« Jean-Paul Lecoq, le député PCF de la 8e circonscription de la Seine-Maritime, vient d’écrire au Premier ministre, Édouard Philippe, pour lui demander la nationalisation du groupe Lafarge, dont l’une des usines est implantée sur la zone industrielle et portuaire du Havre », peut on lire dans le Paris-Normandie du 20 novembre.
Cette initiative marque un pas important dans la bonne direction. En effet, depuis longtemps, la nationalisation des entreprises privées ne figure plus dans le programme du PCF. Et les arguments pertinents avancés par Jean-Paul Lecoq pour justifier la nationalisation de Lafarge s’appliqueraient également à bien d’autres entreprises. Lafarge est une entreprise de production et de vente de ciment et de béton. Elle doit être nationalisée pour répondre aux besoins immenses en habitat et en logements. Les profits colossaux de ce genre d’entreprises empêchent une partie importante de la population d’accéder à un lieu de vie digne de ce nom, à moins d’y sacrifier une majeure partie de son salaire.
Jean-Paul Lecoq veut « préserver l’outil industriel et ses emplois en France » à l’heure où « des éléments accablants mettent en lumière les liens entre le groupe industriel Lafarge et l’organisation terroriste Daesh ». Il ajoute : « Conscient du poids économique de ce groupe, en particulier en termes d’emplois dans notre pays, et ce malgré l’application d’un plan social récent qui visiblement n’était pas motivé par des difficultés financières ou industrielles », le député de la Seine-Maritime se dit inquiet quant à l’avenir de Lafarge. « Car, en application de la loi, le groupe risque notamment, dans le cadre d’éventuelles poursuites qui semblent aujourd’hui probables, la dissolution de la personne morale (article 13-39 du code pénal).»
Pour en finir avec le système capitaliste, et l’économie qui en est en dernière analyse son fondement, il faudrait que les entreprises clés de l’économie soient nationalisées. Evidemment, on ne prétend pas qu’il faille nationaliser la boulangerie du coin ou l’entreprise de couverture du village voisin. C’est parfois ce genre d’argument qui est avancé pour s’opposer en définitive aux nationalisations, mais dont l’absurdité nous éloigne du cœur du problème. C’est donc non seulement le groupe Lafarge qui doit être nationalisé mais toutes les grandes entreprises de France. Ce serait intéressant de publier des informations sur leur capital et leurs dividendes, avec le nombre de salariés qu’elles exploitent et le nombre de salariés qu’elles ont condamné au chômage.
De plus, les salariés de ces entreprises doivent prendre conscience que non seulement il n’y a aucune issue pour eux si leur entreprise est laissée dans les mains des capitalistes, mais que la nationalisation se fera au profit de millions de personnes comme eux, de petits retraités, de jeunes dans la galère, de personnes souffrant de maladies ou de handicaps, pour lesquels une économie socialisée sera à même de répondre aux besoins. Nous voulons une société socialiste pour répondre aux besoins de la société.
Notre camarade député envoie sa demande au premier ministre Edouard Philippe. En envisageant l’hypothèse invraisemblable que le gouvernement actuel procède, pour sauver une entreprise à capitaux privés, de nationaliser Lafarge, personne n’ira imaginer que l’Etat ne la fasse fonctionner telle une entreprise socialiste. De gré ou de force, inévitablement elle s’inscrira dans le marché et suivra une démarche analogue à celle qu’elle avait plus ou moins avant. La politique de Macron et du gouvernement Philippe est au service du capitalisme. Nous n’avons rien à attendre d’eux. Qui va nationaliser les principaux leviers de l’économie ? Et surtout comment ? Voilà qui peut être autrement plus intéressant que se bercer d’illusions avec des Macron ou des Philippe ! Les nationalisations dirigées contre les propriétaires des banques et des assurances et les propriétaires de grands groupes industriels ou commerciaux ne peuvent se réaliser lorsque des représentants des exploiteurs sont aux commandes.
Quelle est la classe sociale au pouvoir, actuellement ? La classe capitaliste. Au 18e siècle, lorsqu’il a fallu en finir avec l’Ancien Régime et ouvrir la voie au développement de la société capitaliste, les bourgeois ont arraché le pouvoir des mains de la noblesse et de l’Eglise, au nom du droit à la propriété et de la liberté de conscience. Ils n’ont pas demandé à Louis XVI d’abolir la monarchie et son régime. De même, aujourd’hui, les salariés représentent la seule classe sociale capable de mettre un terme au régime capitaliste, et ils doivent se porter au pouvoir pour instaurer la propriété collective des moyens de production et d’échanges. La classe capitaliste ne va pas s’exproprier elle-même. Les salariés eux-mêmes doivent conquérir le pouvoir et transformer la société.
« La nationalisation permettrait également de mettre un terme aux graves dérives constatées en matière de stratégie industrielle de ce groupe qui, pour répondre à des logiques de marges toujours plus fortes exigées par ses actionnaires, organise malgré son excellente santé financière et sa position dominante de numéro un mondial du ciment, des délocalisations de productions, des fermetures de sites industriels et des licenciements qui nuisent aux intérêts de notre pays », estime notre camarade Jean-Paul Lecoq. Il a tout à fait raison.
Par nationalisation, nous entendons la gestion de l’industrie par les salariés et leurs représentants. Pour qu’une nationalisation ne se fasse pas de manière bureaucratique et au profit d’une minorité, il faut que tous les salariés travaillant dans l’entreprise y participent. Nous savons que les syndicats ne représentent qu’une minorité des salariés mais nous avons l’expérience de grèves victorieuses lorsque les syndicats ont su mobiliser la majorité des salariés de l’entreprise. De la même manière que pour les grèves, les syndicats, la CGT et SUD sans doute en tête, doivent inciter les salariés à prendre le contrôle de l’entreprise nationalisée, par l’élection de délégués constitués en comité de gestion de l’entreprise. Chaque salarié pourrait s’exprimer librement et en toute franchise, sans la pression de l’employeur. Les nouveaux droits des salariés leur permettraient de décider de l’avenir de leur entreprise.
Nous connaissons l’hypocrisie de la classe capitaliste qui prétend « créer de l’emploi » et œuvrer pour le bien du pays. Opposons-lui la franchise des travailleurs. Demandons aux militants du Parti Communiste et aux syndicalistes de mener la campagne pour convaincre les salariés de la nécessité de prendre le pouvoir dans notre pays, en passant par la nationalisation des grandes entreprises sous le contrôle des travailleurs, pour construire une vie meilleure pour tous.
Eric Jouen, PCF Barentin (76)