La lutte sur le plan syndical a besoin d’un prolongement sur le plan politique, d’un programme qui incarne l’intérêt général des travailleurs et qui indique les moyens par lesquels ils peuvent se libérer du système capitaliste. C’est précisément pour répondre à ce besoin que le PCF a été créé, il y a près d’un siècle. Aujourd’hui encore, il est absolument impératif de renforcer l’assise sociale et les moyens d’action du PCF.
Le capitalisme a montré qu’il ne peut exister qu’au détriment de la masse de la population. En même temps, la progression alarmante de la droite nationaliste et raciste, sous la forme du Front National, constitue une grave menace pour la démocratie. Ainsi, des luttes dures et implacables nous attendent. Et clairement, sans un parti dont les idées, le programme et l’action soutiennent et encouragent la résistance aux forces du capital, un parti de lutte, un parti à eux en somme, les travailleurs seraient politiquement désarmés. Malgré toutes les difficultés qu’il a connues, le PCF peut et doit remplir cette mission.
La lutte des classes connaît des hauts et des bas, mais il est évident que ces vingt dernières années ont été jalonnées par des luttes importantes, par exemple le mouvement contre la réforme des retraites en 2010. Pourquoi, dans de telles circonstances, le PCF, qui existe pour combattre ce système et qui est censé incarner un projet de société alternatif – le socialisme – au lieu de progresser, n’a cessé de reculer ? Son affaiblissement – passant de 130 000 à 53 000 adhérents en 10 ans – est d’autant plus inacceptable que des centaines de milliers de jeunes et de travailleurs sont prêts à se mobiliser et à s’investir dans la lutte contre l’injustice sociale et le capitalisme. L’ampleur de la campagne présidentielle autour de Jean-Luc Mélenchon et le score impressionnant qu’il a obtenu en sont une preuve irréfutable, et ce malgré les critiques – justifiées ou pas – qui ont été formulées à son encontre.
Sans prétendre qu’il n’y a pas de facteurs extérieurs qui ont compliqué la situation du PCF, nous pensons, pour notre part, que l’explication de ce recul réside essentiellement dans le programme, la stratégie, l’action politique et les bases idéologiques du PCF lui-même, et tout particulièrement de ses instances dirigeantes.
Le PCF n’est pas un nouveau parti. Il a presque un siècle d’existence. Dans le passé, des générations de militants par centaines de milliers ont donné leur temps et leur énergie – et parfois leur sang – pour le défendre et le construire. Ce qui a donné tant de force au PCF, ce qui lui a permis de résister aux terribles épreuves de l’époque, c’est que malgré la répression, et malgré aussi les aberrations du « stalinisme », il se présentait aux travailleurs comme un instrument de lutte contre le capitalisme et ouvrait la perspective d’une société libérée de l’exploitation capitaliste, une société socialiste.
L’effondrement de l’URSS et de bien d’autres régimes qui se qualifiaient de « communistes » s’est accompagné d’une offensive idéologique réactionnaire, proclamant le triomphe définitif du capitalisme sur le socialisme. Tous les partis et tous les mouvements politiques ont subi l’impact de cette offensive. Les objectifs socialistes et pratiquement toutes les références à la planification économique ont été éradiqués des plateformes des syndicats et des partis de gauche. L’impact sur le PCF a été d’autant plus fort que ses instances dirigeantes avaient, depuis des décennies, présenté l’URSS comme un modèle de démocratie ouvrière et de socialisme, au point de justifier les pires crimes et trahisons des régimes dictatoriaux de type « stalinien ». Dans ces conditions, le rétablissement du capitalisme en URSS et ailleurs ne pouvait que porter un coup terrible au PCF.
À partir des années 90, les bases idéologiques et programmatiques du PCF ont fait l’objet d’une révision profonde. Au lieu de procéder à une critique de la nature bureaucratique et dictatoriale des régimes en question, tout en restant ferme sur la nécessité d’en finir avec le capitalisme, son programme s’accommodait désormais de l’« économie de marché », c’est-à-dire du capitalisme, et se limitait à une série de propositions pour tenter d’en atténuer les conséquences sociales. Sa plateforme revendicative ne réclamait plus aucune nationalisation, désormais, et ses dirigeants – non seulement Robert Hue, mais l’ensemble de l’équipe dirigeante – sont allés jusqu’à justifier des privatisations. Sous le gouvernement Jospin (1997-2002), le ministre PCF des Transports a lancé plusieurs privatisations importantes, en accord avec la direction du parti
Nous connaissons tous l’évolution ultérieure de Robert Hue. Mais il faut reconnaître que les « textes d’orientation » produits par la direction du PCF sont toujours empreints de l’« humanisme » insipide et du renoncement aux objectifs socialistes qui étaient l’essence politique de la « mutation » du PCF à l’époque.
L’abandon de ses objectifs révolutionnaires constitue, à nos yeux, l’explication fondamentale du « décrochage » du parti au cours de la dernière période. La perte de sa position prédominante dans la couche la plus militante et politiquement consciente des travailleurs lui a fait perdre, par la même occasion, une grande partie de ses relais dans les entreprises et dans la société plus généralement. Ceci se traduit sur le plan électoral. Le redressement du PCF passe par la reconquête de cette position.
Les orientations de la direction du parti au cours de la dernière période ne sont pas à la hauteur de ce défi. Cependant, le PCF demeure un parti important avec un potentiel de développement considérable. Aucun des problèmes auxquels il se trouve confronté n’est sans solution.
Il faut rompre avec les notions confuses de l’« humanisme » réformiste et doter le parti d’un programme audacieux de transformation sociale, dans lequel les revendications et les luttes immédiates – qui sont évidemment très importantes – sont liées à la nécessité d’exproprier la classe capitaliste. L’instauration d’une nouvelle organisation sociale fondée sur la propriété publique et la gestion démocratique des moyens productifs et financiers de la nation, tel doit être le but ultime du PCF. Et ce but doit être clairement explicité dans son programme et dans sa propagande. Tout ceci n’aurait pas de sens sans une direction qui s’engage à se battre pour ce programme. Une direction qui est réellement au service du parti n’a pas besoin de s’entourer de procédures anti-démocratiques. La réorientation programmatique du parti va de pair avec la démocratisation de son fonctionnement interne.
Un programme révolutionnaire n’engage pas le parti qui le porte à procéder immédiatement à l’accomplissement d’une révolution. Une « situation révolutionnaire » ne se commande pas. Mais un programme révolutionnaire est fondé sur la compréhension de la nécessité d’une révolution. Il explique cette nécessité aux travailleurs. Sur cette base – un programme en conformité avec son nom ! –, le parti se distinguerait nettement de France Insoumise et d’autres tendances réformistes, et pourrait commencer à reconquérir le terrain perdu pour devenir une organisation plus puissante.
Greg Oxley, PCF Paris 10