La loi immigration contre tous les travailleurs

Pour faire voter sa loi, Macron et son gouvernement se sont joints aux voix des Républicains et du Rassemblement National. De fait, Macron entérine la préférence nationale, jusque-là totem de l’extrême droite, dans une loi « républicaine ». Pour les naïfs qui ne croyaient pas encore que le parti de Macron était de droite, il en fait encore une fois la preuve et va même jusqu’à épouser l’idéologie nationaliste de Marine Le Pen. La situation est devenue presque burlesque à l’Assemblée nationale, chacun des trois protagonistes revendique la victoire et chacun fustige l’autre. Le RN a clamé une victoire idéologique. Le ministre Darmanin défendait sa loi contre cette déclaration prétextant qu’elle permettrait « 10 000 régularisations par an ». Toutes les propositions des LR ont été adoptées par le gouvernement qui d’ailleurs n’a strictement plus rien à envier à l’extrême droite. En effet, Éric Cioti clame aussi la victoire à tous les micros de presse et sur tous les plateaux.

Mais le burlesque s’arrête ici, car cette loi s’apparente à une discrimination de masse et systémique : conditionnement des prestations sociales à 5 ans de présence régulière en France, limitation du regroupement familial, nouvelle atteinte au droit du sol, durcissement de l’accès au titre de séjour y compris pour les étudiants et les personnes malades, exclusion de l’hébergement d’urgence des sans-papiers visés par une OQTF (obligation de quitter le territoire français), rétablissement du délit de séjour irrégulier, etc. Toutes ces mesures auront pour conséquence de dégrader considérablement le niveau de vie, déjà très faible, des personnes visées par cette loi. Des milliers de familles seront ainsi jetées dans la rue sans aucune solution d’hébergement, des malades n’auront plus accès aux soins, l’intégration des travailleurs immigrés sera rendue encore plus difficile. Inévitablement, il y aura une augmentation des sans-papiers, de la pauvreté, de l’exclusion et par conséquent un sentiment d’insécurité, car cette loi présente les sans-papiers comme un danger. Macron prétend appliquer « un bouclier qui nous manquait ». En réalité, il va provoquer le sentiment inverse. Les flux migratoires ne seront pas ralentis pour autant, car ils ne sont pas fonction de la politique intérieure sur l’immigration, mais du contexte international actuel. Ils dépendent des conditions économiques, des conflits militaires et du réchauffement climatique qui rend des zones de la planète de moins en moins vivables. Les noyades dans la Méditerranée ne s’arrêteront pas non plus.

Dans son allocution télévisée pour défendre sa loi et calmer la crise qu’elle a provoquée au sein de son propre camp, Macron a déclaré que pour éviter que le RN n’arrive au pouvoir, « il faut traiter les problèmes à la source ». Lors de son élection en 2022, il s’est présenté comme le meilleur rempart à l’extrême droite. Mais force est de constater que le RN n’a cessé de progresser depuis son arrivée au pouvoir en 2017. S’il n’est pas la cause de la montée des idées nationalistes en France, il en est un accélérateur. Dans plusieurs de nos textes, nous avons analysé et décrypté les mécanismes qui favorisent la montée de l’extrême droite en France et dans le monde. Le pourrissement des bases matérielles du capitalisme avec ses crises économiques, la précarisation de l’emploi, le chômage, les conflits militaires inhérents à la concurrence économique et les flux migratoires qui y sont liés suscitent un sentiment d’insécurité et incitent de nombreux citoyens à opter pour une « préférence nationale ». D’une part, cette nouvelle loi va accentuer ce sentiment, et d’autre part elle tendra à valider les thèses du RN. Par conséquent, loin d’être un rempart contre l’extrême droite, Macron en est un marchepied vers son arrivée au pouvoir. Ce n’est pas par hasard que le leader de l’extrême droite espagnole a déclaré que le Premier ministre Pedro Sanchez devrait « suivre l’exemple de son ami (Macron) avec une loi durcissant les conditions d’accueil ».

La position de Macron semble électoraliste, flirtant avec les idées d’extrême droite qui auraient le vent en poupe. Mais il est avant tout le défenseur des intérêts de la classe capitaliste et de ce point de vue il sait que certains aspects de cette loi ne vont pas forcément dans le sens des intérêts qu’il défend. Il espère qu’en saisissant le Conseil constitutionnel qui, soit dit en passant, n’est pas une institution au service des travailleurs, certaines dispositions de la loi seront atténuées. En effet, cette loi peut créer certains problèmes pour le patronat, qui a besoin d’une main-d’œuvre bon marché, corvéable à souhait et exerçant les métiers les plus pénibles. Patrick Martin, président du MEDEF, a déclaré dernièrement qu’il s’opposait à cette loi, car « l’économie française aura massivement besoin de main-d’œuvre étrangère dans les prochaines décennies ». Ce choix au recours du Conseil constitutionnel n’a donc rien à voir avec des considérations « humanistes ». Un gouvernement, même d’extrême droite, ne peut ignorer les réalités du système capitaliste. Par exemple, en Italie, Gorgia Meloni a accordé 452 000 permis de séjour supplémentaires sous la pression du patronat, pour répondre à ses besoins de main-d’œuvre sous-payée.

Les déclamations se succèdent à gauche pour fustiger cette loi. Cependant, en se bornant à la défense des valeurs dites républicaines de « liberté, d’égalité et de fraternité », qui ne sont que des abstractions sans fondement, leurs protestations n’ont que peu d’impact. Les travailleurs vivent une réalité tout autre. Où est l’égalité en France ? C’est au contraire un pays marqué depuis toujours par des inégalités profondes. Si l’on souhaite les mobiliser contre cette loi, il faut expliquer davantage les sources réelles de l’injustice et de la régression sociale, à savoir le capitalisme, l’exploitation du travail et la stratégie de diviser pour mieux régner. Retirer des droits aux travailleurs étrangers n’en donne pas plus aux autres. La lutte unie de tous les travailleurs, quelles que soient leurs origines, contre la régression sociale et contre le capitalisme est plus nécessaire que jamais.

Gauthier HORDEL

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