Esteban Volkov : retour à Prinkipo

Esteban Volkov, le petit-fils du dirigeant de la révolution russe, Léon Trotsky, a pu se rendre en Turquie récemment et retourner sur les lieux où avait vécu son grand-père suite à son expulsion de l’Union Soviétique. Esteban a notamment pu revoir, pour la première fois depuis 1931-32, la maison de Prinkipo – l’Ile des Princes – où il vivait avec Trotsky. Pendant qu’on traversait la France en route vers Grenoble, Esteban m’a parlé de son voyage en Turquie.
Greg Oxley

« Je me suis rendu tout d’abord à Istanbul. L’ancien consulat soviétique, où LD [Trotsky] et Natalia [Sedova, la femme et Trotsky], ont été logés à leur arrivée en Turquie, est toujours là, tel qu’il était en 1929. J’ai pu me rendre, aussi, à l’hôtel où ils se sont installés après avoir quitté le consulat, en mars 1929. Ensuite, je me suis rendu par bateau à Prinkipo, où ils ont vécu à partir du mois d’avril. »

« L’île a beaucoup changé depuis mon enfance, bien sûr, mais elle est toujours d’une grande beauté, comme elle l’a toujours été dans mes souvenirs. Au port, on avait trouvé un panneau d’orientation sur laquelle « la maison de Trotsky » était indiquée. Alors je suis allé à pied, accompagné de quelques camarades turques, jusqu’à la rue où se trouve la maison. C’est une rue qui descend vers la mer, et là, donnant sur le large, j’ai vu l’entrée de la maison. On est entré, et j’ai pu redécouvrir la maison et le terrain aux alentours. La maison était tout près du rivage- à une centaine mètres, peut-être – auquel on accède par un chemin et des marches. »

« C’était une expérience très émouvante pour moi, de pouvoir enfin retourner sur les lieux après toutes ces années. J’ai rejoint LD et Natalia à Prinkipo en janvier 1931. Je ne pensais pas que j’aurais l’occasion de revenir à Prinkipo un jour. Les murs extérieurs de la maison, la façade – avec ses fenêtres et balcons – sont toujours intacts et en assez bon état. Mais l’intérieur de l’édifice s’est complètement effondré. On dirait une maison bombardée. »

« Mes souvenirs de l’époque sont un peu vagues maintenant. Je me rappelle surtout de Natalia. Elle me consacrait beaucoup de son temps. Elle m’apprenait, entre autres, à lire et à écrire en russe. Je me souviens, aussi, du jour où je me suis tombé dans la mer, tellement je voulais voir de plus près les poissons, les crabes, les crevettes et les algues dans l’eau. Il y avait des camarades tout près et, fort heureusement, l’un d’eux a pu me repêcher ! Enfin l’incendie qui s’est déclarée dans la maison [dans la nuit du 28 février au 1er mars 1931] m’avait fortement impressionné. Cela s’est produit dans la nuit. Je dormais et on m’a sorti de mon lit. Malheureusement, il y avait un nombre considérable de livres, et une partie des archives de LD, qui sont partis en fumée. Dans la maison de Trotsky à Mexico, il y a encore une Encyclopédie russe qui a été abîmée dans cet incendie. Des années plus tard, dans cette même maison de Mexico, je devais revivre une expérience similaire, lorsque [le 24 mai 1940] les agents de la GPU, après avoir tenté de nous tuer à la mitraillette, ont lancé des bombes incendiaires dans le but de détruire les archives. »

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