Aubigny est une petite commune de 5 000 habitants située dans le nord du Cher. Aujourd’hui (le 30 juillet), c’est le 45ème jour de grève des facteurs.
Nous avons joint Gilles Le Houézec, délégué SUD PTT mais aussi négociateur pour les grévistes.
La Riposte : Quarante-cinquième jour de grève, comment ça va ?
Gilles : Au début, on ne savait plus comment agir, on n’a pas l’expérience de ça, vous savez, comme dans les grandes villes. Mais maintenant le moral est excellent. Passé un certain seuil, nous sommes devenus plus forts et on est à bloc maintenant. On a vraiment le sentiment de ce que pourrait donner la révolution, car on voit bien qu’au-delà des syndicalistes politisés, les copains ont maintenant une détermination absolue. On a atteint un point de non retour. On a mis toutes les fédérations CGT et SUD dans le coup, mais les copains dépassent le mouvement. Aujourd’hui, si nous perdons, le syndicalisme ici sera mort car nous avons trop perdu. Plus personne ne voudra faire grève, si c’est pour perdre autant sans rien. Mais pour le moment, nous avons des grévistes accrochés à mort. La Poste joue un jeu dangereux, nous n’avons jamais vu ça. En plus, pendant cette grève, qui a lieu pendant les vacances, on est frappé d’absences irrégulières. Les facteurs qui ont posé leurs vacances depuis des mois sont convoqués en conseil disciplinaire s’ils partent en vacances. C’est dégueulasse de prendre ainsi les familles en otage. Mais on ira devant les prud’hommes s’il le faut. C’est très dur ce qu’ils nous font subir mais on sait qu’ils vont perdre.
La Riposte : Peux-tu expliquer à nos lecteurs pourquoi vous faites grève ?
Gilles : Les grèves à la poste ont toutes un point commun : le temps de travail et plus précisément le paiement des dépassements des heures supplémentaires. On sait que c’est le premier sujet de recours aux prud’hommes et La Poste est un champion des heures supplémentaires non payées. Or, toutes les restructurations de la poste sont, en fait, un vaste plan social. On a perdu 80 000 emplois en dix ans suite aux départs à la retraite non remplacés. Tous les deux ans, La Poste serre les boulons et cela signifie donner plus de travail à ceux qui restent. Mais ceux qui restent, on ne leur paie pas les heures supplémentaires. Ils suppriment des tournées de facteur et ceux qui restent se partagent les tournées à découvert. Nous travaillons plus, sans être payés en conséquence. Ils disent que le courrier diminue mais que nous nous arrêtions pour une lettre ou cinq lettres, cela nous prend le même temps. C’est une honte nationale. De mémoire, 30 inspecteurs du travail ont dû intervenir à La Poste pour effectuer des contrôles et La Poste a été condamnée systématiquement. C’est à croire que les condamnations font partie de leur budget.
La Riposte : Comment font-ils pour justifier les heures non-payées ?
Gilles : Ils ont mis en place ce qu’on appelle un aspirateur à heure supplémentaires. Ils nous imposent une pause méridienne. Pendant une heure, le facteur doit rester dans sa voiture à manger son sandwich ou sa gamelle froide. Vous imaginez, en plein hiver ? Et bien entendu, cette pause n’est pas rémunérée. C’est scandaleux. En plus, nous sommes obligés de rester dans la voiture pour surveiller les objets de valeur que nous avons. En gros, on est bloqué une heure dans la voiture de La Poste, à surveiller le matériel de La Poste, à manger des trucs froids et surtout sans être payés. La conséquence en est que les facteurs ne prennent pas cette pause, car de tout temps, ils ne l’ont jamais fait. Ils finissent alors à l’heure, et ils rentrent même parfois en retard. Sauf qu’en réalité, ils ont travaillé pendant leur pause… C’est tout simplement du travail dissimulé.
La Riposte : Où en sont les négociations ?
Gilles : La Poste ne veut rien négocier. Elle parie sur la mise à bas du syndicalisme de lutte par des grèves longues. On n’a jamais vu ça. Un collègue de 25 ans de lutte n’a lui-même jamais vu ça. C’est un véritable phénomène nouveau. C’est pourtant une tactique stupide, car au bout d’un moment, nous avons été trop loin pour reculer. Alors, un mois, 2 mois ou même 6 mois… En plus, ils ont déjà perdu quatre fois sur six au moyen de grèves longues… D’ailleurs, une fois, la grève a duré 175 jours et elle a connu une issue très favorable. Les deux endroits où il n’y a encore aucun débouché, c’est ici et Ajaccio. Mais nous n’en resterons pas là. Nous gagnerons !
