La lutte des salariés de la Chapelle Darblay est exemplaire à plusieurs titres. Cette papèterie sise à Grand-Couronnes est implantée dans la région depuis des décennies. Le savoir-faire qui s’y est accumulé ainsi que la technologie de pointe qui y est utilisée sont trop précieux pour être ainsi dilapidés pour satisfaire les appétits d’une direction aux méthodes cyniques. La reprise par l’État sans indemnisation des gros actionnaires reste à ce jour la seule solution viable.
Par Julien CANEL, PCF Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime)
Un fleuron industriel historique et à la pointe du progrès
Début septembre 2019, on apprenait la mise en vente par le géant du papier finlandais UPM de la Chapelle Darblay, papeterie de Grand Couronne. Cette usine historique dans le paysage industriel de la région rouennaise, avec 90 ans d’existence, qui compte 218 salariés actuellement (après de nombreux plans de licenciements, dont le dernier en 2015 suite à l’arrêt de la machine 3) et qui fait des bénéfices à hauteur de 17 millions d’euros par an, est pourtant menacé de fermeture faute de repreneur.
Lors d’une journée portes ouvertes de l’usine qui est la seule à fabriquer du papier recyclé en France, nous avons pu constater qu’elle était dotée d’un appareil de production de pointe, et d’un grand savoir faire des salariés qui y travaillent.
La Chapelle Darblay est spécialisée dans la fabrication de papier journal (24 0000 tonnes/an), à partir de papier recyclé (350000 tonnes/an de vieux papiers), pour fournir les imprimeries de la région qui représente 20 % de la production mais aussi pour l’exportation en Europe et dans le reste du monde, respectivement 30 % et 50 % .
Actuellement il ne reste que la machine 6 qui tourne pour la fabrication du papier.
Une direction à la manœuvre aux pratiques cyniques
Sa fermeture serait une aubaine pour pouvoir augmenter les prix du papier en créant une raréfaction de la production de papier dans le monde. Car UPM n’a pas que cette fermeture d’entreprise dans le viseur.
La direction d’UPM bloque toute tentative pour trouver un repreneur. D’ailleurs, la CGT ( sous couvert du syndicat du livre et du papier FILPAC CGT) a récemment écrit au préfet pour dénoncer cette attitude…
Nous sommes dans la même configuration que lors de la fermeture de la raffinerie de Pétroplus, anciennement limitrophe de la papeterie qui était viable économiquement et dont les produits étaient écoulés sur le marché français.
En France, il y a un besoin de produits manufacturés ou transformés pour l’utilisation collective, mais les capitalistes qui possèdent les moyens de production, préfèrent délocaliser pour profiter de normes environnementales moins contraignantes ou inexistantes ; et dans le cas de la papeterie il y a en plus l’enjeu de faire augmenter les prix du marché du papier en diminuant la production de ce dernier.
Chaque fois que l’on ferme une unité de production utile aux besoins des habitants en France, pour la délocaliser, et pour des raisons de profits maximums, la consommation française devient forcément dépendante des importations et contribue à la dégradation de l’empreinte carbone du produit manufacturé. C’est le résultat de la division du travail dans le monde avec des pays producteurs aux coûts de main d’œuvre et aux normes environnementales réduites.
Et au moment de la crise sanitaire mondiale liée à l’épidémie de Covid-19 , nous commençons à voir les conséquences de cette division qui provoque une rupture dans l’approvisionnement en marchandises intermédiaires (c’est-à-dire utilisées pour en fabriquer d’autres). En effet, celle-ci sont fabriquées en moyenne pour chaque marchandise produite dans le monde à 20 % par la Chine.
Qu’en sera-t-il du papier demain ?
En cas de fermeture, il y aura un impact social important dans la région de Rouen , puisqu’en plus des 218 salariés qui perdraient leur emploi, ce sont 200 entreprises extérieures qui interviennent sur le site qui seront impactées.
De plus, les collectivités territoriales auront des problèmes pour écouler les stocks de papiers issus du recyclage dont l’usine absorbe l’équivalent du geste de tri de 20 millions d’habitants, et cela aura un coût supplémentaire qui sera supporté par la population puisqu’il faudra les brûler ou les enfouir.
Une seule solution : la nationalisation !
Les salariés ont des propositions pour augmenter la valorisation écologique de ce site industriel en y créant une filière d’excellence en matière de recyclage, un éco pôle. Sachant que l’usine possède déjà sa station d’épuration qui peut subvenir aux besoins de l’ensemble de l’agglomération rouennaise comptant 500 000 habitants ainsi qu’une chaudière biomasse qui pourrait chauffer l’équivalent d’une ville de 20 000 habitants.
La fermeture de la Chapelle Darblay serait donc un désastre pour l’avenir sur le plan économique, social et environnemental.
Nous faisons face à des défis environnementaux. Les propositions des salariés de la Chapelle répondent à ces défis quand « dans le même temps » le Gouvernement qui prétend en faire une question fondamentale laisse les capitalistes détruire cette initiative. C’est la preuve que le capitalisme est incapable de répondre aux besoins réels et aux grandes problématiques que l’humanité rencontre.
Il ne reste que quelques semaines avant la date programmée de sa fermeture. Étant donné la crise économique mondiale accentuée par la crise sanitaire, il n’y pas d’autre choix que de nationaliser la Chapelle, sous le contrôle démocratique des travailleurs. Ces derniers ont démontré qu’ils ont fait preuve de clairvoyance et sont en mesure de gérer l’outil productif plus que quiconque.
Je souscris totalement à cet appel