La Fête de l’Humanité va avoir 92 ans !

Elle a bien changé dans sa forme, ses lieux, la Fête de l’Humanité, depuis sa création par le directeur de l’Humanité, Marcel Cachin, le 7 septembre 1930 ! Elle fut mise en place simultanément avec les comités de défense de l’Humanité, déjà pour faire vivre le journal. Les images du site ciné archives du PCF (http://www.cinearchives.org), sont précieuses, elles retracent par épisodes ses grands moments. C’est par ce prisme vivant que l’on peut appréhender aussi l’histoire de ce moment populaire politique et convivial qui rythme la vie du journal l’Humanité.

Le rassemblement populaire, syndical et politique, en banlieue parisienne, dans le parc de Garches, le 22 juillet 1928, est le premier dont il existe des images. Le compte-rendu en montre la simplicité de la solidarité prolétarienne. Cette fête champêtre, par ses stands et ses jeux, mêle différentes formes de sociabilités familiales et ouvrières : Jeux populaires (pêche, casse-pipe course en sacs), stands, danseuses algériennes exécutant la «nouba» ; la police à cheval surveille.

Face à l’interdiction du préfet de leur laisser l’usage des parcs domaniaux entre 1925 et 1932, le Pcf utilise l’union des syndicats ouvriers de la Seine comme prête-nom pour continuer de tenir les fêtes de l’Humanité, dont La Fête de Garches qui fut entièrement prise en charge par l’Union des Syndicats de la région parisienne (CGTU). L’Humanité y tient toutefois un stand. («La fête de l’Humanité» de D. Tartakowsky et N. Gérome éditions Messidor 1988). De 1921 à 1929, des fêtes champêtres sont organisées par L’Humanité à Garches, Meudon, Bezons. « Elles prolongent une tradition ouvrière et constituée dès le début du siècle et consistante à se retrouver en famille autour de la musique, du bal, des jeux, du déjeuner sur l’herbe »…

La première fête se tient le dimanche 7 septembre 1930 à Bezons – municipalité communiste depuis le Congrès de Tours, au parc Sacco-et-Vanzetti. Les 150 Comités de défense de l’Humanité créés sous l’impulsion de Marcel Cachin, directeur du journal, et qui ont souscrit des mois durant pour sauver le journal, se réunissent alors en congrès. Il s’agit de prolonger et d’organiser les actions de soutien à la publication de l’Humanité, mise en péril par l’offensive gouvernementale contre la Banque Ouvrière et Paysanne en 1929. Alors constitués, les Comités de Défense de l’Humanité (C.D.H.) se doivent désormais d’être durablement structurés. Leur réunion se constitue en congrès à la mairie de Bezons. L’entrée est à deux francs, mais seulement mille personnes viennent à la première fête, à laquelle n’est présent qu’un seul stand non parisien, celui de la ville d’Alès hors de l’Île-de-France.

Lors de la Fête se produisent des artistes amis. Des jeux de massacre revendicatifs sont proposés par les associations et les unions syndicales et où – la pluie s’étant mise à tomber après que Maurice Thorez ait chanté debout sur une table le P’tit Quinquin, une quête de 21 000 francs fut versée aux mineurs du Nord alors en grève. Il y a eu des Fêtes bien significatives de différentes périodes qui ont animé la vie de l’Humanité et du PCF. Le 30 août 1936, la fête du parti communiste et de son journal, l’Humanité, se situe en banlieue parisienne, dans le parc de Garches. Les premiers grands concerts ont lieu en 1936 lors du Front populaire, qui voit la fête pour la première fois dépasser le seuil de 300.000 participants.

Le contenu politique de cette fête mêle antifascisme, internationalisme, et dénonciation virulente, par Maurice Thorez, des « Zinoviévistes » et des « Trotskistes», en obéissance à la ligne stalinienne de l’époque. Parmi les stands, on relève ceux de Regards, des Cahiers du Bolchevisme, des Maisons de la Culture, de l’ARAC et de Fraternité (association franco-immigrée). On entend le son du biniou et l’hymne de Riego. Des Bretons en costume dansent devant Marcel Cachin.

