La lutte de Valdunes : quels mots d’ordre ?

La rentrée politique est marquée par la lutte des salariés de Valdunes (MG Valdunes), menacée de fermeture, qui est la dernière entreprise en France à fabriquer des roues, des essieux et des axes pour les trains, dont notamment le TGV. L’entreprise possède deux sites en France situés dans le Nord : Trith-Saint-Léger pour la fabrication avec 240 salariés et Leffrinckoucke qui est la forge avec 90 salariés. Le groupe sidérurgique chinois MA STEEL a acheté l’intégralité du capital de l’entreprise en 2014. Ce groupe est une joint venture de l’entreprise China Baowu Steel Group, propriété du gouvernement central et ma Assets Supervision and Administration Commission, rattachée gouvernement de la province d’Anhui. Il appartient en effet à un groupe public chinois.

L’entreprise est en perte de vitesse. La SNCF qui commandait, jusqu’en 2021, 45000 roues et 5000 essieux par an, mais n’a commandé que 3500 roues et 3 essieux en 2022, préférant faire jouer la concurrence au détriment de Valdunes. D’autre part, MA Steel n’a pas obtenu le marché chinois comme il l’espérait, et ne vendra aucune roue en Chine. Selon les calculs du ministère de l’Industrie, les besoins en roues pour la France seraient de l’ordre de 30 000 par an. Maxime Savaux délégué CGT de Valdunes affirme que l’entreprise devrait produire 60 000 roues par an pour être à l’équilibre. Dans ces conditions, l’usine se trouve en surcapacité productive.

Depuis le mois de mai, les salariés de Valdunes organisés autour de la CGT sont entrés en lutte depuis que MA Steel a annoncé son retrait du capital de l’entreprise. Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, est venue soutenir la lutte, mais également Fabien Roussel pour le PCF, Marine Tondelier pour EELV et la France Insoumise. L’engagement de la CGT Valdunes et la médiatisation de la lutte ont permis de mettre la pression sur le gouvernement afin d’obtenir un répit auprès du propriétaire, le temps de trouver une solution. La question principale pour les salariés est qu’adviendra-t-il de leur usine et de leurs emplois. Les premières propositions sont venues de deux concurrents de Valdunes pour le rachat du site de production et non de la forge. Ce que craint Maxime Savaux de la CGT est que les deux repreneurs potentiels cherchent à s’approprier le carnet de commandes, en se débarrassant de l’usine pour éliminer la concurrence. Maxime Savaux a raison de s’inquiéter, car ce type de manœuvre de la part des capitalistes est très courant.

La proposition avancée par la CGT est la nationalisation (temporaire) de Valdunes et la constitution d’un consortium avec la SNCF et Alstom, qui fabrique des trains, des trams et des métros. Fabien Roussel s’adressant au journal les Échos ne croit pas à cette proposition et propose plutôt « l’entrée de la BPI (ndlr : la banque d’investissement public) dans le capital de Valdunes afin d’attirer des investisseurs et des industriels et non des prédateurs financiers ». Il a notamment défendu cette position lors de son intervention à l’Assemblée nationale, face à Roland Lescure ministre délégué à l’industrie. Celui-ci a tourné en dérision les propos de Fabien Roussel en lui rétorquant qu’il n’était pas question de « nationaliser la production de roues » ce qui sous-entend que ce n’est pas le rôle de l’État. Dans les propos du ministre, il y a deux erreurs (ou plutôt deux mensonges).

Premièrement, l’État est actionnaire de plusieurs entreprises telles que Thales,Renault ou Safran pour ne citer qu’elles. Même si ces entreprises ne sont pas nationalisées à proprement dit, la participation au capital est jugée vitale, car il s’agit de secteurs stratégiques. Les soutiens aux salariés de Valdunes ont raison de mettre en avant le caractère stratégique de l’entreprise, sous-traitant du ferroviaire, avec la nécessité de la « transition écologique ». Il est effectivement nécessaire de maîtriser un savoir-faire dans ce domaine pour garantir le développement du transport ferroviaire. Il s’agit d’un des modes de transport les moins émetteurs de CO2 et permettrait de réduire le transport routier, ce qui ne semble pas être la stratégie du gouvernement.

Deuxièmement, Fabien Roussel n’a jamais défendu l’idée de la nationalisation concernant Valdunes. Ses propos sont très clairs dans son intervention et c’est là où le bât blesse. Il espère que la participation de l’État au capital de Valdunes attirerait de gentils capitalistes, qu’il appelle des investisseurs et non de méchants capitalistes, qu’il nomme des prédateurs financiers. Or, dans le capitalisme, il n’existe ni de gentils ni de méchants investisseurs. Il n’existe que des capitalistes dont le seul intérêt est la rentabilité maximum des investissements. Le comportement des « investisseurs » n’est régi que par les lois du capitalisme dont la première n’est autre que la recherche d’un maximum de profit. C’est une question de vie ou de mort pour les entreprises. L’exemple de « l’État » chinois qui n’a aucun scrupule à se débarrasser des travailleurs de Valdunes, puisque l’entreprise n’est pas rentable du point de vue des critères du capitalisme, en est la démonstration la plus flagrante.

Si Fabien Roussel et d’autres se limitent à ce genre de proposition, c’est qu’ils espèrent soutirer des concessions de la part du gouvernement, tout en restant dans le domaine du « possible », selon leur vision des choses. Or, le gouvernement Macron n’est là que pour défendre les intérêts des capitalistes. Cela signifie que le domaine du possible devient le domaine de l’impossible. Malheureusement, le sort des salariés de Valdunes est suspendu au bon vouloir des capitalistes. Leurs engagements et leurs efforts permettront peut-être de sauvegarder leurs emplois, ce qui serait déjà une victoire pour eux, mais une victoire qui peut s’avérer n’être qu’un sursis temporaire.

Le cas de Valdunes nous offre un cas concret pour avancer l’idée que les secteurs stratégiques de l’économie devraient être extirpés des mains des capitalistes, socialisés, et placés sous le contrôle des travailleurs. Nous avons besoin de développer le ferroviaire pour des questions d’intérêt général, pour le transport et pour la transition énergétique. Ces notions sont en conflit avec les lois du capitalisme. Seule la socialisation permettrait d’affirmer l’intérêt général comme un critère primordial. Utiliser la lutte de Valdunes pour défendre ces idées jouerait un rôle éducatif de première importance pour les travailleurs.

Gauthier Hordel. PCF / CGT 76

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