La crise de succession au sommet de la CGT

La question du choix du successeur de Bernard Thibault à la tête de la CGT a fait naître des dissensions au sein de la direction confédérale. La Commission Exécutive Confédérale (CEC) s’est divisée autour de trois candidats : Nadine Prigent, Eric Aubin et Agnès Naton. Au sein de cette instance, Nadine Prigent l’a emporté d’un cheveu et sa candidature a été proposée au vote du Comité Confédéral National (CCN) le 31 mai. Par 255 voix pour et 304 contre, le CCN a rejeté cette proposition de la CEC. Le débat reprendra en septembre. Dans sa première intervention devant le CCN, Bernard Thibault a parlé en des termes graves d’une « crise de la direction confédérale », évoquant une situation dans laquelle « il n’est quasiment plus une initiative (…) qui ne fasse polémique », « il n’y a pratiquement plus de sujet qui puisse être abordé sereinement ». De quelles initiatives et de quels sujets s’agit-il ? On ne sait pas. Ces propos ne peuvent qu’étonner la base militante de la CGT qui se demande ce qui oppose au juste ces trois candidats et provoquerait une telle crise ?

Dans son édition de juillet, l’organe officiel de la CGT, Le Peuple, a publié un compte-rendu du dernier CCN. On y lit que Nadine Prigent considère que la direction sortante a « un bon bilan ». Qu’Eric Aubin précise que sa candidature « ne porte pas sur les orientations de la CGT, mais sur une conception de la direction ». Qu’Agnès Naton dit qu’elle n’a « pas de démarche programmatique individuelle, car [je suis] à la CGT et que, donc, [je fais miennes] les propositions de la CGT ». Ces propos viennent confirmer l’insignifiance de leurs divergences supposées. Une discussion sur la manière dont la confédération doit être dirigée n’est pas négligeable, mais à six mois de notre congrès il est impensable que les débats se limitent à cette seule question. Plusieurs interventions de membres du CCN vont dans ce sens. La FNME (Mines et Energie) parle de « guerre de pouvoir », le Rhône de « lutte de pouvoir », l’Agroalimentaire d’« ambitions personnelles ». La meilleure formule revient à Caroline Ferreira, pourtant membre de l’équipe dirigeante, et qui parle de « lutte des places en lieu de la lutte des classes ».

L’expression « mettre la charrue avant les bœufs » est utilisée par trois orateurs du CCN pour qualifier ce débat sur le nom du futur Secrétaire Général. Pour l’UD de Paris, il faut en effet que se dégage « d’abord une conception de la direction confédérale ». Pour celle du Pas-de-Calais, il faut « concentrer notre énergie sur (…) la bataille que l’on doit mener ». Pour les Bouches-du-Rhône, on « est passé un peu vite sur ce qui ne marche pas, [notamment] sur les raisons pour lesquelles on ne pouvait pas engager toutes nos forces dans la bataille des retraites ». Les UD du Nord, de l’Essonne, des Hauts-de-Seine et de la Gironde vont dans le même sens. Les Fédérations de la Métallurgie, des Finances, des Cheminots, de la Chimie et la FAPT soulignent également qu’il faut discuter de l’orientation générale et « arrêter d’avoir un faux débat sur les personnes ».

Le dernier CCN témoigne ainsi du décalage qui existe entre les préoccupations de la base de la CGT et celles des membres de la CEC. Aucun d’eux, et notamment parmi les trois candidats, n’aborde de façon critique le bilan des luttes menées ces dernières années, alors que cette question occupe largement l’esprit des militants. Dans ces conditions, quel enjeu y a-t-il à soutenir une candidature plutôt qu’une autre parmi celles proposées par la CEC sortante ? Il faut recentrer les débats sur les questions cruciales pour les travailleurs : comment construire une mobilisation interprofessionnelle qui mette un terme à la régression sociale ? Quel programme revendicatif devons-nous adopter pour briser la gestion capitaliste de l’économie qui nous conduit à la ruine ? Voilà ce qui doit occuper l’essentiel de l’ordre du jour des instances dirigeantes de notre confédération.

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