La CGT de Michelin en lutte contre la discrimination syndicale

Les inconditionnels du “dialogue social” ont une drôle d’idée des rapports entre patronat et salariat. Au lieu de classes sociales aux intérêts contradictoires, nous serions selon eux en présence de gentlemen dont les menus désaccords peuvent toujours se régler à l’amiable, autour d’une table de négociation. Le moins qu’on puisse dire de cette vision romanesque de la société, c’est qu’elle occulte le mépris viscéral que la classe capitaliste voue aux salariés en général, et aux organisations syndicales en particulier.

Les syndicalistes CGT de l’usine Michelin de Clermont Ferrant nous ont envoyé le texte d’une conférence de presse dans laquelle ils expliquent pourquoi ils poursuivent leur patron devant les tribunaux. Ce document illustre à merveille les véritables dispositions des capitalistes au “dialogue”. Chez Michelin, les militants CGT font l’objet d’une discrimination systématique, aussi bien en matière de revenus que d’évolution de carrière : “Concernant le dossier déposé au Tribunal correctionnel pour 18 militants, quelques mots sur les griefs reprochés à Michelin : ces militants sont victimes, depuis des années, de discriminations sur leur déroulement de carrière, avec des conséquences directes sur leurs classifications et leurs salaires.

Une étude comparative entre l’évolution des salariés et celle des élus CGT permet aisément de constater les discriminations et atteintes aux droits syndicaux. En ce qui concerne les systèmes de classification au sein de la manufacture Michelin, un accord précise que, au cours de leur vie professionnelle, les salariés doivent obtenir une évolution avec 3 changements de classifications. Or, une étude comparative démontre que dès lors qu’un salarié adhère ou prend des responsabilités à la CGT, il voit son évolution de carrière baisser comparativement aux autres salariés.

Un système d’attribution de points détermine le niveau de la prime de vacance et de la prime de départ de l’entreprise. “Ce système relève, selon la conception de Michelin, du mérite au travail : les militants syndicaux en sont constamment exclus. Parmi les critères d’attribution des “points” figure le temps de présence à son poste de travail. Les heures de délégation sont sans cesse invoquées par la hiérarchie pour justifier la faiblesse des attributions aux représentants des salariés. […] Là encore, une étude comparative permet de démontrer que les militants CGT subissent des discriminations, avec des conséquences immédiates sur leurs rémunérations.”

Les objectifs de cette politique sont clairs : “Ces discriminations et entraves relèvent d’une stratégie délibérément décidée et mise en œuvre par Michelin. Cette stratégie est au cœur de la gestion de l’entreprise, inscrite même dans les plans de formation. Si la France se dit le pays des droits de l’Homme, chez Michelin, c’est sa loi monarchique qu’il impose au détriment des droits et libertés de chacun. Pourquoi Michelin s’attaque-t-il aux droits syndicaux sinon parce qu’il craint la mobilisation des salariés ? Si Michelin s’attaque aux élus CGT, c’est pour faire pression sur l’ensemble des salariés, faire taire leur légitime mécontentement.”

Au nombre des sujets de mécontentement des salariés de Michelin, il y a les 35 heures. Comme dans de nombreuses autres entreprises, leur application s’est accompagnée d’une flexibilisation des horaires et d’une remise en cause des salaires. On se souvient de la confiance que le gouvernement Jospin avait accordée au patronat, estimant qu’en tant que “partenaire social”, il s’entendrait avec les syndicats pour introduire les 35 heures conformément aux objectifs de cette loi : réduire le temps de travail, sans baisse des salaires, et créer des emplois.

La discrimination syndicale dont sont victimes les militants CGT de Michelin montre que, au moment même où le patronat prétend discuter loyalement avec les représentants des salariés, il met tout en œuvre pour les affaiblir. Toujours prêt à entretenir le mythe du “partenariat social”, il sait bien, cependant, que le résultat d’une négociation dépend du rapport de force entre les négociateurs.

Les dirigeants des grandes organisations syndicales ont tendance à remettre à plus tard l’évaluation, dans la lutte, de ce rapport de force, estimant que la jeunesse et les travailleurs doivent d’abord attendre les résultats de nouvelles discussions, négociations et autres tables rondes.

Cependant, aujourd’hui, la droite impose sans trop discuter des contre-réformes qui menacent la jeunesse et les travailleurs d’une grave dégradation de leur niveau de vie. Nos “partenaires” révèlent ainsi leur vraie nature, et mettent le mouvement syndical devant ses responsabilités : seule l’organisation d’un vaste mouvement d’opposition à la politique du gouvernement Raffarin pourrait jeter la droite et le patronat sur la défensive.

Jérôme Métellus

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