera le prix de la survie du capitalisme. Et ce prix porte en lui la perspective d’une révolution.
Les directions réformistes du mouvement ouvrier ne voient pas ou ne veulent pas voir cette réalité.
Tout le monde veut des « réformes ». Les capitalistes en réclament. Les travailleurs et toutes les victimes du système en réclament. Toutes les révolutions commencent ainsi. Les gouvernements tenteront, certes, de réformer le système de diverses façons. Mais les ministères de notre époque n’auront pas plus de succès que Turgot, Calonne ou Necker pendant les décennies qui ont débouché sur la Révolution de 1789-1794. Tant que le capitalisme restera en place, ses mécanismes seront bien plus puissants que l’action des gouvernements, aussi « à gauche » soient-ils. Les bienfaits supposés des réformes se briseront contre le mur des intérêts de la classe dominante et des mécanismes du mode de production capitaliste. Et, comme à la fin du 18e siècle, ce sera l’échec des tentatives de réforme qui ouvrira la voie à la révolution.
Il n’y a pas de limite à la régression que la classe capitaliste imposera aux travailleurs, mais il y a une limite à ce que ceux-ci peuvent supporter. C’est cette contradiction qui prépare la révolution. L’équilibre social de l’ordre capitaliste repose, finalement, sur la passivité de notre classe. Cet équilibre finira par se rompre. La grande masse de la classe ouvrière sortira de sa passivité, passera à l’action et, qu’elle en soit consciente ou pas au début du processus, placera par la force des choses la révolution socialiste à l’ordre du jour en France et, par extension, dans toute l’Europe.
Greg Oxley PCF Paris 10