Les salariés de Thales en lutte

T hales Air Systems (TR6) est une des sociétés du groupe Thales – qui représente 33 000 salariés en France – dont la spécialité est l’étude, le développement et la production de systèmes de surveillance aérienne pour l’aviation civile et militaire. Elle fait partie d’une des cinq sociétés se partageant le marché du radar dans le monde. Sous l’impact de la crise économique mondiale, et de la dépendance de la croissance du trafic aérien à celle-ci, TR6 est soumis à une concurrence toujours plus accrue. Cette circonstance conditionne toute la politique industrielle, financière et salariale de la division Air Systems mais également du groupe codétenu par Dassault et l’Etat français (actionnaires majoritaires). Récemment, la mise en place d’une nouvelle gouvernance du groupe a défini de nouvelles orientations qui ne sont pas sans conséquences sur les salariés.
Ces nouvelles grandes orientations générales sont élaborées au niveau groupe, puis déclinées dans chaque entité. Il s’agit donc pour TR6 de trouver des solutions permettant d’accroître ses parts de marché dans le domaine du radar, et pour y arriver la société doit baisser ses coûts afin de proposer des produits concurrentiels. La compétitivité est le grand mot d’ordre et la direction use de tous les stratagèmes pour faire accepter cette idée auprès des salariés en tentant de les démoraliser et en prétextant des difficultés économiques : « il faut sauver l’entreprise ». Dans le plan de compétitivité est incluse inévitablement l’augmentation de la productivité. Il faut comprendre derrière cela que chaque salarié doit produire de plus en plus avec de moins en moins de moyens, réduction des coûts oblige. Cette situation engendre une dégradation des conditions de travail, alliée à une organisation complexe et élaborée uniquement à la tête de la société dont les salariés se sentent exclus de tout choix décisif.

La compétitivité est mise en place de façon à retrouver « le chemin de la croissance » permettant d’augmenter « la profitabilité ». Qu’est-ce que ces mots veulent dire concrètement ?

Ils signifient ni plus ni moins la baisse des salaires à terme pour les salariés. Il s’agit de satisfaire l’exigence des actionnaires, les propriétaires du groupe, dont les intérêts entrent en confrontation directe avec ceux des salariés. Cette situation se traduit par une politique salariale lors des NAO (Négociations Annuelles Obligatoires) toujours plus restrictives pour les salariés. Cela fait trois ans que la politique salariale est en baisse sur TR6, alors que les dividendes versés aux actionnaires du groupe Thales ont augmenté de 124 %, soit un montant de plus de 200 millions d’euros perçus en 2014 au titre de l’année 2013. Cette différence de répartition n’est rien d’autre que le produit de la lutte des classes. Les salariés sont les seuls créateurs de plus-value dans l’entreprise, mais la richesse créée par le travail collectif est accaparée par les actionnaires. Telles sont les lois inévitables du système capitaliste indépendamment de la volonté de chacun, un système basé sur la propriété privée des moyens de production. D’un côté des salariés qui vendent leur force de travail, leur savoir-faire manuel et intellectuel, et de l’autre une minorité de propriétaires qui s’accaparent le produit créé par cette force de travail.

C’est dans ces circonstances que s’est développé un mouvement social et ce depuis le 30 janvier.

TR6 composé de quatre sites (Rouen, Limours, Fleury-les-Aubrais et Rungis) a ouvert le bal lors de sa dernière réunion NAO. Les mesures annoncées par la direction au préalable étant trop faibles pour pouvoir aboutir à des propositions d’augmentations favorables pour les salariés, il a été décidé en intersyndicale TR6, la veille de cette dernière réunion, d’informer les salariés de la situation et des perspectives lors d’une assemblée. Cette occasion a permis à la CGT de donner le signal de départ d’un mouvement pour mettre la pression sur la direction. Sur Rouen, la CGT, troisième organisation avec 26,5% de représentativité derrière la CFDT 27% et la CGC 32,5%, a mis tout en œuvre pour transmettre sa détermination aux salariés et ainsi forcer les autres organisations à rallier sa position. Face à l’enthousiasme des salariés, les autres organisations n’ont eu d’autre choix que de suivre le débrayage voté à l’unanimité par les salariés présents. Les mesures annoncées par la direction n’étant pas satisfaisantes, le mouvement a perduré et, à l’initiative de la CGT, une résolution a été adoptée. Cette résolution stipulait entre autres qu’il fallait une action coordonnée des sites TR6 pour frapper fort et avoir un impact psychologique sur la direction. Il s’agissait d’un appel des salariés de Rouen envers les salariés des autres sites et qui y ont répondu favorablement. Par la suite, des actions coordonnées ont été préparées, grèves et blocages de sites ont été mis en place. Ces actions ont permis un premier recul de la direction en rouvrant les négociations. Le mouvement s’est ensuite propagé à l’ensemble des sociétés du groupe avec des actions coordonnées. A chaque étape, la CGT a expliqué sa stratégie aux salariés et les bonnes méthodes à employer pour déjouer les manœuvres de la direction qui n’a eu de cesse d’intimider les salariés en faisant pression principalement sur la CGT meneuse du mouvement. Certaines organisations ont tenté de faire obstacle à la construction du rapport de force en essayant de démoraliser les salariés, d’autres se sont contentées de suivre le mouvement. De manière générale, elles se sont fait déborder par les salariés tandis que la CGT arrivait à entretenir et diriger le mouvement. La direction a reculé à plusieurs reprises face à l’ampleur du mouvement, malgré son apparente inflexibilité, mais les résultats ne sont pas aujourd’hui pleinement satisfaisants.
Ces événements sont l’occasion pour les travailleurs salariés d’appréhender le processus de lutte des classes et d’exploitation à l’œuvre quotidiennement sous leurs yeux. Ce sont des instants favorables au dialogue avec l’ensemble des travailleurs, qui à ce moment précis se sentent concernés par les causes de leurs conditions sociales, leurs conditions de travail et de vie. Ils prennent conscience de manière partielle de leur position de classe dans la société. Il s’agit pour la CGT d’utiliser ces conditions favorables afin d’expliquer de façon claire les processus en action issus du fonctionnement du capitalisme. De l’expérience, la CGT doit tirer avec eux les enseignements nécessaires pour la conduite de nouvelles luttes et concentrer les forces contre la cause fondamentale de tous les problèmes : le système capitaliste. La CGT ne doit pas uniquement combattre les conséquences du système, si elle veut une amélioration des conditions sociales des salariés ; elle doit s’attaquer à la racine du problème, la propriété capitaliste.
Gauthier Hordel
CGT «TR6» Rouen

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