À propos des textes soumis au vote des militants communistes

Cette semaine, les militants du PCF sont invités à choisir entre quatre textes pour déterminer celui qui deviendra la « base commune » en vue du prochain congrès du parti. Nous nous sommes déjà exprimés publiquement sur le texte de Pierre Laurent et son entourage. Vague et confus dans son ensemble, il esquive totalement les problèmes qui ont motivé la convocation de ce congrès « extraordinaire » et se borne, pour l’essentiel, à présenter une succession d’observations générales au sujet du capitalisme mondial. Il y a également le texte « Pour un Printemps du Communisme », (Cohen Séat, Borvo, Mouly, etc.) qui exprime le point de vue des dirigeants qui veulent mettre le PCF à la remorque de la France Insoumise et ne voient pas l’utilité du maintien du PCF en tant que structure indépendante. Il y a aussi le texte de Dang Tran et ses proches, « Reconstruire le parti de classe, donner la priorité au rassemblement dans les luttes », empêtré dans la tradition « stalinienne » et sectaire qui est depuis longtemps leur marque de fabrique. Dans un texte très court, ils évoquent la lutte des classes et dénonce la dérive sociale-démocrate du parti, mais ne présentent pas grand-chose en termes de politique alternative, ni pour la France, ni pour l’Union Européenne, ni sur le plan international.

Le texte intitulé « Pour un Manifeste Communiste du XXIe siècle » est signé notamment par André Chassaigne et les figures principales du « Pôle Economique » du PCF. Les « économistes » en question ont fourni, au fil des dernières décennies, les justifications théoriques de l’abandon progressif des éléments communistes dans le programme du parti et son adaptation à l’« économie de marché », c’est-à-dire au capitalisme. Les promoteurs de ce texte dénoncent, certes, les « mauvais choix » faits par la direction du parti en 2016-2017. Ils dénoncent également l’effacement du PCF. Mais le fait est qu’ils ont été pleinement impliqués dans la détermination de la politique responsable de cet effacement, qui ne date pas seulement de la dernière séquence électorale. Dans la détermination de notre attitude envers ce texte, le contenu du texte lui-même est évidemment une considération très importante, mais nous ne pouvons pas faire abstraction du parcours et des caractéristiques politiques de ses principaux promoteurs. Comme ses prédécesseurs, Pierre Laurent n’a pas agi seul. C’est une chose que d’adopter une posture « oppositionnelle » vis-à-vis du secrétaire national, encore faut-il connaître la base politique de cette opposition. Y a-t-il de vraies divergences de fond, ou s’agit-il d’une manœuvre pour être « calife à la place du calife » ?

Cette interrogation nous amène au contenu politique du texte lui-même. Abstraction faite de la dénonciation plutôt facile de l’« entêtement » des dirigeants dans les « mauvais choix » de 2016-2017, le texte n’apporte strictement rien qui permet de le qualifier comme étant plus conforme aux intérêts du PCF et des travailleurs que le texte de Pierre Laurent. Les éléments programmatiques qu’il présente reprennent les mêmes notions vaguement réformistes qui caractérisent le programme du parti depuis des années. Absolument aucun changement significatif n’est proposé de ce côté-là. Même sur la question des alliances, qui serait apparemment le principal (pour ne pas dire unique) point de discorde avec Pierre Laurent et son entourage, le « Manifeste » ne prend pas clairement position, ni concernant le PS, ni concernant La France Insoumise. Dans ce domaine, la partie du texte où il est question des alliances laisse la porte ouverte à tout et n’engage à rien.

Sur l’Union Européenne, aucune politique claire n’est présentée. Le texte est soutenu par une alliance de courants d’opinion aux avis diamétralement opposés sur l’Union Européenne. Les uns sont pour le maintien de l’UE et prétendent qu’il est possible de la transformer, au moyen de diverses réformes fiscales et bancaires, en un outil de progrès social, alors que d’autres exigent que la France quitte l’UE et rétablisse le franc français. Le texte lui-même ne dit rien de concret à ce sujet.

Le texte parle d’internationalisme avec une certaine emphase, mais en matière de politique internationale, il prône un rapprochement de la France avec des puissances impérialistes mondiales et régionales telles que la Russie, la Chine, la Turquie et d’autres. Enfin, sur le régime interne du parti, aucune proposition n’est présentée pour démocratiser le parti. Le mode d’élection – ou plutôt d’autodésignation – du CN ne leur pose aucun problème. Il est dit que le CN est « élu par le congrès ». Ceci est une affirmation plutôt osée. Les congressistes sont invités à valider une liste de noms préparée par le groupe dirigeant du parti et selon ses propres critères. Ils peuvent voter pour la liste, ou s’abstenir. Ils ne peuvent pas voter contre.

En résumé, « Pour un Manifeste Communiste du XXIe siècle » ne répond en rien au mécontentement de la base. Il vise seulement à exploiter ce mécontentement pour avancer les intérêts de certains éléments de la direction au détriment d’autres. Tout aussi vague et évasif que le texte défendu par Pierre Laurent, il s’agit d’un leurre, d’une « opposition » qui n’en est pas une, en réalité.

Il est vrai que cette évaluation nous met dans une posture qui n’est pas très confortable, celle de s’opposer à tous les textes proposés. C’est une situation qui résulte du contenu politique des textes question. Nous ne sommes pas contre des compromis et nous ne demandons pas qu’un texte soit parfait. La preuve, c’est que notre propre texte n’a pas pu aboutir parce que nous avons perdu beaucoup de temps après avoir été démarché par les camarades autour de Bernard Friot en vue de l’élaboration d’un texte commun, ce qui impliquait des compromis de part et d’autre. L’abandon très tardif du projet par ces derniers ne nous laissait pas assez de temps pour faire valider un nouveau texte. Il n’est donc pas question, pour nous, d’être dans une posture de « purisme » sectaire. Si « Pour un Manifeste Communiste du XXIe siècle » offrait ne serait-ce que l’amorce d’une rupture avec la politique réformiste du PCF, si ses positions sur les grands problèmes de notre époque étaient plus pertinentes que celles du texte adopté par le CN ou s’il proposait une démocratisation des procédures internes, nous l’aurions soutenu comme un pas dans la bonne direction. Mais il ne fait rien de tout cela.

Nous comprenons les nombreux militants qui envisagent de voter pour ce texte « oppositionnel » en y voyant un moyen de signaler leur propre opposition aux dérives de la direction et, pour certains d’entre eux, comme un moyen de rénover la direction. Il n’empêche que le « changement » proposé n’en est pas un, en réalité. Pour le vote à venir, nous ne soutenons aucun des textes soumis au vote. Une fois qu’une « base commune » sera adoptée, nous présenterons des propositions d’amendements conformes à nos idées communistes.

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