Le coronavirus « COVID-19 » peut-il déclencher une crise économique mondiale ?

La pandémie du coronavirus “COVID-19” révèle les contradictions d’une économie mondiale simultanément interconnectée et concurrentielle. Si les mesures prises par certaines grandes puissances dénotent d’un affranchissement des règles austéritaires habituelles et de la sacro-sainte propriété privée, les retombées économiques et sociales seront à la charge de la classe ouvrière. A nous de créer les conditions pour nous affranchir à terme de ce système.

Par Gauthier Hordel,  PCF Rouen

Nous assistons actuellement à une chute vertigineuse des bourses mondiales sous l’impact de la propagation à travers le monde du virus COVID-19. Plus exactement, les mesures d’endiguement du virus que l’on observe particulièrement en Chine et désormais une bonne partie de l’Europe à l’heure où sont écrites ces lignes ont un impact sur l’activité économique. Les usines tournent au ralenti, si elles ne sont pas à l’arrêt, le secteur du tourisme baisse drastiquement ayant un effet domino sur tous les secteurs qui en dépendent comme le transport aérien. Les mesures de confinement provoquent une baisse de la demande particulièrement visible sur la consommation de pétrole. Le marché capitaliste montre des signes jour après jour d’une extrême instabilité. Mais pour analyser la situation actuelle, il faut revenir sur la période précédente pour comprendre le contexte économique dans lequel cette crise est en train d’apparaître.

Un contexte économique pré-coronavirus instable

 La crise financière de 2007-2008 a eu pour conséquence une nette dégradation de la situation globale. En réalité, nous en subissons encore les séquelles par la mise en place de mesures austéritaires dont l’objectif était de ralentir l’endettement des États. Ce sont ces derniers qui à l’époque ont permis de sauvegarder le système en finançant les pertes massives des banques et de les sauver de la faillite. Cette crise a démontré de façon très nette la surcapacité productive du système de production capitaliste qui, pour rééquilibrer l’offre à la demande, a diminué sa capacité de production. Les conséquences directes ont été l’augmentation du chômage dans les années qui ont précédé cette crise. Pour le bon fonctionnement du système et assurer les profits capitalistes, les marchandises doivent trouver preneur. Autrement dit, la consommation est le moteur du profit capitaliste. Or les mesures austéritaires mises en place ont eu pour impact de miner la demande par la diminution du pouvoir d’achat relatif à la quantité de marchandises mises sur le marché. Cependant, le remède est aussi le facteur de la maladie qui a entraîné une contraction de l’activité économique.

Pour soutenir la demande afin d’éviter d’avoir un taux d’utilisation des capacités de production trop faible, autrement dit relancer l’économie après le Krach de 2007-2008, les banques centrales ont eu recours au « Quantitative Easing », c’est-à-dire l’injection de capitaux fictifs dans l’économie. Ceci permet d’accroître la masse monétaire pour favoriser la consommation et la baisse des taux d’intérêt afin de favoriser le crédit. Ce dernier point est caractéristique d’une économie à bout de souffle qui manque cruellement d’investissement afin de produire les richesses si chères à la « sainte » croissance du PIB et sans laquelle l’économie capitaliste s’effondrerait. En effet, le but de la baisse des taux d’intérêt est de relancer à la fois l’investissement, c’est-à-dire trouver des débouchés pour les capitaux, maintenir une certaine stabilité des « marchés » et augmenter artificiellement la demande. Les capitalistes ont besoin de trouver des débouchés pour leurs marchandises.

Malgré toutes ces mesures, l’économie tourne au ralenti. Déjà avant l’arrivée de la crise du coronavirus, le FMI[i] et l’OCDE[ii] n’excluaient pas la possibilité d’un nouveau krach. Par exemple depuis 2018, les principales économies de la zone euros ont des taux de croissance en baisse avec un niveau d’endettement qui augmente de façon inquiétante. La croissance de l’Allemagne, première puissance économique de l’UE, ne dépassait pas 0,5 % en 2019. La France a vu son endettement passer au dessus de 100 % du PIB en 2019. Quant à l’Italie, le grand malade de l’UE, était en 2019 dans une situation périlleuse avec une croissance de 0,2 % et un niveau d’endettement de près de 140 %. Au niveau mondial, la capitalisation  a beaucoup plus augmenté que le PIB, ce qui inquiète les économistes car ils sont les symptômes d’une crise à venir.