Ce très vaste rassemblement populaire, mariant internationalisme et patriotisme, tradition et modernité (un avion et une montgolfière survolent la fête) témoigne de la capacité nouvelle du parti communiste à s’adresser à de larges secteurs de la société française. La « charge » de Maurice Thorez contre les trotskistes renvoie principalement au contexte international, avec l’organisation des procès de Moscou, l’incarcération et l’assassinat des opposants du régime de Staline.

En 1937, la fête accueille ses premiers stands d’autres pays : Suisse, Belgique, Angleterre, Union soviétique. Interrompue pendant les années d’Occupation, la tradition de la fête de l’Huma reprend à la Libération et réunit un million de personnes en 1945, au bois de Vincennes. Il y a différents stands (U.F.F, A.R.A.C., U.J.F.F., Ménagerie antifasciste, C.D.H, La Famille Nouvelle…), les activités sportives, les loisirs et les spectacles de la scène centrale (danses et ballets, son et lumière sur l’Occupation et la Résistance reproduisant entre autres le déraillement d’un train). La foule est estimée à un million de personnes. Marcel Cachin évoque « les cinq années d’interdiction de L’Humanité, et Maurice Thorez remet la carte du « millionième adhérent » « au camarade Pruvost », mineur de Bruay-en-Artois. Dans son allocution, le secrétaire général du Parti Communiste regrette que le Parti socialiste ait refusé « l’unité organique, l’unité d’action, s’oppose au référendum et au mode de scrutin inspiré par les trusts, refuse les projets de « démocratie autoritaire » et, enfin, soutient la C.G.T.

Un immense drapeau tricolore est planté au milieu de la Fête, quelques airs de La Marseillaise, interprétés par l’Harmonie d’Hénin-Liétard, accompagnent la première apparition de Maurice Thorez dans la foule. Sur la scène centrale, parmi les autres drapeaux des puissances alliées, présence d’un drapeau américain. Première Fête de l’Humanité après la Libération, ce très vaste rassemblement témoigne de la popularité et de la puissance du P.C.F. après la guerre, qui s’inscrit dans la Bataille de la production.

Lors de la fête en 1952 des portraits d’Henri Martin, un stand (“Libérez Henri Martin”) et la présence de son père sur le stand, appellent à la mobilisation en faveur du marin emprisonné pour avoir diffusé des tracts contre la guerre française en Indochine. De l’activité anti-impérialiste du PCF. Des portraits de Maurice Thorez et des écriteaux (“Bientôt Maurice sera là”, “Bonne santé, Maurice”) assurent la présence au sein de la fête du secrétaire général du PCF qui réside alors en URSS pour se faire soigner à la suite de son attaque d’hémiplégie survenue le 10 octobre 1950 ; Thorez ne rentrera en France que le 10 avril 1953, après la mort de Staline.

Entre autres aperçus : un portrait de Staline, le stand d’Ivry, celui de l’Union des jeunes filles de France (UJRF), de l’Union des femmes françaises (UFF), Pif en peluche, vendu sur un stand, le stand du journal Ce Soir (“Le seul journal du soir qui ne fait pas “chut”), le panneau de rue dédié à Ambroise Croizat (décédé le 11 février 1951)… En 1954, trente départements sont représentés.

Un film sur Ciné archive montre la fête de l’Humanité de 1965, et sa préparation, moment crucial, du point de vue d’un militant de la section communiste du 19e arrondissement de Paris. Toute une première partie est consacrée à la préparation de la fête. Dans les locaux du comité d’Arrondissement du 19e, les militants s’affairent pour construire les éléments composant le stand du 19e arrondissement : en plein air, on découpe, on peint, on cloue, rien n’a changé depuis des monteurs bénévoles et militants de la Fête. Certains stands sont visibles comme celui de la fédération Saône-et-Loire qui arbore une banderole : « Aimer et faire lire l’Humanité comme les Bourguignons aiment et savent faire déguster leurs bons vins ». Sur la grande scène, on aperçoit des groupes de musique, de majorettes ou des discours. Le film s’achève sur des images du feu d’artifice de la Fête de l’Humanité.

