Réchauffement climatique et énergie: l’impasse capitaliste

Nous arrivons à un moment où une part importante de la société notamment dans la jeunesse prend conscience de la nécessité d’agir pour la préservation de l’environnement. Les dégâts environnementaux, le réchauffement climatique et les phénomènes associés sont devenus non seulement incontestables mais sont une menace pour l’avenir de l’humanité. La crise sanitaire et ses conséquences ont été un révélateur d’une société dont le moteur est la recherche de profit à tout prix. Le maintien d’une classe capitaliste qui domine l’économie et les gouvernements qui en sont leur représentant politique est devenu un obstacle au progrès social. Le développement de la société capitaliste a abouti à une impasse non seulement du point de vue économique et sociale, les crises économiques se succèdent depuis plus de 40 ans, mais également du point de vue de l’environnement. Il apparaît une incompatibilité entre les intérêts économiques et la nécessité de prendre des mesures « radicales » pour enrayer le dérèglement climatique induit par les activités humaines. Une des forces du capitalisme réside dans le fait qu’il est opportuniste, c’est-à-dire qu’il absorbe tout ce qui peut l’être à des fins de marchandisation. La progression d’une conscience écologique au sein de la société n’échappe pas à cette règle.

Nous avons besoin d’en savoir plus sur le réchauffement climatique de la production d’énergie. Une partie importante de ce texte est consacré à la vulgarisation de ces questions pour tenter d’y répondre modestement, parfois à aller à contre-courant des idées dominantes des milieux militants. Le problème est vaste et complexe. Dans cette analyse, nous essaierons de mettre en évidence la relation entre le réchauffement climatique avec l’utilisation et la consommation d’énergie dans le cadre de l’organisation de la société en régime capitaliste. Ou en sommes-nous et ou va-t-on en termes d’énergie et de technologie ? Quels sont perspectives pour l’humanité ? En quoi la marche vers le communisme véritable permettra de résoudre l’équation dont les paramètres sont le progrès, la justice, l’égalité et la préservation de notre environnement ?

1. La covid 19 comme révélateur

La propagation de la Covid-19 à travers le monde et le confinement en tant que mesure pour enrayer la diffusion du virus a eu pour effet de diminuer drastiquement l’activité économique durant cette période. Tout un chacun a pu constater par exemple une forte diminution du trafic routier. À cette occasion, il a pu être observé une diminution remarquable de la pollution. L’ESA (European Space Agency) a notamment publié un article(1) montrant une comparaison des concentrations en dioxyde d’azote (NO2) gaz polluant et nocif au-dessus de la France. Cet article met en évidence que le ralentissement économique (baisse du trafic routier, diminution de l’activité industrielle…) a permis une nette diminution de la concentration de NO2.

Source : ESA

De la même manière, selon un rapport de Global Carbon Project, les émissions de dioxyde de carbone (C02) auraient diminué de 7 %. La question écologique occupe une place importante dans le débat public, mais elle a pris une certaine acuité lorsqu’il fut palpable pour l’ensemble de la population de mesurer l’impact visible des activités humaines sur l’environnement. Le questionnement de l’utilité sociale des différents secteurs d’activité est apparu comme une évidence pour beaucoup d’entre nous : telle ou telle activité est-elle essentielle pour assurer le bon fonctionnement de la société ? De cette réflexion collective a émergé l’idée du « monde d’après », un monde plus social et solidaire, plus écologique, etc. Mais depuis la fin du confinement, la réalité de l’économie capitaliste est revenue comme un boomerang, brisant les espoirs de ceux qui croyaient que cette pandémie nous apporterait les preuves de la nécessité de transformer le monde. Cette réalité, c’est celle de la crise économique qui frappe aujourd’hui le monde entier avec des perspectives graves de contraction de l’économie  : augmentation du chômage et précarisation des conditions de vie. Ainsi, depuis le début de la crise actuelle, 750 000 emplois ont été détruits au Royaume-Unis, 1,69 millions aux États-Unis et plus de 500 000 en France.

Les mandarins du capitalisme appellent à tous les efforts possibles pour sauver l’économie et les profits capitalistes, dont l’un des vecteurs est la « reprise » de la consommation pour relancer la croissance. Les conséquences sociales de cette crise sont déjà désastreuses pour les travailleurs alors que nous commençons seulement à entrer dans la zone de turbulence. Le sauvetage du système est la priorité, reléguant le réchauffement climatique à un problème de moindre importance, alors qu’il s’agit ici du sort de l’humanité.

2. Réchauffement climatique : causes et conséquences

L’effet de serre a pour caractéristique de piéger le rayonnement infrarouge émis par le soleil sur la Terre grâce aux gaz constituant l’atmosphère. Sans son action, les scientifiques estiment que la température à la surface du globe aurait été inférieure de 33 °C à celle d’aujourd’hui. L’effet de serre a eu une action bénéfique pour le développement de la vie animale et végétale, et donc pour l’émergence de l’espèce humaine. Sans ce phénomène, la vie aurait été tout autre, sans aucune ressemblance avec ce que nous connaissons aujourd’hui. Mais depuis la révolution industrielle, les activités humaines (industrie, agriculture, transport…) ont engendré la libération d’une grande quantité de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère tels que le CO2, le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O). Les arbres ont besoin du CO2 pour pouvoir se développer par le mécanisme de la photosynthèse, mais la déforestation contribue à réduire la capacité de la planète à absorber ce gaz. Tous les mécanismes naturels d’absorption du CO2 (forêts, sols, océans) sont surpassés par les volumes émis par l’activité humaine. À titre de comparaison, la quantité totale des GES était évaluée à 270ppm(2) à la fin du XIXe siècle, elle est aujourd’hui de 400ppm. Il s’agit de la concentration la plus élevée depuis 800 000 ans et de nos jours elle est essentiellement due à la combustion des énergies fossiles (pétrole , gaz naturel, gaz de schiste). Selon les calculs des climatologues, si l’espèce humaine arrêtait d’émettre totalement des GES demain, il faudrait un siècle pour voir réduire de moitié la quantité de ces gaz.