Au niveau mondial, la capitalisation a beaucoup plus augmenté que le PIB, ce qui inquiète les économistes car ils sont les symptômes d’une crise à venir.

On observe cette contraction de l’économie partout à travers le monde. Par exemple la Chine, soi-disant le miracle économique, a eu en 2019 son taux de croissance le plus bas depuis 28 ans, s’établissant autour de 6 %. Or, lorsque l’économie mondiale subit une telle contraction, il est inévitable qu’une guerre économique fasse rage entre les puissances mondiales. Des mesures protectionnistes sont prises par certains. Les États-Unis en tête de proue ont commencé par imposer des taxes douanières sur des produits d’importation chinois. Cela a commencé par l’acier et l’aluminium et dernièrement avec l’interdiction au géant des télécoms chinois Huawei de pouvoir avoir la possibilité d’obtenir le marché du déploiement de la 5G aux États-Unis. Lorsqu’un pays applique des mesures protectionnistes pour favoriser son économie nationale, les pays visés répondent par des mesures de rétorsion. Dernièrement, nous avons assisté à cette guerre également entre la France et les États-Unis à partir de la taxe GAFA que la France voulait imposer aux multinationales américaines du numérique. Là également, Trump a opposé à cette taxe des mesures de rétorsion. Des exemples comme ceux-là, nous pourrions en exposer davantage mais cela illustre le fait que nous assistons à de véritables rivalités économiques entre les grandes puissances.

Le coronavirus et le ralentissement de l’économie chinoise

Les lundi 9 et jeudi 12 mars ont été marqués par un double krach boursier. Les économies mondiales ont vacillé. Les cours du pétrole ont chuté lundi 9 mars, ce qui a impacté tous les secteurs qui y sont liés, entreprises de service pétrolier et banques finançant le secteur. Jeudi 12 mars fut la chute la plus terrible de l’histoire du CAC40. La Chine, le pays d’où s’est propagé le COVID-19 a dû prendre des mesures drastiques pour tenter de freiner l’épidémie. L’économie chinoise s’est mise partiellement en arrêt du fait des mesures d’endiguement et de confinement. Par conséquent, la demande intérieure a chuté, tant sur la consommation des ménages que des entreprises en matières premières. La production industrielle a baissé de 13 % et la consommation des ménages  de 20 %.

La Chine est le premier pays importateur de pétrole, or sa consommation a chuté passant de 15 % de la demande mondiale à 3 %. Le pétrole s’est donc retrouvé en surabondance sur le marché, l’offre est devenue supérieure à la demande. Les pays de L’OPEP[iii] et la Russie n’ont pas trouvé d’accord sur la régulation de la production, la Russie refusant de réduire sa production qui porterait atteinte à la  guerre économique qu’elle se livre avec les États-Unis et son gaz de schiste. En représailles, l’Arabie Saoudite avait menacé d’inonder le marché pour provoquer une baisse considérable du prix du baril et affaiblir la « compétitivité » de la production russe. Cet événement a produit une panique sur les marchés.

Le capitalisme mondialisé a créé une division internationale du travail. La Chine deuxième puissance économique mondiale représente dans cette organisation l’usine du monde. C’est la raison pour laquelle le brusque ralentissement économique de ce pays a un impact sur le reste du monde.

Le capitalisme mondialisé a créé une division internationale du travail. La Chine deuxième puissance économique mondiale représente dans cette organisation l’usine du monde. C’est la raison pour laquelle le brusque ralentissement économique de ce pays a un impact sur le reste du monde. La Chine produit 20 % des marchandises intermédiaires, c’est-à-dire utilisées pour en  produire d’autres. Cela veut dire que 1/5 de la totalité des marchandises produites dans le monde dépendent de la Chine. Pour ce faire, elle importe énormément de matières premières comme le pétrole et les minerais. Elle est également très  gourmande en matière première agricole. Déjà un certain nombre de pays connaissent de grandes difficultés du fait qu’une part importante de leurs économies sont liées aux exportations vers la Chine et se retrouvent en surcapacité productive. C’est le cas par exemple du Brésil dont les exportations de soja dépendent de la consommation de la Chine. Or la situation actuelle déstabilise une part de l’économie brésilienne. Il est difficile à l’heure actuelle de chiffrer les dégâts bien qu’ils sont clairement palpables.

