France insoumise : une critique marxiste

Nous publions ici l’article d’un de nos sympathisant-e-s que nous avons pensé intéressant de partager avec nos lectrices et lecteurs. 

Récemment, Jean Luc Mélenchon a annoncé qu’il serait candidat à l’élection présidentielle.

La France Insoumise, parti de Jean Luc Mélenchon, un ancien trotskiste qui a par la suite eu des responsabilités au Parti Socialiste, est le premier parti d’opposition de gauche à Emanuel Macron.  La FI présente des avancées positives : tout d’abord, elle jouit d’une assise électorale certaine, ensuite elle propose une démocratisation de la société, un moratoire sur les dettes publiques illégitimes, des relations internationales plus saines, et enfin, parmi les organisations de gauche, elle est la plus grande pourvoyeuse de figures médiatiques. Mais il y a aussi des choses qui manquent dans le projet de société du mouvement.

Confrontée à un gouvernement dirigé par la FI, la classe dirigeante ferait tout ce qui est en son pouvoir pour saborder les réformes et contraindre le gouvernement à faire marche arrière. Pour ce faire, elle utiliserait son contrôle de l’appareil productif, des transports, de la grande distribution, des banques et des médias. Une grève des investissements et une fuite des capitaux sont des exemples où, quand on ne voit pas, on prévoit.

L’exemple médiatique est celui qui nous touche le plus. Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Besançon, Annecy, Tours, et Grenoble : Europe Ecologie Les Verts a remporté les villes de plus de 100 000 habitants aux élections municipales de juin 2020. Et les médias qui sont tenus par les grandes entreprises leurs ont réservé un accueil salé. Dès la rentrée les attaques contre ces maires se sont multipliées : “Une idée à la con par jour” pour la journaliste Isabelle Saporta de RMC le vendredi 11 septembre. Suite aux déclarations de Grégory Doucet, le maire de Lyon, qui voyait dans le Tour de France un évènement “machiste et polluant” ou au maire de Bordeaux qui envisageait de ne pas acheter de sapin de Noel, les quolibets ont fusé de toute part : “rabat joie” contre “les traditions populaires” etc…Il ne parle pas, bien évidemment, des avancés de ces mairies, comme le développement des pistes cyclables, la gratuité des transports en commun, ou le développement d’une économie de proximité.

L’autre exemple qui nous touche de près est européen. En Grèce, la Troika (dont font partie l’U.E et le FMI) et l’ensemble des classes dirigeantes européennes ont immédiatement soumis le gouvernement grec à de colossales pressions pour qu’il renonce à son programme officiel et poursuive les mesures d’austérité. On connait la suite : en juillet 2015, Tsipras capitulait sur toute la ligne et s’engageait dans la voie des privatisations et de nouvelles coupes budgétaires. Pour appliquer son programme, il faudrait donc qu’un gouvernement dans la ligne politique de la FI sorte de l’Union Européenne. En effet l’U.E ne peut pas être réformée conformément à nos intérêts de classe, pour cette raison simple que l’U.E est un ensemble d’institutions pro-capitalistes. Pour autant, la solution ne viendra pas d’une simple sortie de l’UE qui ne marquerait pas un progrès pour les travailleurs. Plus d’un an après le Brexit, la classe ouvrière britannique est bien placée pour le savoir. Le niveau de vie continue de régresser, notamment du fait de l’inflation. Pour qu’elle soit dotée d’un caractère progressiste, la sortie de l’UE se traduire par une rupture avec le capitalisme lui-même. Le Venezuela n’a jamais été un pays de la zone euro. Alors que Hugo Chavez y avait fait la création de comité de démocratie participative dans les quartiers populaires, nationalisé le pétrole, ainsi que des dispensaires et de écoles dans les bidonvilles, le 11 Avril 2002 déjà, l’opposition de droite et les généraux réactionnaires ont organisé un coup d’état. Ce coup d’état a été stoppé par une vaste mobilisation de la classe des travailleurs. Malgré cela, l’essentiel de l’économie, à commencer par le secteur bancaire, restait dans les mains du privé. De plus, le vieil appareil d’état restait infesté d’éléments réactionnaires et carriéristes ou corrompus. Les initiatives pour instaurer un contrôle ouvrier dans les entreprises nationalisées se heurtait au sabotage des hauts fonctionnaires. De son côté la bourgeoisie vénézuélienne refuse d’investir dans l’économie. La pénurie et l’inflation vont créer les conditions matérielles du renversement du gouvernement Maduro.