Le résultat de cette hausse des GES est un accroissement du réchauffement climatique qui fait consensus parmi la communauté scientifique. Depuis l’ère industrielle, la moyenne des températures de la surface du globe a augmenté de 0,8°C. Ce chiffre peut paraître faible et pourtant, cela signifie pour la planète des dérèglements climatiques aux conséquences tragiques : sécheresses, feux de forêt, fonte des glaciers, de la banquise (−30 % en un siècle) et du permafrost(3) (qui au passage libère des GES accentuant le réchauffement climatique), augmentation du niveau des océans (+3,3 mm par an), augmentation des phénomènes climatiques extrêmes (tempêtes, typhons, tornades et cyclones), augmentation des crues.

Les estimations des scientifiques du GIEC(4) tablent sur une hausse des températures comprises entre 1,1°C et 6,4°C d’ici 2100. Le niveau des océans devrait augmenter d’un mètre d’ici cette date. Certains météorologues désignent la période géologique actuelle sous le nom d’anthropocène(5), c’est-à-dire un temps géologique où l’influence de l’être humain est devenue une force majeure. Certaines régions du monde sont plus affectées que d’autres. Le réchauffement climatique exerce une forte pression sur l’arctique, ce qui accélère la fonte de la calotte glacière groenlandaise, laquelle inonde les océans en eau douce déstabilisant la régulation climatique et thermique.

Les écosystèmes sont déjà très affectés. Le CO2 excédentaire se dissout dans les océans et les rend plus acides. Sous l’impact de cette modification, des espèces telles que des planctons et des coquillages disparaissent, ce qui affecte la totalité de la chaîne alimentaire sous-marine. Les périodes de floraison sont modifiées et les maladies des arbres se répandent. Les aires de répartition des animaux se modifient. Des adaptations physiques vont apparaître comme la réduction de la taille, pour mieux résister à la chaleur. Mais au vu de la vitesse des changements climatiques, des efforts d’adaptation deviendront inopérants. Selon le dernier rapport du GIEC, une augmentation de 2°C provoquerait une extinction de 20 à 30 % des espèces. L’impact est donc massif et irréversible.

Les conséquences pour l’espèce humaine sont déjà évidentes et s’accéléreront au fur et à mesure de la hausse de la température. Les projections des scientifiques deviennent de plus en plus fiables même s’il reste une grande part d’incertitude. Cinq facteurs principaux s’en dégagent sur le devenir de la biodiversité : dégradation et destruction des habitats, changement climatique, diminution de la disponibilité des éléments nutritifs, surexploitation des ressources biologiques et développement d’espèces invasives.

Les activités humaines seront sous la pression de ces changements avec la baisse du rendement agricole et l’extension des zones infestées par les maladies infectieuses comme le choléra ou le paludisme. L’altération de la qualité de l’air, en particulier dans les grandes zones urbaines avec un fort trafic routier, entraîne une augmentation des maladies liées aux voies respiratoires. Selon l’ONG humanitaire DARA, le nombre de mort lié à la pollution atmosphérique, à la faim et aux maladies en lien avec le réchauffement climatique s’élèverait à 5 millions par an dans le monde.

Sur le plan des relations internationales, le réchauffement climatique accentuera les tensions dans une situation déjà sous pression. Cette situation entraînera une instabilité mondiale accrue et des risques de conflits notamment pour la gestion des ressources en eau (eau potable, agriculture et hydroélectricité). On compte 20 à 30 millions de réfugiés climatiques localisés essentiellement en Afrique. Ces migrations subies alimentent les idées nationalistes et d’extrême droite que ce soit dans le monde « occidental » ou dans les régions directement impactées. Les populations d’Afrique qui subissent sévèrement la sécheresse migrent vers les zones urbaines et côtières. Cette concentration de population augmente la concurrence pour l’accès aux ressources et génèrent des conflits. C’est sur ce terreau notamment que prospèrent les groupes d’extrême droite islamistes.

3. Au commencement était l’énergie

Le fort développement de la société qui a permis d’atteindre le niveau que l’on connaît aujourd’hui, s’est fait prix d’une augmentation exponentiel de la consommation d’énergie. Au commencement des premières civilisations, l’être humain utilisait l’énergie qui lui était directement disponible : la force de ses bras et de ses jambes, le vent, l’eau, les bêtes pour l’agriculture etc. Avant l’avènement de l’ère industrielle, notre espèce utilisait uniquement des énergies « renouvelables » dont les techniques de production étaient ingénieuses mais rudimentaires et peu productives. À partir du XVIIIe mais surtout au XIXe siècle, soit lors de l’avènement du capitalisme, la science et la technique ont fait un grand bond en avant. De nouvelles machines sont inventées, alimentées à partir de sources d’énergie fossiles telles que le charbon, le pétrole et le gaz très peu utilisé avant cette période charnière. Elles vont constituer la cause principale des problèmes environnementaux d’aujourd’hui. Nous sommes passés en un siècle à une production reposant sur une énergie 100% « renouvelable » à une production dépendant quasiment à 100 % des énergies fossiles. Ces nouvelles sources d’énergie vont décupler la productivité et permettre un accroissement des forces productives. À titre de comparaison, l’énergie totale consommée en moyenne dans le monde par personne et par an correspond à 22 000KWh(6) et 77 000KWh pour les États-Unis. Sachant que le corps d’un être humain absorbe 0,1KWh, il lui faudrait 220 000 ans pour absorber la même quantité d’énergie consommée moyenne dans le monde et 770 000 ans pour celle des États-Unis.

Des énergies fossiles, la première qui a été utilisée massivement dans l’industrie est le charbon. Elle reste encore à ce jour très la source principale pour la production d’électricité avec 66 % de la production mondiale. C’est même la source d’énergie qui a le plus augmenté en 2018, 11 fois plus que le solaire et 5 fois plus que l’éolien. Il est important de noter que la société d’aujourd’hui est si consommatrice d’énergie que lorsqu’une nouvelle forme d’énergie apparaît, elle ne vient pas se substituer à une plus ancienne mais s’ajouter à celle-ci, si bien que la consommation de charbon depuis la « révolution » industrielle n’a fait qu’augmenter. Le phénomène est identique pour n’importe quelle matière première. Aujourd’hui le pétrole représente 50% de l’énergie consommée, loin devant les énergies « renouvelables ». Le principal défaut des énergies fossiles est qu’elles sont constituées d’éléments carbonés, c’est-à-dire que leur utilisation par combustion libère du CO2 dans l’atmosphère.

