Une plus grande instabilité économique et sociale en perspective

Les annonces d’Emmanuel Macron du 25 avril dernier ne répondent en rien aux à l’urgence sociale qui a provoqué le mouvement des « gilets jaunes ». Il n’y a aucun changement significatif dans les orientations du gouvernement. Sa politique de régression sociale est maintenue et ira même « plus vite » qu’avant, selon le chef de l’État. Il ne revient pas sur la suppression de l’ISF. Des suppressions d’emploi massives prévues dans la Fonction Publique ne peuvent qu’aggraver le chômage et la précarité. Derrière la réindexation promise des retraites modestes se profile une réforme d’ensemble du système, au détriment des retraités. Faire miroiter des baisses d’impôts pour les « classes moyennes » avec, à la clé, une réduction importante des dépenses publiques, est une manœuvre politique cynique. Les fermetures d’hôpitaux et d’écoles se poursuivront. La qualité de l’ensemble des services publics se dégradera davantage. C’est ainsi que Macron prétend prendre en compte les « revendications légitimes » exprimées au cours de ces derniers mois !

La puissance derrière le trône présidentiel, c’est la classe capitaliste. Macron et son gouvernement sont exclusivement au service de cette classe et viscéralement hostiles aux intérêts et aux aspirations des populaires. C’est dans leur intérêt des capitalistes que les conquêtes sociales sont démantelées, que l’on privatise à tour de bras, qu’on cherche à asphyxier et à détruire la Sécurité Sociale, les retraites par répartition, l’école publique et tout ce qui fait obstacle à la loi du profit.

Est-ce que ce sera vraiment possible de trouver une solution aux inégalités sociales, aux problèmes qui se posent dans les domaines de l’emploi, des retraites, du logement, de la santé, de l’éducation ou encore de l’écologie, si nous ne trouvons pas un moyen de briser l’emprise des capitalistes sur l’économie et sur l’État ? Cette question a été latente – et souvent explicite – dans le mouvement des « gilets jaunes ». Elle se trouve, à nos yeux, au cœur de la lutte contre l’injustice et l’exploitation.

Un nouveau «  Krach  » en perspective

Macron, comme tous les politiciens de son genre, prétend que sa politique mènera à une relance de la croissance économique qui profitera à tout le monde. Mais en vérité, l’austérité mène à une contraction de la demande, ce qui entraîne à son tour une contraction de l’activité économique en général. Cette tendance, qui n’est pas limitée à la France et l’Europe, commence à peser sur l’évolution de l’économie mondiale. La production industrielle baisse, ainsi que le volume des échanges commerciaux. Au cours de ces derniers mois, tout semble indiquer que la perspective d’un nouveau « krach », comparable – et sans doute plus grave encore – que celui de 2007-2009, pourrait bien se produire en 2020 ou en 2021. Selon l’OCDE, la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, on ne pourrait même pas exclure qu’il se produise avant la fin de 2019.

La croissance de l’économie mondiale ralentit depuis le deuxième semestre de 2018. La comparaison des statistiques de croissance pour l’ensemble de l’année 2018 avec celles du dernier trimestre indique une tendance baissière très nette. Par exemple, la croissance des États-Unis était de 4 % pour l’ensemble de 2018, mais n’était que de 2,5 % pour le dernier trimestre. La zone euro affichait 1,2 % pour l’ensemble de l’année, mais seulement 0,2 % pour le dernier trimestre. Tous les acteurs majeurs de l’économie mondiale – les États-Unis, tous les pays de l’Union Européenne, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, sont actuellement en recul. Le taux de croissance de la Chine (6,6 % en 2018) peut paraître impressionnant par rapport à celui des pays européens, mais il s’agit de son taux le plus bas depuis 1990. Le taux de croissance du Royaume-Uni n’était que de 0,2 % au dernier trimestre de 2018. Le « brexit » minera davantage son économie, qui entrera sans doute en récession dans les mois qui viennent. L’Italie est déjà en récession, pour la cinquième fois en 20 ans. La contraction du commerce mondial freine l’économie de l’Allemagne, qui n’a évité une récession que de très peu.

Les conflits qui opposent les États-Unis à la Chine et à l’Europe ne font qu’assombrir davantage les perspectives économiques mondiales. En rétorsion aux tarifs protectionnistes imposés par les États-Unis, la Chine a imposé des tarifs et des restrictions qui frappent de nombreux secteurs de l’économie américaine. Les prix de la production porcine américaine – en surproduction car ne trouvant pas assez de débouchés sur le marché intérieur – ont chuté de 32 %. La production d’autres viandes, des céréales et des fruits subit une baisse des prix et des profits. Les bras de fer entre les États-Unis, la Chine et l’Europe sont une expression de l’exacerbation de la lutte pour des marchés et des sources de profit dans le contexte d’une contraction des échanges, mais contribuent, à leur tour, à aggraver davantage cette contraction.