La propagation du virus au reste du monde et les conséquences économiques

La rupture de la « supply chain[iv] » déstabilisent les économies mondiales qui intègrent dans leur production des produits fabriqués en Chine. Cet élément fut le premier effet du ralentissement chinois. Mais la forte propagation du virus dans le reste du monde et notamment en Europe a levé un vent de panique sur les places boursières qui ont dégringolé ce jeudi 12 mars. Les capitalistes dont la seule motivation est le profit à court terme ont agi en conséquence et se sont mis à revendre leurs actifs. Ce qu’ils craignaient le plus est un arrêt brutal de l’activité. À l’heure actuelle, 40 % du PIB Italien est immobilisé. Les mesures de confinement neutralisent à la fois la production mais aussi la consommation. Ce manque de débouchés effraie les capitalistes qui ne peuvent en tirer profit.

L’Italie, l’Espagne et la France qui sont pour le moment les pays les plus affectés par la contagion ont pris des mesures sévères de confinement. Tous les secteurs d’activité sont fortement impactés, en premier lieu le secteur du tourisme, qui représente en France 7,3 % du PIB. Par exemple, les Chinois dépensent 280 milliards de dollars via le tourisme international. Les restrictions de déplacement des Chinois ont des conséquences graves sur ce secteur d’activité. Les entreprises connexes à ce secteur comme l’aérien subissent de lourdes pertes, par exemple, Air France qui a annoncé la suppression de 1500 postes. Les PME sont les premières entreprises qui subissent mortellement la baisse de l’activité économique et les décisions de fermetures des commerces. La situation est complexe car les annonces des gouvernements visent à endiguer la propagation du virus mais aussi à tenter de rassurer « les marchés » où les capitalistes attendent des mesures fortes pour soutenir l’économie.

Quelles perspectives ?

L’économie mondiale présentait déjà les symptômes d’une crise à venir et le coronavirus ne vient qu’ajouter de l’instabilité à une situation générale qui tanguait déjà sérieusement. Toutes les mesures de confinement sont déclencheuses de récession. Les prédictions les plus optimistes de l’OCDE pour 2020 tablent sur une baisse de la croissance mondiale de 0,5 % soit de 2,5 % au lieu de 3 % si la pandémie du COVID-19 est jugulée d’ici le printemps. La prédiction la plus pessimiste table sur une baisse de 1,5 % si le virus se propage sur l’année. Il faut prendre ces chiffres avec précaution, car le marché capitaliste est extrêmement volatile comme nous avons pu le constater précédemment et repose sur la confiance en la capacité des marchandises à trouver un débouché. Dans le cadre d’une situation de surproduction, les prix s’effondrent et la panique s’installe accentuant les effets du krach. Selon le FMI, les deux tiers du problème viendraient d’un effet psychologique des investisseurs mais aussi des ménages qui se mettent à épargner plutôt qu’à consommer.

L’économie mondiale présentait déjà les symptômes d’une crise à venir et le coronavirus ne vient qu’ajouter de l’instabilité à une situation générale qui tanguait déjà sérieusement.

Certains économistes émettent l’hypothèse que la croissance va suivre une courbe en V. Ce qui n’aura pas été consommé le sera lorsque la situation reviendra à la normale et relancera l’activité. Mais les entreprises mettent d’ores et déjà la pression sur le Gouvernement afin de financer les pertes liées aux mesures de confinement (chômage partiel, report des cotisations…). L’État vient au secours des capitalistes qui utilisent le chantage des pertes d’emploi. Le ralentissement économique met des entreprises en difficulté quant à leur trésorerie qui ne pourront honorer le paiement de leurs dettes auprès des banques. Le gouvernement tente de répondre à ce problème via l’octroi de crédits par la BPI[v]. La situation illustre le fait que « les profits sont privatisés et les pertes nationalisées ». Au total c’est près de 350 milliards d’euros qui seront mis sur la table pour sauvegarder l’économie. Macron a annoncé qu’il agirait « quoi qu’il en coûte », sans préciser à qui sera présentée l’addition ni à qui va profiter sa mansuétude.

Au niveau de la zone euro, la BCE[vi] a annoncé  l’injection de capitaux pour racheter les dettes d’États et des entreprises à hauteur de 750 milliards d’euros. Néanmoins, elle a renoncé pour le moment à modifier ses taux directeurs[vii], une mesure très attendue par les capitalistes pour retrouver la confiance.