Mais elles ne sont pas les seules. En l’état actuel de nos connaissances, toutes les sources d’énergie et les techniques utilisées pour produire de l’électricité émettent du CO2. On sait exactement quantifier les émissions de GES par source d’énergie :

Source d’énergie

Quantité de CO2 émise

Charbon (énergie fossile)

1000g/KWh

Pétrole (énergie fossile)

800g/KWh

Gaz (énergie fossile)

400g/KWh

Énergies « renouvelables »

40 à 250g/KWh

Nucléaire (uranium)

10g/KWh

Source : BP statistical review 2018

Bien qu’elle suscite le rejet dans les milieux militants, l’énergie nucléaire est la moins polluante du point de vue des émissions de GES. D’autres problèmes entrent en ligne de compte qui seront développés plus loin. Il faut par exemple 1g d’uranium pour produire la même quantité d’énergie que le ferait 1 tonne de pétrole. L’emprunte carbone des énergies renouvelables est lié à leur dépendance vis-à-vis des énergies fossiles dans tous le processus de fabrication des moyens de production d’énergie (extraction métaux, acheminement, fabrication …)

Les conditions d’existence d’une partie de l’humanité ont été améliorées par l’augmentation des forces productives. Mais les technologies qui ont permis un bond en avant de la productivité sont dépendantes des ressources qu’elles consomment. En d’autres termes, le maintien des niveaux de vie actuel est dépendant de la quantité d’énergie disponible. De même, la puissance des États et des entreprises est dépendante de l’accès à l’énergie. Leur contrôle est la principale cause des conflits internationaux, raison pour laquelle les zones riches en énergie fossile sont l’objet d’âpres tensions impliquant les principales puissances économiques mondiales.

Au fur et à mesure que les gisements de pétrole s’amenuisent, il faut en trouver de nouveaux avec des coûts d’extraction qui doivent rester rentables, quitte à détruire l’environnement et les écosystèmes à proximité. L’augmentation du prix du baril rentabilise de nouvelles techniques d’extraction particulièrement néfastes, comme celle issue des sables bitumineux qui rejettent 3 à 5 fois plus de GES que les puits conventionnels ou le gaz de schiste dont les fluides permettant la fracturation hydraulique sont toxiques pour l’environnement. Quoi qu’il en soit, quels que soient leurs techniques d’extraction, leur coût ou leur impact écologique, les énergies fossiles présentent un problème insoluble : la planète en contient une quantité finie. Au rythme de consommation actuel, cette quantité sera épuisée en quelques générations.

4. Fission nucléaire et gestion des déchets

Avec la publication de la théorie sur relativité restreinte montrant l’équivalence entre l’énergie et la masse, Einstein a ouvert la voie aux travaux sur l’énergie nucléaire, bien malgré lui en ce qui concerne l’utilisation militaire qui en a été faite par la suite. Plusieurs décennies plus tard après cette publication, nous avons appris à produire de l’énergie à partir des atomes. Le principe des centrales nucléaires actuelles, quelle que soit leur génération, repose sur la fission de l’atome d’uranium. Ce phénomène dégage une très grande quantité d’énergie sous forme de chaleur permettant de faire tourner une turbine couplée à un alternateur produisant de l’électricité.

L’atout majeur du nucléaire est qu’il faut une faible quantité d’uranium pour produire une grande quantité d’énergie, si on compare au pétrole, ce qui permet d’émettre peu de GES. Cela comprend tout le cycle, de l’extraction de l’uranium au recyclage des déchets (radioactif et non radioactif), en passant par la production d’électricité. Le défaut majeur est la gestion des déchets fortement radioactifs et/ou de longue période radioactive, c’est à dire dont la durée de vie peut s’étaler de plusieurs centaines à plusieurs milliers d’années. L’exposition à ces déchets est très dangereuse -voire mortelle- pour les organismes vivants. Une exposition prolongée mais non mortelle expose à des risques de cancer.

Au fur et à mesure du temps, ces déchets s’accumulent et leur gestion demande une logistique complexe. La très longue période de radioactivité en fait un « héritage » empoisonné pour les générations futures. En outre, notre expérience à travers l’histoire du nucléaire civil a démontré les risques et le l’irresponsabilité dans certains cas à gérer les déchets, eu égard à leur dangerosité. Ce problème exige une vision à très long terme, incompatible avec l’immédiateté du système capitaliste qui demande une rentabilité à court terme. Durant la période 1946-1993, une partie des déchets étaient tout simplement rejetés en mer, jusqu’à une interdiction par un traité international. L’idée qui sous tendait cette pratique était que la mer représentait un barrage « relatif » à la radioactivité, ce qui est juste, et qu’il y aurait une lente dilution grâce à la protection des barils dans lesquels les déchets sont confinés. Or les barils subissent l’érosion de l’eau de mer salée et la dilution n’a rien de maîtrisé. D’autre part, la dilution ne peut fonctionner qu’à partir du moment où il y a une quantité finie de déchets qui est déversée dans la mer, ce qui n’est absolument pas le cas. Entre 1966 et 1969, l’Angleterre et la Belgique ont déversé leurs déchets au large de la manche dans la fosse des Casquets au nord l’île de Guernesey. On dénombre 28 000 fûts dans cette fosse d’une profondeur de seulement 100 à 163 m. L’AIEA (Agence Internationale de l’Énergie Atomique) a fait une exploration et des prélèvements révélant d’une part que les fûts sont rongés par la rouille et, d’autre part, qu’il y a la présence de plutonium à des niveaux extrêmement inquiétants dans la faune et l’environnement sous-marin. Il y a la présence de particules radioactives telles que les radionucléides qui se transmettent dans la chaîne alimentaire. Ces particules ont pour conséquence de provoquer des mutations des cellules susceptibles de provoquer des cancers et de se transmettre aux générations suivantes.

