L’intervention impérialiste en Irak

Par la décision de fournir armes et « soutiens logistiques » aux forces armées kurdes en Irak, les puissances occidentales s’engagent dans une nouvelle guerre. Avant les annonces officielles de cette « aide », les forces spéciales américaines et britanniques étaient déjà actives sur le terrain et de nombreuses frappes aériennes avaient déjà eu lieu.

 
Lors de l’invasion de l’Irak par la coalition en 2003, Bush et Blair ont promis aux Irakiens un avenir de démocratie, de souveraineté, de paix et de prospérité. Leurs vrais objectifs étaient ailleurs. Ils voulaient remplacer Saddam Hussein par un régime aux ordres des puissances occidentales et s’emparer du pétrole irakien. L’Irak devait servir de base aux opérations américaines contre l’Iran et la Syrie, et également en Afghanistan.
 

Aucune des promesses impérialistes n’a été réalisée.

L’occupation de l’Irak a apporté des profits énormes aux grands groupes industriels américains, dont, bien sûr, l’industrie de l’armement, mais les bases économiques et administratives du pays ont été détruites. Un régime oppressif et corrompu a été remplacé par un autre. Le niveau de vie de la masse de la population s’est effondré. La misère généralisée a exacerbé à l’extrême les tensions nationales et religieuses. Les Etats-Unis et ses alliés avaient sciemment attisé les tensions entre chiites et sunnites. Les chiites ont été cyniquement manipulés. Par exemple, lors de la première invasion de l’Irak en 1991, menée à partir du Koweït, ils ont encouragé les chiites à se soulever contre Saddam Hussein, avant de les abandonner à leur sort, une fois que la menace contre les intérêts occidentaux au Koweït avait été écartée. Des milliers de chiites ont été torturés et exécutés par le régime.

Après la deuxième invasion, l’« épuration » de l’armée et des administrations s’est faite largement au détriment des sunnites. Ils ont subi des discriminations de toutes sortes. Dans ces conditions, les milices fondamentalistes regroupées, sous la bannière de l’« Etat Islamique », ont pu s’emparer d’une partie importante du pays.

Aujourd’hui, presque toutes les régions majoritairement sunnites sont sous leur contrôle. L’armée irakienne n’a opposé aucune résistance digne de ce nom aux combattants fondamentalistes. Au premier contact avec l’ennemi, elle s’est effondrée comme un château de cartes. Si les forces armées kurdes ont mieux résisté, elles n’ont cessé de reculer jusqu’à présent. Le « khalifat islamique » est en passe de devenir une réalité. De fait, l’Irak se divise en trois états distincts.
 

Cette nouvelle intervention militaire est nécessaire, nous dit-on, il faut sauver les Yazidis bloqués sur une montagne. Or, les impérialistes n’ont que faire des Yazidis, qui ne sont qu’un pion dans leur jeu. Faut-il rappeler les conséquences « humanitaires » du blocus économique de l’Irak imposé par les Nations Unies (1991-2003) et qui, selon l’UNICEF, a causé la mort de plusieurs centaines de milliers d’Irakiens ?
 
Et où sont les réflexes « humanitaires » des Etats-Unis concernant la population de Gaza ?

Pour chaque nouvelle guerre, les stratèges de l’impérialisme fabriquent un prétexte pour duper l’opinion publique.

En Afghanistan, il fallait extirper la menace terroriste et « libérer la femme afghane ». En Irak, il fallait s’emparer des armes de destruction massive – inexistantes, en l’occurrence – de Saddam Hussein. En Libye, il fallait empêcher un massacre annoncé comme imminent de la population de Benghazi.
 
Chacune de ces guerres a mené à un désastre. En Afghanistan, rien n’a été résolu, même du point de vue des impérialistes, et certainement pas de celui des peuples sur place ou de la « femme afghane ». En Libye, le gouvernement mis en place au lendemain de la guerre ne gouverne rien. Loin d’avoir empêché des massacres, le pays tout entier est livré aux exactions, tueries et pillages de groupes armés fanatisés. La guerre menée contre le régime syrien n’a fait que détruire le pays, et plonger la population – livrée, elle aussi, aux massacreurs des deux camps – dans une misère écrasante. Les opérations menées contre le régime en Syrie sont d’ailleurs largement responsables de la puissance militaire des fondamentalistes actifs en Irak. Les Etats-Unis interviennent en Irak contre les mêmes organisations djihadistes qu’ils ont soutenues – et soutiennent encore – en Syrie. De la même façon, des soldats français ont perdu leur vie au Mali en combattant les mêmes organisations djihadistes que la France a soutenues en Libye.
 

Cette nouvelle intervention en Irak ne résoudra rien, non plus.

Il est possible que quelques villes puissent être reprises aux djihadistes au moyen d’une offensive terrestre kurde appuyée par des frappes aériennes américaines. Cependant, la seule façon de contenir la progression des fondamentalistes en Irak serait une nouvelle occupation militaire de la part des Etats-Unis, ce que l’administration américaine ne peut pas se permettre. Le démembrement de l’Irak paraît désormais inévitable. La position stratégique de l’Iran a été considérablement renforcée, alors que l’un des objectifs de l’invasion de l’Irak était, au contraire, de l’affaiblir. Il y a quelques années seulement, le gouvernement des Etats-Unis menaçait de bombarder l’Iran. Mais la dislocation de l’Irak l’oblige à composer avec son ennemi d’hier. Ainsi, le départ du premier ministre irakien Al-Maliki, exigé par le gouvernement des Etats-Unis, répondait en même temps aux revendications iraniennes.
 

L’Iran un nouvel allié ?