La Riposte : Pourquoi ne cèdent-ils pas ici, alors qu’ailleurs ils sont plus ouverts au dialogue ?
Gilles : Nous ne sommes pas dans un bastion communiste, mais dans un secteur de droite, voir d’extrême droite. La Poste se sent très forte. Nous n’avons aucun soutien de la commune. L’opposition communale est venue nous voir afin de faire une lettre de soutien et de trouver une solution mais le maire, Michel Autissier, s’y est opposé. C’est, soi-disant, une « grève politique ». C’est une blague. Sur les dix-sept grévistes, deux sont syndiqués SUD et trois salariés sont à la CGT. Les autres sont des travailleurs non syndiqués. Ce n’est pas une lutte politique, mais pour nos conditions de travail. C’est honteux de dire des choses pareilles. Sur les 22 postes de travail, 17 font grève, une large majorité des facteurs ne sont même pas syndiqués. Alors où est la grève politique ? L’argument est absurde. Par contre, si lui, le maire, ne nous soutient pas, c’est purement politique !
La Riposte : J’ai lu que FO vous avait trahi ?
Gilles : C’est plus compliqué que ça. Le secrétaire départemental d’avant était là depuis 25ans, nous avions une intersyndicale forte SUD-CGT-FO, et on marchait super bien. L’union fait la force, comme on dit. Et lorsque les syndicats font vraiment valoir l’intérêt des travailleurs, il n’y a pas de souci. La secrétaire régionale de FO a mis la main sur le successeur, qui n’est pas à la hauteur. Ils se sont alors retirés de la grève.
La Riposte : Quarante-cinq jours sans paye ! Comment vous faites pour tenir ?
Gilles : Dans le temps, il y avait des caisses de grève et les grévistes venaient manger à table, chez les voisins. Aujourd’hui, il y a toujours de la solidarité, il y a une urne. Il y a aussi les réseaux sociaux comme Facebook et les syndicats nous aident, notamment SUD et CGT. Ils s’arrachent bien. D’autres organisations, comme celle les cheminots, le PCF et beaucoup d’usines nous aident. Mais, vous savez, on représente une grande bouffée d’oxygène pour les travailleurs du coin et d’ailleurs. Tous ceux qui ne croient plus aux manifs se disent qu’ils retrouvent leur honneur lorsqu’ils nous voient. Quand ils voient ce qu’on fait, ils relèvent la tête et se disent: « Eux, ils sont en lutte et ça existe encore ! » Depuis les manifs sur les retraites, il n’y a plus de grandes luttes, mais là, il y a un regain. Ils nous disent alors : « Vous êtes capables de lutter 45 jours et même plus, je n’ai pas d’argent, mais je donne, et avec 10€, même à moi, je me redonne de la dignité ! » Ça fait chaud au cœur, et l’argent nous permet de tenir. On est comme tout le monde, on a des crédits, des factures, des enfants à nourrir… et La Poste le sait bien. Mais, grâce à la solidarité, on tient debout et on tiendra encore, jusqu’à la victoire. Et puis, l’avantage, c’est que La Poste ne nous livre plus les factures.
La Riposte : Merci Gilles, Surtout, on lâche rien !
Gilles : Jamais on ne lâchera ! Merci à vous !
Pour aider les facteurs d’Aubigny à continuer leur courageuse lutte, vous pouvez envoyer vos chèques, mais aussi vos mots de soutien à l’une de ces deux adresses :
– Solidarité Aubigny FAPT CGT, 5 boulevard Clémenceau, 18000 Bourges.
– Solidarité Aubigny SUD PTT, 186 route de Saint Michel, 18000 Bourges
Que la Lutte continue jusqu’à la victoire finale !
sudptt.18@wanadoo.fr
fglehouezec@orange.fr
Aubigny 10 h : rassemblement, manif, les étonner tous par notre nombre, notre solidarité, notre fraternité de luttes !
On va tous manifester ensemble, pour fêter le regain des luttes, montrer notre solidarité avec celles et ceux d’Aubigny, dans les traces des autres qui ont montré que ça payait ! Relever la tête, pour voir loin et respirer mieux, ne plus subir, et continuer de pratiquer notre beau métier de facteur !
LA LUTTE : C’EST QUAND ? C’EST MAINTENANT !
LA RESISTANCE ? PAS HIER, MAINTENANT !
Y aura de la musique, du bruit, de l’enthousiasme, de la colère, de l’envie de gagner, des drapeaux, des gens de partout, actifs, retraités, tout le monde !
Bien sûr, casse-croute solidaire, café, boissons sur place.
Et ben ça fait plaisir cet enthousiasme!!
Allez-y lutter!
Solidarité avec les travailleurs en lutte!
Fraternellement
Roch CGT19