Aujourd’hui, depuis l’interdiction des rejets de barils en mer, les centres de retraitement doivent traiter les déchets ou les stocker. Mais des atomes dis « peu radioactifs » se retrouvent sous forme liquide après retraitement et sont rejetés en mer via un tuyau, toujours sur le principe de la dilution. Cela a pour avantage d’être moins visible par la population et les militants antinucléaires. C’est le cas par exemple du centre de retraitement des déchets nucléaires de la Hague Orano (anciennement Areva) : les déchets traités sont évacués via un tuyau de 5Km de long. La réglementation impose un seuil de radioactivité maximale des rejets mais laisse la responsabilité à l‘entreprise d’effectuer le contrôle des niveaux de radioactivité et à communiquer les résultats auprès de l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire), c’est-à-dire d’effectuer sa propre surveillance. Comment peut-on faire confiance à des entreprises dont le but est d’être le plus rentable possible ?

La France a largement investi dans le nucléaire lui permettant d’être le deuxième pays en puissance électrique nette après les États-Unis et premier par nombre d’habitants. Cette stratégie a été adoptée par la classe dirigeante française au lendemain de la seconde guerre mondiale notamment en raison de la pauvreté du sous-sol français en ressources énergétiques et renforcé par le « choc pétrolier ». Le développement du nucléaire lui permettait de maintenir une relative souveraineté énergétique, bien que l’uranium provienne de gisements situés au Canada, en Australie, au Kazakhstan et surtout au Niger, ancienne colonie française. La multinationale Orano y exploite l’uranium en bénéficiant d’avantages fiscaux certains.

Il y aurait un moyen de réutiliser les déchets émis par la production d’énergie nucléaire. Le CEA (commissariat à l’énergie atomique) avait un projet nommé Astrid qui visait à construire un réacteur nucléaire à neutrons rapides (RNR) de 4ème génération. L’idée était de consommer les stocks accumulés d’uranium 238 issues de la fission de l’uranium 235 et de recycler les déchets nucléaires les plus radiotoxiques. Or ce type de réacteur nécessite des infrastructures conséquentes demandant beaucoup d’investissement. Le cours de l’uranium étant trop faible actuellement, il n’est pas d’opportunité économique de poursuivre son développement. Voilà où nous mène la logique capitaliste.

L’énergie nucléaire est une énergie dangereuse et qui malheureusement est soumise aux lois du capital, c’est-à-dire de la rentabilité et du profit. Dans bien des cas, il y a de sérieux écarts sur les aspects de sécurité tant des sites que du personnel, comme le recours au travail intérimaire pour des tâches à fortes expositions. La gestion des déchets représente un coût incompatible avec le profit maximum. Les trois plus importants accidents que sont Three Mile Island aux États-Unis, Tchernobyl en Ukraine et Fukushima au Japon ont eu des dégâts catastrophiques sur la population et l’environnement. Ces événements alliés à la menace des armes nucléaires ont eu pour conséquence de développer une opposition face au nucléaire. Selon l’institut de sondage Statista, en 2016 64 % des Français avait une opinion négative de l’énergie nucléaire.

5. Alternative à la fission : la fusion

Alors que la fission nucléaire est basée sur le principe de l’éclatement de l’atome, des projets en cours de recherche et développement tentent de créer de l’énergie par fusion atomique. Par exemple, le projet ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) qui regroupe plus de 35 pays parmi lesquels la France et dont le développement se situe sur le site de Cadarache non loin d’Aix en Provence. Il fonctionne sur le principe de la fusion d’isotope(7) d’hydrogène : le deutérium et le tritium. En quelque sorte, il s’agit de reproduire l’énergie du soleil, sous forme miniature mais en 10 fois plus chaud et avec une production de déchets nucléaires très faibles.

Le combustible, deutérium et lithium à partir duquel on réalise le tritium, est en très grande abondance sur Terre, notamment dans l’eau de mer. La fusion permettrait à partir d’un litre d’eau de mer de produire la même quantité d’énergie que le ferait 360 litres d’essence. Ainsi, l’eau contenue dans une baignoire suffirait à produire la quantité d’énergie nécessaire a un individu pendant 30 ans. Voilà pourquoi il existe une certaine frénésie autour de cette énergie qui offrirait à qui la possède une puissance colossale. Cette perspective permet à ces projets de bénéficier de larges financements. Par exemple, ITER depuis ces débuts en 2010 a bénéficié de plus de 20 milliards d’euros de financements.

Il y a 3 candidats à la fusion nucléaire, chacun d’eux présente des approches et techniques différentes pour fusionner la matière  : la Z Machine (striction axiale) , le Laser Mégajoule (confinement inertiel laser) et ITER (confinement magnétique). Ces 3 projets sont mis en concurrence afin d’évaluer la technique la plus réalisable. La difficulté se trouve dans le fait de devoir produire l’énergie suffisante pour atteindre 150 millions de degrés Celsius et gérer la matière qui se trouvera sous forme de plasma. À une telle chaleur, il faut pouvoir isoler le plasma des parois du réacteur, par exemple par confinement magnétique, ce qui représente une grande part de la difficulté technique.

Le type de réacteur du projet ITER est le Tokamak dont l’origine était un projet soviétique initialisé dans les années 50 mais qui n’avait pu aboutir. La Chine qui est partie prenante d’ITER a mis en service son premier Tokamak en décembre 2020. Cet évènement la place parmi les pays en tête sur la recherche de la fusion nucléaire. Le principe de produire de l’énergie à partir de la fusion est aussi « ancien » que la fission mais a souffert d’un manque de volonté d’investir suffisamment dans la recherche et le développement.D’une part, lors de la période de la guerre froide, le nucléaire civil offrait l’avantage de produire du plutonium 239 à partir de la fission de l’uranium 235. Or le plutonium 239 est le combustible pour les bombes atomiques et à hydrogène. Le développement du nucléaire civil était donc stratégique pour les États dotés de l’arme nucléaire pour constituer des stocks de plutonium. Ce qui n’est plus vrai aujourd’hui tant la quantité de plutonium est conséquente. D’autre part, la mise en œuvre de centrale dont le réacteur est basé sur le principe de la fission est beaucoup moins complexe que ceux basés sur la fusion.

