Hong Kong : une lutte contre un régime tyrannique

A Hong Kong, la grève générale du 5 août marque une nouvelle étape dans le mouvement de masse qui s’oppose au pouvoir exécutif fantoche, dirigé par Carrie Lam et aux ordres du régime dictatorial de Xi Jinping. Les travailleurs se sont mis en grève dans pratiquement tous les secteurs de l’économie et de l’administration, paralysant les transports urbains et le trafic aérien. Près de 2 500 salariés ont fait grève à l’aéroport international de Hong Kong. Dans les administrations des sept districts du territoire, les salariés ont débrayé massivement. Les grèves ont touché le milieu des enseignants, des agents de sécurité, des travailleurs du bâtiment, et environ 14 000 salariés du secteur métallurgique, machines-outils etc. Des salariés chez Disneyland – près de l’aéroport – se sont mobilisés également. Les routes étaient bloquées par des bus et des camions, y compris le tunnel trans-portuaire qui relie l’île de Hong Kong à Kowloon. Le métro ne fonctionnait pas. Depuis, des milliers de manifestants ont organisé l’occupation de l’aéroport. Action militante que les sbires « communistes » de Xi Jinping n’hésitent pas à qualifier de « terrorisme ».

Les attaques violentes menées par les hommes de main des triades (mafias chinoises), le 21 juillet dernier à la station de métro de Yuen Long, visaient à intimider les manifestants. Mais c’est l’effet inverse qui s’est produit. Le samedi suivant, 300 000 manifestants ont défilé dans les rues de Hong Kong, se dirigeant vers Yuen Long. La manifestation était déclarée illégale par l’administration, mais cela n’a impressionné personne. Rien ne semble faire peur aux manifestants, désormais. La grève générale du 5 août signifie une extension et un renforcement considérable de la lutte contre le régime. L’administration de Carrie Lam est au pied du mur. Pour le régime de Xi Jinping, l’ampleur et la persistance de la révolte à Hong Kong est une menace potentiellement très dangereuse, surtout dans le contexte du ralentissement de l’économie chinoise dont les répercussions sociales ne tarderont pas à se faire sentir. Le régime craint que la contestation à Hong Kong puisse, à terme, s’étendre vers l’ensemble de la Chine.

Le point de départ du mouvement à Hong Kong était la mobilisation contre un projet d’amendement de la loi relative aux extraditions, prévoyant l’extradition vers la Chine de toute personne considérée comme « hors la loi » – dont notamment les personnes présumées coupables de « crimes » politiques. Cet amendement était perçu, à juste titre, comme une remise en cause de l’autonomie de Hong Kong. Devant l’ampleur massive des protestations, le projet d’amendement a été suspendu, mais pas définitivement enterré. Derrière la question d’une loi d’extradition, il y a bien évidemment, la question du régime politique. Hong Kong a conservé des droits démocratiques qui n’existent pas en Chine continentale, notamment la liberté de la presse, le droit de grève, la liberté d’expression. Hong Kong conserve aussi, même si c’est loin d’être parfait, des procédures d’élection démocratiques et l’interdiction d’arrestations et de d’incarcérations arbitraires. Il y a aussi le droit constitutionnel à un procès équitable. Les manifestants réclament l’instauration du suffrage universel, ainsi que le respect et l’extension des droits démocratiques, comme la liberté d’expression et la liberté de s’organiser. Les droits des femmes, des parents et des enfants sont mieux reconnus à Hong Kong, qui n’a pas connu le traumatisme collectif des avortements forcés, ainsi que la séquestration et la vente pour adoption des enfants dont la naissance n’est pas conforme aux quotas imposés par le PCC. En un mot, ils refusent de vivre sous la dictature tyrannique que le PCC impose au reste de la Chine.

Même si le capitalisme, que ce soit à Hong Kong ou en Chine continentale, n’est pas directement remis en question par les porte-paroles les plus médiatisés du mouvement, il est évident que ces revendications démocratiques sont progressistes et potentiellement révolutionnaires et que, à ce titre, nous devons les approuver et soutenir les travailleurs et les étudiants qui sont en lutte pour leur réalisation. Les jeunes dirigeants politiques comme Joshua Wong ou Nathan Law, à la recherche d’une issue et de soutiens extérieurs, ont pu faire appel aux « démocraties occidentales », mais cela ne fait pas d’eux des agents conscients de puissances étrangères. Le fait est que la seule force significative qui s’est mobilisée pour faire avancer la lutte – initialement déclenchée par les étudiants – pour la défense et l’extension des droits démocratiques à Hong Kong est celle des travailleurs. S’il faut chercher des alliés au-delà de Hong Kong, il faudrait se tourner vers les travailleurs et la jeunesse du reste du monde, et plus immédiatement vers ceux de la Chine continentale.