Cependant, nous comprenons que toutes ces mesures prises par les États auront de profondes conséquences sur l’endettement public. Il est presque certain que l’Italie entrera en récession et il est fort à parier que de nombreux pays de l’UE suivront le même chemin dont certainement la France, avec une récession évaluée à −1 %. C’est la raison pour laquelle l’UE[viii] va assouplir ses règles sur le déficit budgétaire plafonné à 3 % aujourd’hui. L’austérité fait déjà rage, imposant une détérioration des conditions de vie pour la vaste majorité de la population. Comme dit précédemment, il faudra payer la note de toutes les mesures qui seront prises. Cela aura nécessairement des conséquences sur les finances publiques sous forme de coupes budgétaires. Compte tenu du fait que les gouvernements au pouvoir représentent le pouvoir économique des capitalistes, ce seront les travailleurs qui seront mis à contribution. Le système capitaliste est en crise perpétuelle depuis les années 70. Quel sera le degré de gravité de la crise ? Il est difficile de le déterminer, tant nous voyons la bourse subir des soubresauts imprévisibles. Nous observons par exemple une reprise économique en Chine. Mais ce coronavirus n’est pas le facteur déterminant de la crise économique en incubation, il n’en est que le coup de froid mettant à genoux un organisme déjà fragile.

Mais ce coronavirus n’est pas le facteur déterminant de la crise économique en incubation, il n’en est que le coup de froid mettant à genoux un organisme déjà fragile.

La situation de guerre économique décrite plus haut sera aggravée par la récession qui va frapper. La baisse de la croissance généralisée engendrera une contraction de l’économie plus importante et accentuera la guerre économique entre les grandes puissances. L’apparente solidarité toute relative face à la menace du virus va s’évaporer dès que la question de la concurrence économique sera le premier point à l’ordre du jour. Mais il est certain que les problèmes que nous avons connus vont s’aggraver et la récession frappera en premier les travailleurs, chômeurs, retraités et étudiants. Macron et Philippe en appellent à l’unité nationale pour faire face à la crise. Cette unité n’est que pure illusion tant nous vivons dans une société divisée en classes aux intérêts antagoniques. Au sortir de la crise sanitaire cette division prendra une forme encore plus aiguë qu’avant.

Le système capitaliste est incapable de résoudre les problèmes auxquels fait face l’humanité, il est inadapté aux besoins réels, ceci est particulièrement visible en situation d’urgence. Face à la crise sanitaire, il y ajoute une crise économique, puisque seul le profit importe. C’est l’absurdité d’un système basé sur la propriété des moyens de production et d’échange qui induit la compétition alors que la situation impose la coopération. Paradoxalement, nous assistons à une tentative de prise de contrôle de l’État sur l’économie, agissant sur tel ou tel secteur économique, afin d’orienter sa lutte contre la propagation de la pandémie. Il faudrait une économie, pendant cette période, au service des nécessités réelles, or le gouvernement après avoir imposé un confinement stricte exhorte les travailleurs à retourner dans leur entreprise pour maintenir l’économie capitaliste en vie. « L’État » devient indispensable pour tenter de résoudre le problème et sauvegarder le système.  Les nationalisations tant décriées par les ennemis du communisme, sont devenus un recours pour « sauver » des entreprises au bord de la faillite tel que la compagnie aérienne italienne Alitalia. Bruno Lemaire a annoncé également de probables nationalisations pour « sauver » des entreprises. Tout ceci entre en profonde contradiction avec la doctrine défendue jusqu’à maintenant. Mais il ne faut pas se leurrer, ces potentielles nationalisations n’auront pour but que de soutenir les capitalistes dans la faillite de leur économie et leur livrer des entreprises sorties d’affaire par la suite. Cela démontre que le modèle capitaliste tel qu’il était vanté est une profonde impasse. C’est pour nous l’occasion de mettre en avant qu’il faut rompre avec ce système en mettant en commun les ressources de la société pour répondre aux besoins réels et pour  relever les défis qui nous font face. Cela doit passer par la nationalisation des leviers économiques majeures sous le contrôle démocratique des travailleurs.


Notes

[i]Fonds monétaire international

[ii]Organisation pour la coopération et le développement économiques

[iii]Organisation des pays exportateurs de pétrole

[iv]La supply chain se réfère à la gestion de chaîne logistique, la chaîne d’approvisionnement en quelque sorte

[v]Banque publique d’investissement

[vi]Banque centrale européenne

[vii]Les taux directeurs sont les taux d’intérêt au jour le jour fixés par la banque centrale , et qui permettent à celle-ci de réguler l’activité économique.

[viii]Union européenne

Sources: OCDE, les Échos, France Inter « on arrête pas l’éco »

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