Par tous ces exemples, on comprend donc que le capitalisme n’est pas réformable.

Or, la FI, reste un parti réformiste, des déclarations sur la constitution d’une Sixième République comme première étape de ladite « révolution citoyenne ». Bien évidemment, dans la Cinquième République, le véritable pouvoir ne réside pas dans les assemblées démocratiquement élues, ni dans les conseils des ministres, ni même dans le palais présidentiel. Il réside dans les conseils d’administration des banques et des multinationales. Une centaine des grandes familles les plus riches jouit d’une influence décisive dans les politiques menés par les divers gouvernements successifs de droite comme de gauche. Dans ce sens-là, la question du référendum d’initiative populaire proposé par Jean Luc Mélenchon, est une très bonne avancée. Mais une Sixième République sans conseils ouvriers et donc sans prise de pouvoir par la classe laborieuse ne serait qu’une république bourgeoise de plus. De plus, la planification écologique demande des nationalisations démocratiques sous contrôle ouvrier dans tous les grands secteurs de l’énergie et pas seulement des autoroutes. Les grands capitalistes sont organiquement incapables de réaliser les énormes investissements nécessaires à la transition écologique, et notamment le développement massif des énergies renouvelables. D’une part, est-il possible de contraindre les capitalistes à arrêter des activités qui leur sont extrêmement profitables ? Non. C’est tout à fait impossible. Si on impose des normes sociales et environnementales à une grande entreprise, elle a la possibilité de délocaliser son activité à l’étranger. D’autre part, qui va réaliser les investissements colossaux nécessaires au développement durable ? Le secteur privé ? Ceux qui peuvent placer leur argent en Suisse, au Luxembourg ?  La planification écologique, et donc économique, devra s’appuyer sur un secteur bancaire entièrement public, centralisé et doté d’une capacité d’investissement optimale. Enfin, la France Insoumise se fait trop d’illusions quant à l’ONU. Le rôle de l’ONU n’est pas d’empêcher les guerres. Cette institution n’a jamais joué un rôle progressiste. Ce sont les grandes puissances qui y décident, en fonction de leurs intérêts. On l’a vu, par exemple, dans le cadre de l’intervention en Irak en 2003. Pour des raisons liées à l’impérialisme français, la France avait pris position, à l’ONU, contre l’invasion militaire. Qu’ont fait les Etats-Unis ? Ils ont tout de même envahi l’Irak, sans mandat de l’ONU. Effectivement, la sortie de l’OTAN est importante, mais ce n’est pas suffisant.

Jean-Luc Mélenchon serait donc un deuxième Mitterrand, rassemblant les forces de gauche pour au final, ne rien changer. C’est sous le mandat de Mitterrand qu’ont été créés les restos du cœur pour pallier aux insuffisance d’un gouvernement “socialiste” qui a renoncé à des nationalisations. Disons plutôt que, de mon point de vue, c’est d’un processus révolutionnaire qu’a besoin la France Insoumise.

Ce à quoi doit s’attendre la France Insoumise et par-delà tout parti réformiste ou révolutionnaire prenant le pouvoir, c’est le sabotage du régime par la classe dirigeante, et une pression de la part des institutions internationales. Seul un parti qui prône la prise de pouvoir économique des classes précarisées sera réellement une alternative au capitalisme.

Michael Martin

Jeunes insoumis de Lyon

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