La lutte des raffineurs ouvre la voie

Depuis trois semaines, les travailleurs des principales raffineries françaises ont donné le ton. Les grèves montrent ce que peut être la puissance d’une action syndicale bien menée. Voilà des mois que l’inflation est galopante et à plus de 5,3 % en octobre. L’INSEE prévoit une inflation à peu près similaire pour 2023. L’augmentation des prix mine les conditions de vie de la population. La guerre en Ukraine a été l’occasion pour les barons de l’énergie de spéculer sur les prix, d’amasser d’énormes profits et d’alimenter l’inflation au passage. Au premier semestre 2022, les bénéfices de TotalEnergies ont atteint 10 milliards d’euros. Le salaire de son PDG, Patrick Pouyanné a augmenté  de 52 % en 2021, le faisant passer de 3,9 millions d’euros à 5,9 millions d’euros par an. Ce sont les raisons qui ont poussé les travailleurs et leurs syndicats à revendiquer une augmentation de 10 % des salaires pour compenser la diminution de leur niveau de vie. Dans la situation économique actuelle, cette revendication est absolument légitime et raisonnable.

Bien que tout soit mis en œuvre pour calomnier les grévistes et monter une part de la population contre eux, sous prétexte qu’ils exerceraient un pouvoir de nuisance uniquement pour leurs « avantages personnels », ce mouvement bénéficie d’un large soutien populaire non négligeable. L’inflation ne touche pas uniquement les travailleurs de la pétrochimie. Il s’agit d’un problème général qui touche aussi bien les étudiants, les travailleurs et les retraités. Depuis le début, la fédération CGT de la chimie (FNIC CGT) appelle à l’élargissement du mouvement à d’autres secteurs. L’impact d’une grève dans les raffineries est plus élevé et plus visible que dans d’autres secteurs, mais les raffineurs sont en train de tracer le sillage dans lequel l’ensemble des salariés des autres secteurs devraient s’insérer pour élargir et renforcer la lutte.

Que les grèves provoquent des ruptures d’approvisionnement en carburant et déstabilisent le fonctionnement de la société démontre que sans le consentement des travailleurs, rien ne peut fonctionner. Par contre, si le PDG et les spéculateurs capitalistes disparaissaient demain, nous n’en sentirions pas le moindre effet.

Les salariés grévistes sont réquisitionnés par le gouvernement pour relancer les approvisionnements en carburants. Parfois, les forces de l’ordre sont venues les cueillir directement à domicile.  Le refus d’obtempérer est passible de 6 mois de prison et 10 000 euros d’amende. Le gouvernement espère ainsi intimider les grévistes et les dissuader de poursuivre. Mais en agissant ainsi, il provoque des réactions de colère de certains travailleurs. Les avocats des syndicats CGT en grève dénoncent les réquisitions, qui bafouent le droit de grève inscrit dans la constitution. Pour les capitalistes, aucun droit démocratique ne doit menacer leurs intérêts. L’ensemble des institutions de la république capitaliste sont là pour protéger les intérêts capitalistes. Les forces de l’ordre le rappelleront  à quiconque agite la constitution pour remettre en cause les décisions « vitales » du gouvernement.

La principale crainte du gouvernement est l’extension de la lutte. Comme les directions des groupes pétroliers, il peut compter sur des alliés de choix pour tenter d’isoler la CGT. Aussi bien chez Esso-ExxonMobil que chez TotalEnergie, les directions ont ouvert des négociations et conclu des accords bien en dessous des revendications des salariés avec la bénédiction de la CFDT et la CFE-CGC, qui ont signé des deux mains. Il s’agit ni plus ni moins  que de la collaboration de classe. Ces deux organisations n’ont ni appelé ni participé à la grève. Les déclarations de Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, sont éloquentes :  « Quand une négociation se conclut par un accord favorable à l’ensemble des salariés, et notamment à ceux du bas de la grille, un syndicaliste peut être fier de son boulot ».

En ce qui concerne la CGT,  sa direction confédérale appelle à une mobilisation interprofessionnelle le 18 octobre, rejointe par FO, Solidaires et FSU. Il est évident que l’extension de la lutte  est absolument nécessaire, mais il faut souligner qu’une simple journée de mobilisation ne permettra pas d’obtenir des avancées pour l’ensemble des salariés. Il faut aller plus loin. Le blocage de l’économie par l’extension et la reconduction des grèves à une échelle massive mettrait une énorme pression sur les capitalistes et le gouvernement. Les raffineurs ne peuvent supporter à eux seuls cette responsabilité. Ils doivent être rejoints massivement dans la lutte.  La CGT doit tracer une perspective de lutte générale pour l’indexation des salaires sur le taux d’inflation, ce qui ouvrirait la voie à d’autres conquêtes sociales. La nationalisation de TotalEnergie ainsi que l’ensemble du secteur de l’énergie sous le contrôle démocratique des travailleurs serait un grand pas en avant. Ce serait également le meilleur moyen de planifier et d’opérer une décarbonation de l’économie, en retirant ce secteur des griffes des profiteurs capitalistes. Certes, la volonté des travailleurs à en découdre avec un système qui les opprime ne se commande pas sur mesure, mais tracer la perspective d’une nouvelle organisation sociale en brisant la mainmise des capitalistes sur l’économie est aujourd’hui plus indispensable que jamais.

Gauthier HORDEL

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