Manifestation du 10 novembre à Paris : hystérie anti-arabe dans les médias, fraternité exemplaire dans la rue

Crédit photo AFP / GEOFFROY VAN DER HASSELT

Aujourd’hui plus que jamais, le passé colonial de la France vient polluer la conscience de classe du mouvement ouvrier et donner du grain à moudre aux franges racistes de la bourgeoisie française.

Le terme “islamophobie”, au centre des débats, revêt chez les uns l’interdiction de critiquer l’Islam et chez les autres la stigmatisation d’individus en raison de leurs croyances et pratiques religieuses.  Il s’agit en réalité de l’avatar religieux d’une haine anti-arabe aux racines multiples qu’il serait trop long de détailler ici…

Le point d’orgue de cette hystérie bien française est cette affaire de l’étoile jaune à cinq branches et accolée d’un croissant de même couleur avec la mention “muslim” (musulman) au centre de l’étoile, tentative maladroite d’assimiler le sort des Musulmans à celui des Juifs dans les années 30. Cette nouveauté logographique a été utilisée pour la première fois à notre connaissance dans la manifestation du 10 novembre dernier dans les rues de Paris en réponse à l’appel du CCIF et de partis d’extrême gauche ainsi que des personnalités connues pour leur engagement contre le racisme anti-musulman.

Contrairement à l’atmosphère tendue et glauque qui règne dans les plateaux télé et certaines discussions dans les réseaux sociaux, là l’ambiance était on ne pouvait plus festive et bon enfant. L’auteur de ces lignes, coutumier des manifestations syndicales, n’a jamais vu une telle diversité ethnique et une telle homogénéité dans l’humeur revendicative et la volonté de rester unis.

Contrairement à l’atmosphère tendue et glauque qui règne dans les plateaux télé et certaines discussions dans les réseaux sociaux, là l’ambiance était on ne pouvait plus festive et bon enfant

Certes il y avait de minuscules groupes religieux en marge de la manifestation. Mais ils semblaient dépassés par le mouvement et très marginalisés par rapport à la manifestation. L’immense majorité des manifestants ne portait aucun signe religieux. Il y avait effectivement des femmes voilées dans les cortèges mais elles étaient minoritaires. Quand bien même elles auraient été une majorité à porter le voile : n’est ce pas là leur droit si elles l’ont mis à leur propre initiative ? Notre place n’est-elle pas à côté de celles et ceux qui subissent le racisme et la stigmatisation au quotidien ?

Faire passer cette manifestation comme une victoire de l’islam politique est au mieux une supercherie, au pire une dangereuse prophétie auto-réalisatrice. C’est jouer avec le feu que de monter en épingle de telles sornettes sur les femmes voilées qui seraient toutes des femmes soumises à leurs maris et qui viendraient menacer l’unité de la France. C’est jouer avec le feu que de désigner les banlieues populaires comme des foyers conscients et revendiqués d’un fondamentalisme religieux muni d’un projet politique.

Ainsi, la résurgence des thématiques religieuses dans le débat public est une réalité dans ce pays qui demande à être mieux comprise. En effet, si d’un côté le phénomène religieux connaît un net recul quantitatif dans la société toutes obédiences confondues, il s’accompagne d’une radicalisation et d’une capacité de nuisance grandissante des franges réfractaires à cette sécularisation. Par ailleurs, les rebondissements de la géopolitique internationale et plus particulièrement la question palestinienne provoquent une  polarisation croissante entre Juifs et Musulmans dans les quartiers populaires, savamment entretenue par les médias. Il est indéniable aussi que la religion catholique se soit durablement invitée sur le devant de la scène politique avec les débats que l’on sait sur le mariage pour tous lors du précédent quinquennat.

(…) si d’un côté le phénomène religieux connaît un net recul quantitatif dans la société toutes obédiences confondues, il s’accompagne d’une radicalisation et d’une capacité de nuisance grandissante des franges réfractaires à cette sécularisation

A cela s’ajoutent les conséquences de la désindustrialisation, de l’austérité budgétaire et du recul des services publics dans les quartiers populaires. Les conséquences de l’exploitation de classe combinée à l’oppression liée à ses origines réelles ou supposées : c’est cela qui fait que la ligne de moindre résistance revient à se replier sur sa communauté, sa famille, ses origines géographiques, en ces temps de déboussolement mondialisé. C’est aussi la conséquence du reflux multi-décennal d’un mouvement ouvrier fort qui avait comme tradition la formation des travailleurs et leur cohésion de classe face à l’ennemi capitaliste. C’est enfin un effet miroir de cette montée inquiétante de l’extrême-droite européenne dont les discours de haine connaissent une banalisation croissante dans les médias et l’opinion, le cas Zemmour en France en étant l’exemple le plus alarmant pour ses appels directs à la violence physique ciblée sur les Musulmans.

L’événement tragique de Bayonne, véritable attentat terroriste d’un membre du RN contre une mosquée, était bien un crime raciste et islamophobe puisqu’il visait un lieu de culte musulman. Le traitement médiatique et judiciaire qui en a été fait (psychiatrisation de l’acte, minimisation voire invisibilisation de son caractère terroriste) fera les choux gras des sphères fondamentalistes qui gravitent dans certaines mosquées.  Cet acte faisait suite à la polémique suscitée par l’humiliation publique et devant son enfant d’une accompagnatrice scolaire voilée dans l’enceinte du Conseil Régional de Bourgogne Franche Comté par un élu du même parti. Ce qui prouve bien les effets néfastes et concrets d’un débat public qui a pour but d’offrir un bouc émissaire à la vindicte populaire pour la détourner des vrais responsables de la crise traversée par la société, à savoir la classes capitaliste et ses laquais.

Changer de braquet semble difficile tellement l’hystérie médiatique paraît l’emporter sur les réflexes de cohésion de classe qui se conservent encore dans les consciences des masses opprimées. Il reste à craindre une polarisation culturelle grandissante, mettant en arrière-plan la polarisation sociale qui est notre priorité en tant que marxistes révolutionnaires. Il demeure l’espoir cependant que les entraides réelles sur le terrain viendront à bout de ce poison nauséabond qui pollue les esprits. C’est pourquoi la mobilisation dans la rue aux côtés de toutes les victimes de racisme devient une nécessité vitale pour les travailleurs de toutes origines.

Reda Benchouchane (pseudo), PCF Saint-Denis

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