En septembre 1965, la fête de l’Humanité a lieu à la veille de l’élection présidentielle, prévue fin novembre début/décembre. Le PCF, sous l’égide de son nouveau secrétaire général, Waldeck-Rocher, a adopté une stratégie d’union avec les autres partis de gauche, en particulier avec le parti socialiste : un seul candidat, François Mitterrand, affronte le général de Gaulle. Depuis la première à Bezons en 1930, presque tous les principes qui animeront la Fête de l’Humanité pendant 85 ans sont alors réunis : de la réunion familiale à la fraternité militante, mise en fête de l’action politique, rencontre directe des cadres et des figures du Pcf, et démonstration de la vitalité, de l’unité du groupe, de sa capacité à inventer et à réaliser d’autres façons de vivre en société.

Le lieu et l’ampleur de la fête changeront au cours du temps. Après Bezons et le Parc d’Avincourt à Athis-Mons – pendant sept ans, avant-guerre – la tradition de la Fête de l’Huma commence à s’installer à Garches, dans la clairière des Quatre Cèdres puis dans celle des Trente Marronniers. Après-guerre, pendant plus de dix ans, la Fête s’installera sur la pelouse de Reuilly à Vincennes ; une période qui sera suivie de dix ans d’errance, de Montreuil à La Courneuve en passant par Meudon, en retournant à Vincennes, un prélude à trente ans d’installation au Parc de La Courneuve.

Quelle que soit la participation, les ressorts fondamentaux resteront inchangés : l’allongement de la durée de la fête, la complexité et la qualité des programmes affichés. La Fête illustre les combats des communistes, l’actualité et la situation politique du monde : les jeux de massacre vilipendent les capitalistes, Laval, ou les généraux de la guerre d’Algérie. À partir des années 50 s’imposera le partage sans limites de la nourriture, les banquets de la Fête. Après 1977, les cultures régionales s’exprimeront sans réserve. L’inauguration des stands par la promenade en procession du Comité assure une fonction de transition entre les rituels populaires et l’organisation volontariste de la Fête. Depuis, c’est partout – dans les stands des Fédérations, des entreprises, des organes de la presse communiste, au Village du Livre – que sera faite la démonstration de la capacité du Parti à diffuser, pour le plus grand monde, des activités culturelles où la culture scientifique tient toute sa place. En 1954, avec la création de la Cité Internationale, la Fête s’ouvre à l’ensemble du territoire national. Au cours des décennies, quelle que soit la fortune du projet communiste dans l’histoire, son image ne se départira jamais des valeurs de la fête populaire.

Pour conclure, on pourrait dire que l’édition 2019 de la Fête de l’Humanité, avait attiré plus de 450 000 visiteurs sur trois jours à La Courneuve. En 2021, malgré la crise sanitaire qui perdurait, la 86e édition de la Fête attirait tout de même 110 000 personnes et se place donc comme le seul événement dans le pays, ayant pu atteindre plus de 100 000 participants cette année-là ! En 2022, pour sa 87e édition aura lieu les 9, 10 et 11 septembre, c’est un nouveau pari sur la Base 217 du Plessis Pâté en Essonne (91) après des décennies passées à La Courneuve au Parc Georges- Valbon ! Espérons que cela sera le gage de nouveaux succès !
De plus comme depuis quelques années c’est toute la “gauche” qui est invitée à l’initiative du journal qui se fait fédérateur, et en 2022 elle sera présente, le PCF bien sûr et ses Fédérations, des stands de Lutte Ouvrière, du NPA, d’Ensemble !, et pour la Nupes : Génération.s, La France Insoumise, le PS, EELV et j’en passe, jusqu’à La Riposte, bien sûr !

La vieille dame est encore debout, la Fête de l’Humanité va avoir 92 ans, pour sa 87e édition, elle est encore bien vivante et souhaitons à notre Fête bien des combats et une belle fraternité !

Par Laurent Gutierrez, PCF 21/La Riposte en Côte d’Or

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