L’exécutif dirigé par Carrie Lam n’est pas démocratiquement élu. Il a été mis en place par une commission contrôlée par le gouvernement central à Pékin. Imposé d’en haut pour défendre les intérêts du régime, il n’a aucune légitimité aux yeux d’une partie très importante de la population. Certaines formulations employées par Lam laissent entendre qu’elle souhaiterait démissionner, mais que Pékin refuse cette option. Quoi qu’il en soit, il est évident que le départ de Lam serait compris comme une victoire et un encouragement de la contestation. Mais que peut faire Carrie Lam ou ses maîtres à Pékin pour mettre un terme au mouvement ? La répression policière s’avère incapable de le vaincre. Récemment, le porte-parole du Ministère de la défense, le colonel Wu Qian, a évoqué la possibilité d’une intervention militaire. Yang Guang, porte-parole du Conseil d’État chinois, a fait une déclaration au lendemain de la grève générale dans laquelle, s’il n’a pas explicitement évoqué la possibilité d’une intervention militaire, il a néanmoins lancé un avertissement sinistre aux « criminels violents » qui seraient à l’œuvre à Hong Kong. « Ceux qui jouent avec le feu périront par le feu », a-t-il dit. « En fin de compte, ils seront châtiés ». Mais même si l’on ne saurait pas l’exclure complètement, l’option d’une intervention militaire comporterait des risques importants du point de vue du régime. Ce qui est certain, par contre, c’est que le régime de Xi Jinping doit absolument mettre fin à la contestation massive à Hong Kong d’une façon ou d’une autre. Les risques associés à une intervention de l’armée expliquent sans doute la tentative de sous-traiter la répression « offensive » des manifestants aux miliciens des triades.

L’une des conséquences de l’implication directe de plusieurs centaines de milliers de salariés dans le mouvement sera une meilleure prise en compte des revendications économiques et sociales. La vie est très chère à Hong Kong. La spéculation immobilière a fait flamber les prix d’achat et les loyers des logements, qui ont augmenté de 300% depuis 2008. Alors que les prix des produits de consommation courante ont considérablement augmenté, les salaires ne suivent pas. Le salaire minimum horaire se situe à environ 4 euros. Les conditions de travail sont souvent très mauvaises et la semaine de travail est très longue. Les travailleurs subissent une pression constante pour augmenter la productivité. Ces problèmes ne sont pas limités à Hong Kong, bien évidemment. Juste à côté de Hong Kong, au delta de la rivière des Perles, les travailleurs tentent de s’organiser pour combattre le « 9-9-6 », notamment dans la production des nouvelles technologies : 12 heures par jour, de 9h00 à 21h00, 6 jours par semaine. Cette situation indique le potentiel de développement d’un mouvement de masse qui relierait les revendications démocratiques à une lutte contre l’exploitation capitaliste à Hong Kong comme en Chine continentale. La dictature répressive et la corruption bureaucratique qu’incarne le Parti Communiste de Chine sont une facette du problème en Chine. L’autre facette est la fusion de l’appareil d’État – et donc le PCC, qui est, en substance, le parti de cet appareil – avec les intérêts capitalistes.

Les travailleurs jusqu’à présent sont pris entre deux systèmes, hostiles l’un comme l’autre à leurs propres droits, leurs intérêts et leurs aspirations. D’un côté, la planification économique bureaucratisée et au service d’une minorité privilégiée doublée d’une dictature répressive, de l’autre, la concurrence oppressive et l’exploitation propres à l’économie du marché. Aujourd’hui, en Chine ils sont confrontés à un mélange inextricable de ces deux systèmes, à une sorte de coalition de bureaucrates et de capitalistes dont le pouvoir, le prestige et la richesse dépendent de l’exploitation et l’oppression politique de la masse de la population. Peu importe, pour le capitaliste, que le parti qui encadre la dictature s’appelle « communiste », pourvu qu’il façonne la société et ses lois pour favoriser l’expansion de ses affaires. Et peu importe, pour le bureaucrate « communiste » que le capitalisme se développe, pourvu qu’il puisse prendre sa part du gâteau.

Face à la machinerie d’oppression autoritaire et d’exploitation capitaliste, un projet d’émancipation sociale et politique est nécessaire. A la rapacité du capitalisme, il faut revendiquer la propriété publique sous contrôle démocratique des entreprises de production et de distribution, des terres et des ressources naturelles. Contre la dictature despotique du régime actuel en Chine, imposons un régime démocratique à tous les niveaux et tous les domaines des relations sociales, y compris, bien évidemment, dans le domaine économique, afin de permettre une planification démocratique et rationnelle de l’économie dans l’intérêt de la société dans son ensemble.

Greg Oxley, PCF Paris 10

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