La crise de 2007-2009 était un tournant majeur dans l’évolution de l’économie mondiale, avec d’importantes répercussions sociales et politiques. C’est à partir de cette crise, par exemple, que l’Union Européenne est entrée dans une phase de crise et de dislocation. Les capitalistes et les gouvernements ont adopté une politique plus agressive de régression sociale afin de redresser les taux de profit au détriment des revenus et des conditions de vie des travailleurs. Aujourd’hui, tous les signes avant-coureurs de la crise de 2007-2009 se reproduisent. L’un de ses aspects, par exemple, était l’éclatement d’une immense bulle spéculative avec ce que l’on a appelé la crise des « sub-primes ». La recherche de profits faciles avait créé une prolifération exponentielle des investissements adossés au secteur immobilier. Une proportion importante des actifs de nombreuses banques et fonds d’investissement était liée à cette activité. Avec la saturation du marché, le château de cartes spéculatif s’est brutalement effondré. Aujourd’hui encore, des « contrats dérivés » liés à de nombreux produits – pétrole, or, cuivre, devises, valeurs immobilières, etc. – ont porté la valeur nominale des obligations bien au-delà d’un niveau soutenable. En 2017, la valeur des contrats de ce type était de 570 000 milliards de dollars ! A un certain point, un effondrement « correctif » est inévitable. La bulle éclatera, avec des conséquences dévastatrices pour l’économie de l’Europe, et donc de la France, frappant les travailleurs de plein fouet.

L’urgence d’une orientation révolutionnaire

Macron est bien plus informé sur les risques d’une nouvelle récession que les travailleurs. Mais n’en dit mot, préférant évoquer la perspective du « plein emploi » dans un proche avenir ! En vérité, l’offensive capitaliste et gouvernementale contre les droits et les conditions de vie et de travail deviendra encore plus implacable et destructrice dans les mois à venir. L’instabilité sociale exprimée, entre autres, par le mouvement des « gilets jaunes », atteindra un niveau encore plus explosif. Dans ces conditions, les notions de « compromis social », de « pacte républicain », de « solutions négociées » qui font l’apanage du réformisme ne paraîtront encore plus illusoires qu’aujourd’hui. Le réformisme se limite à la recherche de corrections marginales et passe à côté de la cause fondamentale de la crise sociale, à savoir la propriété capitaliste des banques, de l’industrie et de tous les secteurs clés de l’économie. Les réformes sociales qui se trouvent dans les plateformes revendicatives du mouvement ouvrier sont nécessaires et justifiées. Mais à notre époque, leur réalisation implique un bouleversement de l’ordre social existant.

Ce qui nous manque, à la CGT, au PCF, et dans l’ensemble des organisations engagées dans la lutte contre l’austérité, c’est la prise en compte cette cette dimension nécessairement révolutionnaire de la lutte contre la régression sociale. Nous avons besoin d’un programme qui ne se limite pas à des revendications partielles et défensives. Notre approche doit être fondée sur la nécessité d’en finir avec le capitalisme, ce qui signifie, concrètement, l’expropriation des capitalistes dans tous les secteurs décisifs de l’économie nationale pour mettre un terme à l’exploitation du peuple pour l’enrichissement d’une petite minorité de capitalistes. La propriété publique des grandes entreprises et infrastructures économiques permettrait l’utilisation des vastes ressources actuellement consacrées à la spéculation financière pour répondre aux besoins des citoyens. Une augmentation importante des salaires et des pensions de retraite, la mise en œuvre d’un vaste programme de logements sociaux, le développement de tous les services sociaux et la mise en place d’un système fiscal équitable sont des mesures urgentes et indispensables. Si la classe capitaliste insiste sur le fait que ces mesures sont totalement incompatibles avec le système économique actuel, alors changeons de système ! Rien n’est plus important que de convaincre la population de la viabilité et de la justesse de cette approche révolutionnaire. Ce n’est qu’à partir du moment que le mouvement ouvrier propose une alternative au capitalisme que nous pourrons efficacement résister aux forces réactionnaires, nationalistes et xénophobes qui profitent de l’absence de cette alternative pour se renforcer, en France et dans tous les pays européens.

Greg Oxley, PCF Paris 10

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