Malgré le bon score de Jean-Luc Mélenchon, le résultat du premier tour de l’élection présidentielle signifie que les travailleurs et le mouvement ouvrier n’ont désormais que des ennemis devant eux.
Emmanuel Macron est un politicien totalement au service des banques et de l’ensemble des capitalistes. Il n’y a pas un seul atome de contenu positif ou progressiste dans son programme, qui constitue une déclaration de guerre contre la gauche, contre les organisations syndicales et contre toutes les conquêtes sociales du passé. Il prétend incarner l’union nationale ou, comme il dit, « patriotique », mais en réalité il représente les intérêts particuliers d’une partie – très minoritaire et très puissante – de la population contre une autre. Il envisage de nombreuses mesures pour enrichir davantage les plus fortunés et augmenter les profits des capitalistes, et imposera la régression sociale pour les autres. Sa politique est une politique de division. Dans ce but, et à l’image du gouvernement Hollande, il ne se privera pas de jouer la carte raciale et nationaliste pour diviser les travailleurs entre eux. Toute sa politique sociale et économique est imprégnée de cette stratégie de division. La destruction des quelques sauvegardes qui subsistent dans le droit du travail, la généralisation de la précarité et l’acharnement contre les chômeurs visent à attiser la concurrence entre les salariés. S’ils veulent conserver leur emploi et sortir du chômage, il leur faudra accepter des conditions susceptibles de tenir à distance d’autres candidats. Selon Macron, les fonctionnaires ont trop de privilèges, les syndicats revendicatifs détruisent des emplois et les grévistes nuisent à l’intérêt national.
Quant à Marine Le Pen, son programme économique et social est – mise à part sa position sur l’union européenne – très proche de celui de Macron, à cette nuance de près que son nationalisme et son racisme sont plus explicites et assumés. Macron et Le Pen sont les deux faces d’une même médaille. Le passage de ces deux candidats réactionnaires au deuxième tour signifie que, pour nous, la bataille de l’élection présidentielle est déjà perdue. Les élections législatives auront lieu comme prévu, mais pour l’essentiel, la lutte contre la régression sociale et le capitalisme devra se mener dans les entreprises et dans la rue. La composante programmatique et stratégique de cette lutte extra-parlementaire devient plus que jamais l’enjeu décisif de notre combat.
Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, invite les travailleurs à rallier la candidature de Macron. Beaucoup de militants communistes sont tentés de voter Macron afin de faire barrage, comme ils le voient, au Front National. Nous comprenons leur raisonnement, mais nous pensons que c’est une erreur. Il va falloir combattre Macron comme il va falloir combattre Le Pen, et quel que soit le résultat du deuxième tour, et les capacités d’action et de mobilisation du mouvement ouvrier seront les mêmes. En tout cas, il n’y avait aucun besoin d’engager le PCF en tant que parti dans le camp de Macron, qui ne manquera pas d’exploiter cet engagement pour se présenter comme le représentant de la majorité de la population.
Pierre Laurent admet que Macron est un ennemi, un partisan de la régression sociale, mais pense qu’il faut tout de même faire le maximum pour le porter au pouvoir. Le prétexte de ce ralliement est d’empêcher la victoire du Front National : « Marine Le Pen veut un monde dangereux où toutes les aventures guerrières deviendraient possibles, où toutes les rivalités nationalistes seraient encouragées. Avec Donald Trump, Vladimir Poutine, Bachar El Assad, et les extrêmes droites européennes comme alliés, elle menacerait la sécurité du monde si elle présidait la France, un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. Nous ne le voulons pas. »
Manifestement, cette perspective apocalyptique fait terriblement peur à la direction du PCF, au point de la pousser dans les bras protecteurs de Macron. Nous ne voulons pas Le Pen au pouvoir. Mais nous ne voulons pas de Macron non plus. Il incombe aux PCF d’aider les travailleurs dès maintenant à préparer la résistance contre tous leurs ennemis sur les plans politique et organisationnel. Si Macron gagne, son gouvernement reposera sur une majorité parlementaire fragile et sera nettement moins stable que les gouvernements précédents. Et si Le Pen gagne, elle dirigera un gouvernement de crise, faible et massivement contesté, dès le premier jour. Malgré les fantasmes de la direction du PCF, ni Trump, ni Poutine, ni Al Assad ne pourront renforcer sa position et l’extraire des graves difficultés qui l’attendent. Associer le PCF à la campagne de Macron ne pourra que faire le lit du Front National. Au lieu de se mettre à la remorque de politiciens capitalistes, le parti a besoin d’une politique indépendante, d’une politique de lutte implacable contre tous les ennemis des travailleurs, qu’ils s’appellent Macron, Fillon ou Le Pen. Mais pour cela, il lui faudrait une direction d’une tout autre envergure que celle dirige le parti actuellement. Le redressement du PCF passe par son réarmement politique. Il faut rompre avec le réformisme électoraliste et renouer avec le marxisme. Sinon, le parti ira d’échec en échec, de recul en recul.