Cependant, les concepteurs mettent en avant le moindre danger et la maîtrise de la réaction nucléaire par fusion par rapport à la fission. La réaction thermonucléaire a besoin de conditions très spécifiques pour qu’elle puisse se produire. Si un défaut survient alors la réaction s’arrête d’elle-même, ce qui évite tout risque d’emballement, contrairement aux centrales actuelles. La fusion ne produit quasiment pas de déchets en soi. Cependant, les parois de protection du réacteur sont rendus radioactives par le bombardement des neutrons et nécessiteraient plusieurs centaines d’années pour retomber à leurs niveaux initiaux après utilisation. Pour le moment, la technologie de la fusion est loin d’être au point. Les rendements sont négatifs, c’est-à-dire qu’il faut plus d’énergie pour provoquer la réaction de fusion qu’elle est en mesure d’en produire. Il faudra attendre encore plusieurs dizaines d’années avant d’avoir une centrale prête à l’emploi.

6. La fausse solution des  énergies « vertes »

Souvent présentées comme l’alternative « verte » aux énergies fossiles, les faits démontrent que derrière cet halo propagandiste, il existe une autre réalité des énergies « vertes » et « renouvelables ». Selon l’IEA (International Energy Agency) la part des énergies « renouvelables » pourrait passer au niveau mondial de 21 % en 2012 à 33 % en 2040.

L’espérance d’un monde plus propre qui serait obtenu en basculant du moteur thermique au moteur électrique s’effondre face aux analyses et aux chiffres. Par exemple la production d’une voiture électrique consommerait 3 à 4 fois plus d’énergie qu’un véhicule conventionnel selon une étude de l’UCLA (Université de Californie). Ensuite, avoir un véhicule électrique ne résout pas les problématiques liées à la production de cette électricité. Un véhicule électrique que l’on recharge par un réseau dépendant du charbon ne libère pas des énergies fossiles. C’est la raison pour laquelle, en fin de cycle de vie, la voiture électrique n’aurait produit que 25 % de pollution en moins. Ces chiffres peuvent varier suivant la source d’énergie pour produire l’électricité nécessaire aux batteries : si elle provient des centrales à charbon alors l’impact carbone est supérieur. Et ces calculs ne tiennent pas compte du recyclage des batteries.

À l’heure actuelle, nous ne savons pas stocker l’électricité en grande quantité, ce qui signifie qu’il faut savoir anticiper la consommation pour mettre à disposition sur le réseau la quantité suffisante d’énergie. Trop d’électricité serait du gaspillage, pas assez provoquerait la panne. Une idée souvent avancée est que les technologies numériques aident à la gestion et à la réduction de la consommation d’énergie par le biais de nouvelles pratiques comme dans le cadre du travail (réunion à distance, télétravail etc). Cependant, l’utilisation des technologies numériques consomme 10 % de la production mondiale d’électricité. À titre indicatif, l’envoie d’un e-mail avec une pièce jointe de 1Mo consommera 25Wh, émettra 20g de CO2 et sera l’équivalent de la consommation de 6g de pétrole. Dans le domaine des télécommunications comme la téléphonie mobile, le lancement de nouvelles infrastructures à plus haut débit engendre une consommation d’énergie supplémentaire. Si cela offre des perspectives de profits pour les capitalistes, l’augmentation de la production pour mettre sur le marché de nouveaux téléphones compatibles au nouveau protocole induit une augmentation de la pollution (extractions des minerais, fabrication, transport, déchets…).

Tout comme les technologies numériques, les moyens de production d’énergie « renouvelables » ont besoin de métaux que l’on appelle les « terres rares » et elles sont dépendantes des énergies fossiles pour leur extraction et transformation. Par conséquent, l’utilisation des technologies contenant des terres rares ne réduit pas considérablement l’utilisation des énergies fossiles. De plus, elles n’ont rien de « renouvelable » : la quantité de ces minerais présente sur terre est limitée. Avec les technologies actuelles, un parc automobile mondial exclusivement électrique est impossible pour la simple raison que la quantité de ces minerais présente sur planète ne serait pas suffisante pour produire la quantité de batteries nécessaire.

Les panneaux photovoltaïques ont besoin de silicium.Les aimants contenus dans les rotors des éoliennes pour transformer l’énergie mécanique en énergie électrique peuvent contenir un alliage de bore et de terres rares. On estime que les éoliennes sont constituées de 1 tonne de ces métaux . Les métaux rares ont des propriétés chimiques qui assurent les fonctions vitales d’un véhicule électrique. Ils représentent près de la moitié de son poids. Le passage au tout électrique nécessite le renforcement du réseau électrique, c’est-à-dire l’utilisation massive de cuivre. Les méthodes d’extraction de ces métaux sont très polluantes. Dans le cas des terres rares les conséquences environnementales sont désastreuses : rejets de métaux lourds, pluies acides, eaux contaminées… De plus, ces métaux sont naturellement associés à des éléments radioactifs. Ainsi, leur séparation génère de la radioactivité. Les matériaux composant ces moyens de production d’énergie ne sont pas « durables ». En quelque sorte, l’utilisation de ces technologies revient à délocaliser la pollution sur les sites d’extraction très éloignés des lieux d’utilisation. Le recours de ces technologies afin de réduire l’impact environnemental local accroît les inégalités en termes de pollution entre les pays utilisateurs et les pays ou les régions producteurs des métaux. De la même manière on retrouve cette inégalité dans l’exploitation de la main d’œuvre dont les conditions de travail sont désastreuses. Les méthodes d’extraction les exposent à des substances toxiques qui ont un impact certain sur leur santé.

Enfin, la gestion des déchets et le recyclage s’avère calamiteuse. La difficulté vient du fait qu’il faut désallier les métaux par des techniques complexes, coûteuses et fortement polluantes en ayant recours à des produits chimiques. L’économie capitaliste ne peut se satisfaire de telles contraintes. Or le développement des technologies « vertes » font que l’exploitation des carrières et des mines s’intensifie. On estime à plusieurs centaines de millions de tonnes l’extraction des métaux pour les nouvelles technologies, ce qui n’augure rien de réjouissant du point vue écologique dans les années à venir. Au final, ces technologies pourraient amener plus de problèmes qu’elles n’en résolvent.