La modification de la position américaine à l’égard de l’Iran souligne l’extrême précarité de la position des Etats-Unis en Irak. D’un côté, l’Iran pèse de plus en plus lourdement dans les affaires internes de l’Irak, au détriment des Etats-Unis. De l’autre, l’extension des territoires sous le contrôle des djihadistes ronge d’autant les marges de manœuvre américaines. Ainsi, les Etats-Unis sont pris entre deux feux. La France, quant à elle, n’a absolument aucune influence sur le cours des événements en Irak. Les forces djihadistes actives en Syrie et en Irak sont financées et armées par l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie, qui, tout en étant des « alliés » des Etats-Unis, avancent leurs propres pions dans la lutte pour établir et renforcer leurs « zones d’influence » respectives.
 

L’intervention militaire actuelle des Etats-Unis est une tentative désespérée de l’impérialisme américain de conserver ce qui reste de sa position en Irak.

Le changement de premier ministre, auquel les médias occidentaux attachent – ou font semblant d’attacher – une grande importance, n’est qu’un coup d’épée dans l’eau. L’idée selon laquelle quelques strapontins ministériels offerts à des personnalités sunnites pourraient affaiblir la position des fondamentalistes est totalement illusoire.
Comme on pouvait s’y attendre, François Hollande et son gouvernement « socialiste » emboîtent le pas des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne dans cette affaire. Pour masquer sa servilité, Hollande reprend à son compte les prétextes « humanitaires » concoctés à Washington. Indépendamment de la position des gouvernements, le devoir internationaliste des mouvements ouvriers en France, en Europe et à l’échelle internationale est de s’opposer fermement à toute intervention militaire en Irak et d’exposer l’hypocrisie mensongère des prétextes officiels. Ceci aiderait les travailleurs de tous les pays à comprendre les véritables intérêts en jeu. Il faut également s’adresser directement aux soldats des forces armées occidentales dans ce sens, et ne pas les abandonner à la propagande trompeuse des politiciens capitalistes.
 

La Pax Americana : un chaos total

La situation faite aux peuples du Moyen Orient est terrifiante. Sous la domination des capitalistes, qu’ils soient américains, européens, saoudiens, qataris, turques ou kurdes, qu’ils soient chrétiens, chiites ou sunnites, les peuples du Moyen Orient ne pourront jamais connaître la liberté, la paix et la justice auxquelles ils aspirent. La tâche qui incombe à tous ceux qui souhaitent sortir de cette impasse, est d’œuvrer pour l’unité des travailleurs indépendamment des considérations de nationalité, de langue, de culture ou de religion, pour la défense de leurs intérêts communs et contre la rapacité capitaliste. A différents moments de leur histoire, les exploités du Moyen Orient ont vaillamment résisté à l’oppression. Ils connaissent la lutte des classes. Il faut aujourd’hui qu’ils redécouvrent ces traditions, qu’ils s’unissent pour accomplir de nouvelles révolutions.
Il est vrai que les conditions matérielles dans certains pays – et c’est le cas de l’Irak, de la Syrie et de la Libye actuellement – représentent des obstacles énormes à l’émergence d’un mouvement révolutionnaire à court terme. Mais ce n’est pas le cas en Egypte. Ce n’est pas le cas en Iran. L’Algérie, le Maroc et la Tunisie pourraient bien devenir des arènes d’action révolutionnaire dans les mois et les années à venir.
 

Les révolutions arabe

En Tunisie et en Egypte, une première phase de soulèvement a permis de renverser Ben Ali et Moubarak. Mais le processus révolutionnaire n’a pas été mené à son terme, dans un cas comme dans l’autre, en raison de l’absence de dirigeants révolutionnaires suffisamment expérimentés et ayant une compréhension claire de la nécessité d’aller au-delà de changements superficiels. Ces premières opportunités d’en finir avec le capitalisme ont donc été perdues. Mais le mouvement révolutionnaire reprendra son essor, à terme, et sur la base des leçons des premiers échecs, une issue victorieuse serait tout à fait possible. Une seule victoire de la révolution, aboutissant à la mise en place d’un régime authentiquement socialiste, et ce dans pratiquement n’importe quel pays, transformerait radicalement la situation dans toute la région et ouvrirait la voie à l’extension de la révolution à travers l’Afrique du Nord, le Proche Orient, le Moyen Orient, et même au-delà.
 
Cette perspective révolutionnaire est inséparable de la nécessité d’en finir avec le capitalisme ici en France et en Europe, où les conditions matérielles et la position du mouvement ouvrier sont, malgré toutes les difficultés qui existent, infiniment plus favorables pour la victoire du socialisme. Le renversement du capitalisme en France signifierait non seulement l’émancipation sociale et politique des travailleurs de notre pays mais serait également un exemple et une inspiration pour les travailleurs de l’Europe et du monde entier, et ouvrirait finalement la possibilité d’en finir avec toutes les oppressions et toutes les violences impérialistes faites aux peuples du Moyen Orient et de l’Afrique.
Greg Oxley
PCF Paris.

2 thoughts on “L’intervention impérialiste en Irak

  1. Excellent article qui a le grand merite de replacer les actions des grandes puissances sur les questions de la lutte des classes. Une question pour l’auteur cependant. M. Oxley semble deplorer la partition de l’irak, mais celle-ci n’est-elle pas dans ses frontieres actuelle l’heritiere du decoupage colonial ? Et les kurdes n’ont-ils pas droit a leur etat ?
    J’aimerais aussi comprendre en quoi les usa preferent un irak dans l’orbite de l’iran, plutot qu’un etat djiadiste dans le giron de l’arabie saoudite ?

  2. Tout à fait d’accord avec l’analyse sur l’Irak, ce n’est pas une guerre de religion qu’il y a dans la région, il s’agit d’une guerre pour les puits de pétrole et comme par hasard on retrouve les États-Unis et la France.

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