La montée des réflexes et sentiments nationalistes qui sous-tendent la progression du Front National n’est pas difficile à expliquer. D’une façon ou d’une autre, la même tendance se manifeste dans pratiquement tous les pays européens. Elle est la conséquence, d’une part, du désastre social et économique provoqué par le capitalisme. Le libre-commerce et l’ouverture des frontières qui caractérisent l’Union Européenne ne profitent qu’aux capitalistes. Mais la poussée du nationalisme est aussi la conséquence de l’absence d’une alternative sérieuse au capitalisme dans le programme et dans l’action des partis dits « de gauche », qui sont gangrenés par le réformisme, c’est-à-dire par une politique qui prétend pouvoir conserver le système capitaliste et en même temps éradiquer ses conséquences sociales et économiques.
Les soutiens du Front National sont essentiellement dans les zones rurales. Mais un nombre croissant de travailleurs se tournent vers le FN. Ils ont un raisonnement très « pratique » concernant la question sociale. Les élucubrations vaguement « humanistes » des dirigeants du PCF leur sont incompréhensibles. L’idée qu’il serait préférable que le capitalisme évolue dans le sens d’une « meilleure répartition des richesses » et du « plein emploi », ne les impressionne pas. Ils savent comment les entreprises fonctionnent et dans quel but. Ils connaissent le pouvoir et les motivations des patrons. C’est Ils les vivent au quotidien. Et quand ils entendent que l’augmentation massive des salaires, la réduction de la semaine de travail et l’alourdissement des taxes sur le capital favoriseraient une résorption du chômage sous le capitalisme, ils savent pertinemment que c’est un conte de fées.
Le PCF n’est pas un nouveau parti. Au fil des décennies, sa position a été minée par les incohérences de son programme et par le fait que, trop souvent, ses représentants dans les institutions ont fait le contraire de ce qu’on attend d’un parti communiste. Ils ont fait des discours contre la privatisation, mais au gouvernement, dans les régions et dans les municipalités, ils ont privatisé des entreprises et des services publics. Ils ont dénoncé l’austérité et pourtant, dans bien des cas, les élus du PCF appliquent une politique d’austérité municipale. Les députés du PCF se plaignent que la Cinquième République n’est pas assez démocratique, mais ils ont voté l’État d’urgence qui la rend moins démocratique encore. Les mêmes députés sont pour la paix, mais ont souvent cautionné des guerres. Faut-il s’étonner, dans ces conditions, que le PCF perd chaque année plusieurs milliers d’adhérents ? La faillite du réformisme – et l’affaiblissement du PCF qui en résulte – est l’un des principaux facteurs dans l’ascension du Front National. S’il n’y a pas d’alternative au capitalisme, beaucoup de travailleurs se disent qu’ils doivent faire avec. Ils pensent qu’ils n’ont pas d’autre choix que de se soumettre aux exigences de ceux qui ont le pouvoir. La progression de raisonnements nationalistes coule de la même source. S’il n’y a pas assez d’emplois pour tout le monde – avec déjà près de six millions de personnes sans emploi – avec aucune autre solution en vue, ne faut-il pas bloquer l’immigration et instaurer la « préférence nationale » dans l’attribution des emplois ? L’abandon d’une politique révolutionnaire par le PCF a désarmé les travailleurs face à la propagande nationaliste.
Jean-Luc Mélenchon, pour sa part, n’est pas tombé dans le piège du « moindre mal », par rapport à Macron. La politique de Macron aggravera les problèmes sociaux et ne fera rien pour empêcher l’ascension du Front National. Voter pour lui n’affaiblira pas le Front National, pas plus que le vote pour Chirac en 2002. Le PCF devrait surtout expliquer les points communs entre le programme de Macron et celui de Le Pen. Tous deux sont des politiques de division et de régression sociale. La Riposte préconise le vote blanc ou nul, ou l’abstention, au deuxième tour. Mais cette option, pour ne pas n’être qu’un geste passif, doit nécessairement aller de pair avec une mobilisation aussi massive que possible pour résister au prochain gouvernement et pour le chasser au plus vite. Dans le PCF, nous devons remplacer l’« humanisme » réformiste en vogue dans ses instances dirigeantes par un programme qui relie nos revendications sociales à la nécessité d’exproprier la classe capitaliste. Ni Macron, ni Le Pen ! Rétablissons le socialisme comme l’objectif programmatique et stratégique du PCF et de l’ensemble du mouvement ouvrier !
Greg Oxley, PCF Paris 10.