Les éoliennes représentent un symbole de production d’énergie « verte ». Hormis le fait que certaines sont contiennent des terres rares, les pales des éoliennes actuellement en opération sur le terrain sont constituées de 6 tonnes de matériaux composites thermodurcissables. Des matériaux qui leur permettent d’allier résistance et légèreté. Or ces matériaux ne sont pas recyclables. La durée de vie d’une éolienne peut varier de 10 à 30 ans. En Europe les parcs éoliens ont commencé à se multiplier au début des années 90. Les éoliennes les plus anciennes sont désaffectées au fur et à mesure constituant des déchets non recyclables en grande quantité. À ce stade, elles ne sont pas les promesses de la production d’énergie « propre ». Il faudrait pour cela investir d’avant dans la recherche et le développement afin de minimiser au maximum l’impact carbone de la production d’éolienne.

L’image « verte » dont bénéficient toutes ces technologies provient d’une campagne de greenwashing savamment orchestrée par des multinationales de l’énergie, qui investissent dans le secteur dans le but de redorer leur blason. D’un autre côté, les promesses d’un marché en expansion attire de plus en plus d’entreprises qui, sous prétexte de mener la guerre au réchauffement climatique, sont avant tout motivées par les profits potentiels qu’elles pourraient engranger. En réalité, l’idée de transition énergétique correspond à une transformation de l’économie de la production d’énergie. Le développement d’un marché étiqueté « vert » se développe sur la nécessité de pallier à la raréfaction annoncée des énergies fossiles et accentuant le côté marketing en quête de clients soucieux de leur conscience écologique. Ces deux aspects sont des éléments d’importance qui motivent en premier lieu les multinationales de l’énergie (General Electric, Engie…) pour opérer leur transition et continuer à prospérer. Tant que l’énergie sera une marchandise, ce secteur sera soumis inéluctablement à la voracité des capitalistes. Il est navrant de voir des organisations ou parti prétendument écologistes, telles que Greenpeace ou EELV qui se soumettent à la marchandisation de l’énergie, focalisées sur le seul critère de l’environnement sans voir les intérêts économiques qui motivent l’investissement dans ce secteur. De toute évidence capitalisme et gestion durable de l’environnement ne sont pas incompatibles pour eux. Pire, elles deviennent les ambassadrices d’un lobby, qui présente hypocritement un capitalisme écologiquement responsable.

7. L’hydrogène : la solution miracle ?

Parmi les secteurs les plus émetteurs de GES, les transports occupent une place de premier plan. Le transport routier est responsable de 35% des émissions de carbone et 56 % de monoxyde d’azote (NO2) très nocif pour les organismes vivants. L’hydrogène pourrait être le bon candidat au remplacement du moteur à essence sachant que le moteur à combustion d’hydrogène ne rejette que de l’eau. De plus, cette énergie est présente en abondance et facilement stockable en grandes quantités contrairement à l’électricité. Les avantages sont toujours accompagnés d’inconvénients : l’hydrogène (H) n’existe pas à l’état pur sur Terre, il faut pouvoir l’isoler des autres molécules, par exemple le dissocier de l’oxygène contenu dans la molécule d’eau (H20). Cette dissociation peut se faire au moyen d’une électrolyse, processus qui nécessite … de l’électricité. Par conséquent, l’énergie à hydrogène est aussi durable que l’énergie qui a permis d’obtenir l’atome d’hydrogène à l’état pur.

La pile à combustible est l’une des manières d’exploiter l’atome d’hydrogène. Pour produire de l’électricité, la pile utilise deux éléments, l’hydrogène et l’oxygène, séparé dans deux compartiments différents. Au moyen d’un catalyseur, une réaction chimique se produit, qui permet la migration des atomes d’hydrogène vers le compartiment de l’oxygène. Cette circulation créée alors un courant électrique. La recombinaison des atomes qui en découle créée également de l’eau. L’excédent d’électricité produit à partir de la pile pourrait être utilisé pour produire de l’hydrogène au moyen de l’électrolyse.

Ces solutions sont déjà envisagées pour le transport terrestre. Pour la navigation ou le transport aérien, la combustion à hydrogène offre de meilleures perspectives de développement du fait de la complexité à électrifier un navire ou un avion. Lorsque cette technologie sera mature, les armateurs et les compagnies aériennes deviendraient alors moins dépendantes des énergies fossiles. C’est notamment une des raisons pour lesquelles l’État français a récemment investi 7,2 milliards d’euros dans le secteur de l’aéronautique pour le développement de cette technologie, permettant au passage de garantir des perspectives de profits sous couvert de relancer l’économie pour sauver l’emploi et l’activité.

8. Le capitalisme est incompatible avec la préservation de l’environnement

La machine climatique s’emballe, les indicateurs sont au rouge. Chaque émission de GES à des conséquences qui s’évaluent sur le très long terme. Plus ou moins conscient de la tragédie qui se prépare, les dirigeants des pays les plus pollueurs, soucieux de l’impact environnemental, social, économique et politique ont organisé des conférences sous l’égide de l’ONU à partir de 1988. Depuis, ces conférences ont donné lieu notamment au Protocole de Kyoto, signé en 1997 et visant à la réduction des émissions de GES, et l’accord Paris (COP 21) qui introduit la notion de neutralité carbone, c’est-à-dire que toute émission de GES doit être contrebalancée par une captation d’autant. Pour quels résultats ? Les émissions n’ont jamais cessé d’augmenter.

En réalité, il y a un antagonisme qui oppose l’économie capitaliste à la préservation de la nature. Le mode de production capitaliste pour fonctionner implique une croissance perpétuelle, ce qui signifie l’exploitation des ressources jusqu’à les épuiser. La croissance et les perspectives de profits qui y sont liées sont des éléments moteurs de l’économie et pour l’alimenter, la consommation des marchandises mises sur le marché est nécessaire. Concurrentes, les entreprises se livrent une guerre économique pour s’accaparer les parts de marché. Réduire le coût d’une marchandise, notamment par l’augmentation de la productivité, est l’arme qui permet de vaincre la concurrence. Les capitalistes appellent cela la compétitivité.

