Pour la douzième année, la Confédération syndicale internationale (CSI), a publié son rapport annuel sur l’état des droits des travailleurs dans le monde.
Née en 2006 de la fusion de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) – à laquelle appartenaient la CFDT et FO – et de la Confédération mondiale du travail (CMT) – à laquelle appartenait la CFTC – et rejointe dès sa fondation par la CGT, la CSI est la première internationale syndicale dans le monde. Représentée à l’Organisation internationale du travail (OIT), elle compte 191 millions de travailleurs et de travailleuses au sein de 340 organisations affiliées nationales dans 169 pays.
L’indice des droits dans le monde, publié chaque année, se fonde sur 97 indicateurs issus des conventions et de la jurisprudence de l’OIT. S’appuyant sur les signalements de ses syndicats nationaux, la CSI a établi une échelle de notes allant de 1, en cas de violations sporadiques des droits des travailleurs, à 5+ quand les travailleurs ne disposent plus d’aucune garantie des droits à cause de l’effondrement de l’État de droit dans leur pays.
Depuis le début de l’indice en 2014, le nombre de pays classés 5+ est passé de 8 à 12 : parmi ces pays, on retrouve par exemple le Yémen, le Soudan ou encore Haïti. Trente-neuf pays, dont l’Arabie saoudite, la Russie, l’Iran, les Philippines ou le Zimbabwe obtiennent la note de 5 : les travailleurs y sont privés de pratiquement tous les droits.
Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, dont la note moyenne est de 4,68, demeurent la pire région au monde pour les travailleurs et les travailleuses, devant l’Asie-Pacifique dont la note moyenne est de 4,08. L’Afrique enregistre une note moyenne de 3,95, en recul par rapport aux 3,88 de l’année dernière et aux 3,26 qu’elle obtenait il y a une décennie. Sur le continent américain, la note moyenne de 3,68 a peu changé, mais l’enregistrement des syndicats a diminué dans 92 % des pays du continent américain et les travailleurs ont été détenus par les autorités dans six pays sur dix. Enfin, l’Europe, a vu sa note moyenne passer de 2,73 à 2,78 depuis l’année dernière alors qu’elle obtenait 1,84 en 2014.
Toujours plus d’entraves aux libertés syndicales
Dans le détail, près de neuf pays sur dix dans le monde ont violé le droit de grève, tandis qu’environ huit pays sur dix ont privé les travailleurs du droit de négocier collectivement pour obtenir de meilleures conditions de travail.
Ainsi, dans 74 % des pays, les travailleurs se sont vus refuser le droit de constituer un syndicat ou de s’affilier à un syndicat. En 2025, 47 % des pays ont arrêté ou détenu arbitrairement des syndicalistes, contre 46 % en 2023, et plus de quatre pays sur dix ont nié ou limité la liberté d’expression ou de réunion.
En 2025, les dix pires pays au monde pour les travailleurs étaient le Bangladesh, le Bélarus, l’Égypte, l’Équateur, l’Eswatini, le Myanmar, le Nigeria, les Philippines, la Tunisie et la Turquie. L’Argentine est une parfaite illustration du déclin des libertés civiles et de l’attaque concertée menée par les gouvernements de droite radicale à l’encontre des syndicats et des travailleurs observe la CSI, qui constate que « Depuis son entrée en fonction en décembre 2023, le président Javier Milei a entrepris d’amender 366 lois dans le but de déréglementer les conditions de travail et les salaires, de démanteler les protections syndicales et de privatiser les entreprises publiques ».
La CSI s’inquiète particulièrement de l’abus du prétexte de « l’influence étrangère » dans la loi pour réprimer le mouvement syndical indépendant comme on a pu le voir en 2024 en Géorgie ou en Russie.
Pour autant, la CSI note que des victoires syndicales sont possibles. En juin 2024, les législateurs du Canada ont adopté à l’unanimité une loi très attendue contre les « briseurs de grève », à l’issue de consultations approfondies avec les syndicats. À l’île Maurice, la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP) s’est battue pour la protection des travailleurs migrants tandis qu’au Ghana, le syndicat des mineurs (Ghana Mine Workers’ Union, ou GMWU) et d’autres organisations ont mené une campagne fructueuse qui leur a permis d’obtenir des autorités ghanéennes au mois de septembre 2024 qu’elles annulent la licence d’exploitation de la mine d’or de Bogoso-Prestea, détenue par l’entreprise britannique Future Global Resources (FGR) qui avait cessé de les payer depuis janvier 2024.
Pour le secrétaire général de la CSI, Luc Triangle, « Le mouvement syndical mondial est la plus grande force démocratique sociale qui existe sur le globe pour défendre les libertés démocratiques, améliorer la vie des travailleurs et préserver leurs intérêts dans le monde du travail. Adhérer à un syndicat permet de se protéger de l’exploitation et de créer un front uni contre l’élite mondiale bien organisée, qui cherche à façonner le monde à son avantage en obligeant les travailleurs à en supporter le coût ».
Si quelqu’un pouvait en douter, le rapport annuel de la CSI sur l’état des droits des travailleurs dans le monde devrait suffire à l’en convaincre…
David NOËL, PCF Méricourt