La puissance d’un État capitaliste vient de sa capacité (industrie, finance, commerce, service…) à dominer le marché international. Par conséquent, c’est son niveau de productivité qui va déterminer sa puissance à savoir sa capacité à inonder le marché de marchandises moins chères que ses concurrents. Cette production non contrôlée est la source des émissions de GES. Dès lors, il paraît peu probable qu’un gouvernement capitaliste puisse prendre des mesures radicales contre la pollution, c’est-à-dire prendre des mesures qui auraient un impact sur le coût de production et qui par conséquent affecterait l’économie nationale car ce seraient alors les parts de marché et les profits capitalistes qui s’évaporeraient. Il y aurait une déstabilisation économique détruisant une masse conséquente d’emplois accompagnée de toutes les conséquences sociales que cela engendrerait. L’équation n’a pas de solution, et les dirigeants doivent composer avec. La classe capitaliste n’admettrait pas que les mesures environnementales viennent entraver les profits. Les pressions capitalistes qui s’exercent sont si fortes qu’il est impossible au sein du système sociétal actuel d’imposer une réduction drastique des émissions de GES.

Pour fonctionner, le système a besoin de produire et vendre pour atteindre un niveau de croissance suffisant qui puisse générer des profits. Ce qui signifie que la consommation des marchandises mise en vente sur le marché est le carburant du système. Cette situation est visible dans la crise liée à la pandémie du Covid-19. Les capitalistes ont besoin de débouchés pour la production de leurs marchandises. Les économistes les plus en vogue en appelle à une relance keynésienne de l’économie, c’est-à-dire à une relance de relance de la consommation et un soutien massif aux entreprises. Or la production et la consommation de marchandise qu’implique le système capitaliste est incompatible avec une gestion durable de l’environnement. La reprise économique signifie l’exploitation irraisonnée des ressources et des énergies pour produire les marchandises.

L’obsolescence programmée est l’une des tares du mode de production capitaliste, c’est-à-dire limiter la durée de vie des marchandises pour favoriser leur renouvellement. Par exemple, dans certain cas, la qualité est optimisée par exemple au moyen d’un programme s’il s’agit d’un matériel comportant de l’électronique de telle manière à provoquer de fausses pannes. Dans d’autres, l’évolution technologique impose une rupture qui rend obsolète les technologies de l’ancienne génération. La concurrence entre les entreprises les pousse à mener des campagnes de publicité pour être le plus visible possible. C’est un budget important pour certaines entreprises. Par exemple, dans le secteur du transport (automobile, compagnies aériennes…) le budget alloué en 2019 par les compagnies françaises est estimé à 5,1 milliards d’euros. C’est une dépense considérable en travail humain et en énergie qui a un impact carbone important et pour seule finalité de faire connaître une marchandise. Si l’on devait comptabiliser la masse de marchandises mise sur le marché totalement inutile à l’humanité et évaluer les conséquences environnementales que leur production engendre alors ce calcul serait une vision d’horreur. Nous sommes loin d’avoir épuisé la liste des aberrations de ce genre, souvent difficiles à percevoir tellement nous en sommes imprégnés. Les travailleurs sont prisonniers d’un mode de production, dont le niveau d’activité dépend de la consommation. Plus cette dernière est élevée, plus le carnet de commande des entreprises augmentent, plus les capitalistes réalisent de profits et plus le marché du travail est favorable aux travailleurs. C’est un drôle de contrat social qui signifie que pour assurer de l’emploi, il faut détruire la nature. C’est la parfaite illustration que le capitalisme est une impasse pour l’humanité, devenu totalement anachronique.

Une des réponses « techniques » face à la menace climatique consisterait à créer des puits de carbone comme le sont les forêts. La déforestation pour l’expansion agricole, la recherche d’énergie fossile ou l’exploitation du bois ne contribue pas à créer des solutions « naturelles ». Soucieux de conserver leur mode de production, les capitalistes n’en sont pas moins inquiets des conséquences du changement du climat. La géo ingénierie prétend pouvoir résoudre le problème en agissant sur certains paramètres régulateurs du climat. Par exemple, la société Intellectual Venture propose une solution qui consisterait à injecter des particules directement dans la stratosphère et qui aurait pour particularité de réfléchir une partie du rayonnement solaire sur la terre. Cette méthode est issue des connaissances scientifiques sur les éruptions volcaniques qui ont permis de mesurer l’impact des particules rejetées dans l’atmosphère sur le climat. Nous basculons ici directement dans le domaine de l’ingénierie. Malheureusement le niveau des connaissances scientifiques sur les mécanismes régulateurs du climat est trop insuffisant pour venir jouer les apprentis sorciers du climat. La géo-ingénierie tente de répondre au besoin du système, de résoudre les problèmes menaçant l’humanité sans changer le mode de production et de consommation. C’est également un nouveau marché potentiellement porteur tout comme l’est le business des énergies renouvelables.

9. Vers quel modèle de société pour préserver la planète?

La course au contrôle des énergies, associée à l’impact du réchauffement climatique et de la crise économique engendre une situation explosive entre les rivaux impérialistes. La guerre est une des s perspectives probable du système capitaliste.

La condition préalable pour sortir de cette impasse consiste à abolir la propriété privée des moyens de production et d’échanges. Ce qui signifie ni plus ni moins que le renversement du système. L’infrastructure productive et financière doit être extirpée des mains des capitalistes afin d’être socialisée et gérée démocratiquement par les travailleurs. Il en est de même avec le régime parlementaire « démocratique » qui en définitive n’est qu’une institution politique au service de la société de classe. Le communisme c’est la gestion démocratique de la société par les travailleurs qui constitue la quasi-totalité de la population, tant sur le plan économique que politique. Tant que survivra le règne de la concurrence, il sera impossible de trouver des solutions pérennes aux problèmes environnementaux. Le capitalisme est un système basé sur l’exploitation des ressources jusqu’à épuisement, l’exploitation du travail salarié et la guerre économique et militaire. Comment les enjeux écologiques dépourvus d’intérêts économiques peuvent-ils se frayer un chemin face à tous ces obstacles ?

Le communisme dans son sens véritable aura pour tâche de rationaliser la production calquée sur les nécessités réelles et suivant un schéma soutenable. En d’autres termes, il faudra limiter le plus possible le recours aux technologies basées sur les énergies fossiles. Le défi est colossal tant notre appareil productif en dépend. C’est le rôle de la planification démocratique de l’économie, celle qui associe les travailleurs dans le processus de décision. Elle aura pour vertu de conscientiser les travailleurs qui seront à la fois producteurs et consommateurs de l’impact de la production et de la consommation sur l’environnement. De cette manière, il sera plus aisé de modifier les modes de consommation et de production en connaissance de cause.

L’un des objectifs principaux sera la destruction de la division de classe pour partager de façon équitable l’ensemble des immenses richesses produites par l’ensemble de la société, aujourd’hui accaparées par une extrême minorité de capitalistes . L’abolition de la propriété capitaliste permettra la mise en commun des richesses et le partage du travail. La conséquence en sera de réduire les inégalités, améliorer les conditions de travail, particulièrement pour les pays les plus pauvres. Le capitalisme induit comme motivation principale, l’accumulation des possessions matérielles individuelles. Il n’est nullement difficile à comprendre que plus un individu achète des biens plus les capitalistes s’enrichissent. Il s’agit d’en finir avec cette vision archaïque. Or la société nouvelle permettra une élévation du niveau culturel des citoyens et permettra d’en finir avec cette vision archaïque. Le capitalisme impose une mode de production et de consommation très énergivore proportionnel au niveau de développement.

Selon le dernier rapport de l’ONG Oxfam, les 10 % les plus riches de la planète émettent 52 % des GES de par leur mode de consommation. Le communisme sous l’ère du réchauffement climatique n’aura pas pour objectif de permettre à l’ensemble de la population d’accéder au niveau de vie de ces 10 % mais d’améliorer les conditions d’existence tout en adoptant un mode de production soutenable. Certains secteurs d’activités inutiles, qui n’ont d’autres buts que de produire pour créer de la valeur seront supprimés. En effet, le capitalisme produit tout un arsenal de marchandises totalement inutiles qui polluent l’environnement et provoquent des épidémies de maladies chroniques parmi les populations, tels que la malbouffe, les objets « goodies » en plastique à des fins publicitaires, les pailles en plastiques… Leurs maintiens ne font que contribuer à menacer l’humanité.

La société devra être organisée sur de nouveaux critères comme celui de l’aménagement de l’espace urbain et des transports. Le transport automobile individuel a supplanté les transports collectifs pour des raisons de rentabilité et de profits. Il y a nécessité de développer des technologies qui tournent le dos aux énergies fossiles et d’inverser totalement la tendance en privilégiant des modes de transports pauvres en émission de GES. Par exemple, en favorisant le ferroviaire qui connaît une décroissance pour les petites lignes au profit uniquement des grandes lignes. Le transport de marchandises n’a pas de logique rationnelle en termes de trajets, uniquement celui du profit maximum. Le rôle du fret ferroviaire est fondamental dans le transport de marchandises. Il doit considérablement croître, autant que possible, au détriment du transport routier considérablement plus polluant. À titre d’exemple, un trajet Paris-Lyon en voiture émettra 79,49Kg de CO2 tandis qu’en train ce sera seulement de 1,49Kg. Le déplacement des marchandises est destructeur pour l’environnement. Le rôle de la planification sera de résoudre toutes ces contradictions en relocalisant des productions si nécessaire afin de limiter les déplacements.

La question est de savoir quelle technologie utiliser pour assurer les fonctions vitales de la société. Au regard de ce qui a été décrit précédemment, il est clair que les énergies fossiles doivent être substituées à d’autres moins émettrices de GES. La réponse n’est pas évidente car entre les énergies renouvelables faussement « vertes » et la dangerosité du nucléaire ou la gestion des déchets, il n’existe pas de solution miracle. La production d’énergie engendre nécessairement de la pollution. Dépourvue de la loi du profit et des intérêts économiques particuliers, la société communiste devra associer la connaissance scientifique, l’ingénierie, la planification économique et écologique pour trouver les solutions indispensables afin de réparer les dégâts engendrés par le mode de production passé et actuel. La connaissance scientifique doit nous permettre de mieux comprendre la nature. La société débarrassée de l’intérêt privé pourra investir massivement dans la recherche plutôt que l’innovation à but lucratif. La transformation des conditions d’existence doit intégrer dans son équation la gestion durable de la planète et cela implique de profondes transformations, de l’organisation de la société, de l’humain, de l’économie, de la connaissance et de la technologie pour à la fois réduire la consommation d’énergie et en même temps trouver des moyens de produire de l’énergie ayant le minimum d’impact sur l’environnement. Le réchauffement climatique concerne l’ensemble des pays du monde. Les pays les plus puissants en sont aussi les plus gros contributeurs. L’internationalisme est partie intégrante du communisme, c’est-à-dire la transformation des rapports sociaux à l’échelle internationale. Cette approche est indispensable pour s’attaquer à ce problème à une aussi grande échelle. Le communisme est le seul en mesure d’apporter des solutions qui puissent allier la réponse sociale, économique et environnementale pour l’ensemble de la population en anéantissant l’intérêt économique privée, les guerres associées et en mobilisant les ressources considérables de la société, c’est-à-dire en utilisant le savoir et l’intelligence collective pour la transformation de la société.

Gauthier HORDEL

2 ppm est une fraction massique qui signifie partie par million, par exemple 1ppm signifie 1mg de x contenu dans 1Kg de y

3 Le permafrost est la partie du sol qui est en permanence gelée. On le trouve dans les hautes latitudes mais aussi les hautes altitudes

4 GIEC : groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat. Est une organisation de l’ONU crée en 1988

5 Terme popularisé par le météorologue et chimiste Paul Jozef Crutzen, prix Nobel de la paix en 1995. Ce terme fait toujours l’objet de discussion au sein de la communauté scientifique

6 Le Kilowatt heure (ou Watt heure) est une unité d’énergie

7 Les atomes sont constitués de particules élémentaires qui sont les protons et les neutrons. On dit que deux atomes sont isotopes s’ils possèdent le même nombre de protons mais que le nombre de neutrons diffère. Par exemple, il y a 4 isotopes de l’hydrogène dont le deutérium et le tritium

One thought on “Réchauffement climatique et énergie: l’impasse capitaliste

  1. Très bon texte sur l’avenir de l’humanité, mais aura t-on le temps de faire tout ça avant une 3ième guerre mondiale car le capitalisme est déjà dans une crise très dur et qui va s’amplifier, c’est ça la grande question aujourd’hui.

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