Octobre rouge en Amérique Latine

Santiago du Chili, contestation Plaza Baquedano le 29 novembre 2019. Alberto Valdes/EFE/SIPA

Le mois d’octobre dernier a vu éclater dans plusieurs pays d’Amérique du Sud des révoltes contre la corruption et le diktat économique néolibéral imposé par le FMI ou directement par les Etats-Unis et des impérialismes historiques.

 Le rôle destructeur du FMI.

Si les États-Unis ont desserré leur emprise sur la région en lâchant les différents dictateurs qui opprimaient les différents peuples pour leur compte, l’essentiel de la domination US fut conservé, à travers l’économie, par le biais du FMI. Les Plans d’Ajustement Structurel (PAS) s’inscrivent dans une logique libérale fondée sur le « consensus de Washington ». Inspiré de l’idéologie de l’école de Chicago, il préconise entre autres une stricte discipline budgétaire, une réorientation des dépenses publiques vers des secteurs à fort retour sur investissements, une libéralisation du commerce extérieur et des contre-réformes en faveur des capitalistes. Le système fonctionne ainsi : profitant de la chape de plomb politique imposée par les dictateurs, les grandes multinationales états-uniennes veulent s’implanter sans risque de payer des impôts ou même d’avoir à respecter des lois étatiques au sud du Rio Grande, font appel à Washington qui, en vertu de la doctrine Monroe considère les terres au sud de sa frontière comme territoires non incorporés des USA, utilisent le FMI comme outil afin de forcer les pays de la région à libéraliser, privatiser et au final se vendre au plus offrant tant qu’il est états-unien !

Le Chili ou l’achèvement de la révolte contre Pinochet

Depuis le 7 Octobre, une révolte enflamme le Chili. L’étincelle qui a mis le feu aux poudres est la hausse des prix des tickets de bus et de métro (il faut avoir en tête que s’il n’atteint pas 1€, sur place la hausse équivaut à 30 Pesos sur des prix qui sont déjà entre 700 et 800 Pesos.) décidée la veille par un panel de technocrates. Ce sont les étudiant.e.s qui pourtant payent moins (200 à 300 Pesos) qui se sont soulevé.e.s pour mettre le holà. Il faut dire que les étudiant.e.s et les jeunes en général sont les premières victimes des politiques néolibérales initiées par Pinochet à partir de 1974 et son arrivée au pouvoir grâce à un coup d’état soutenu par les USA. Alors qu’en Europe la jeunesse se bat pour le maintien de l’enseignement supérieur public, au Chili c’est pour la nationalisation de l’enseignement supérieur qu’ils et elles se battent. Les frais d’inscription à l’Université dépassent par exemple le million de pesos du fait de son statut privé. Ainsi, une grande partie du peuple chilien est obligée de vivre à crédit. Pour aller à l’Université les étudiant.e.s sont obligé.e.s de contracter un crédit auprès de l’Etat, ou dans les banques privées. Le remboursement de l’emprunt commence parfois durant les études mais le plus souvent à partir de l’entrée dans la vie active. C’est en réalité un engrenage qui rend la population débitrice du système bancaire et souvent à vie. Selon la Banque Centrale chilienne, trois quarts des ménages sont endettés. L’énergie, la santé, l’éducation appartiennent toutes au domaine privé (l’électricité avait augmenté de près de 10 % cette année). Le quotidien des chilien.ne.s appartient aux multinationales et aux… fonds de pensions US, autrement dit le prolétariat états-unien est réduit à tenter d’avoir de meilleures retraites en volant l’avenir et les retraites des chilien.ne.s: (et plus généralement des pays du Sud). Ces dernier.e.s ont dans la plupart des cas une retraite inférieure au salaire minimum de 301.000 pesos (371 euros) et sont contraint.e.s de travailler pour des salaires bas dans des conditions précaires!

De plus, les Chilien.ne.s sont obligé.e.s de placer 10 % de leurs salaires en vue de leurs retraites sur des comptes gérés par six entités privées, les Administrations des Fonds de Pension (AFP). Celles-ci placent le tiers des cotisations en Bourse ou dans de grandes entreprises, sous forme d’investissements à très bas taux d’intérêt. Seulement 40 % des cotisations sont redistribuées sous forme de retraites dont les montants sont déterminés par la fluctuation des marchés. Unique au monde, ce système rapporte d’énormes bénéfices aux AFP. Pourtant, selon une consultation organisée par les syndicats, une large majorité de Chilien.ne.s rejette ce système. En 2017, plus de 90 % des retraites sont inférieures à 233 dollars mensuels (210 euros) . Pendant ce temps, et selon les Nations Unies, 1 % des Chilien.ne.s les plus riches détiennent plus de 25 % des richesses du pays. Le salaire de l’élite, notamment des politiciens, est 33 fois plus haut par rapport à celle de la population. Le président Sebastian Piñera est un milliardaire qui possède près de 2,5 milliards de dollars. Ancien de la Banque Mondiale, il est comme ses prédécesseurs partisan de la politique menée par le dictateur Pinochet. Il est le digne héritier des Chicago boys qui ont transformé le Chili en laboratoire du néolibéralisme. Pour maintenir ce système l’armée est une grande alliée. Ainsi dès le début du mouvement l’état d’urgence est instauré, les blindés sont de retour dans les grandes villes du pays, les cas de tortures et de viols se multiplient selon la commission des droits de l’homme de l’ONU. Depuis le début du mouvement on a dépassé les 50 morts. Pour s’en sortir Pinera ainsi que la  caste politique locale  a accepté un changement de constitution.

Argentine, élections entre crises économiques et ingérences multiples

Cette année 2019 fut une année électorale pour les argentin.ne.s. Le système électoral national a ceci de particulier qu’il y a une sorte d’écrémage des candidatures. Ce sont les primaires, une sorte de sondage grandeur nature. Ainsi dix candidatures étaient présentes dont deux candidatures communistes révolutionnaires. Au bout de cette primaire qui a eu lieu le 11 août, quatre candidates ont été éliminées dont l’une des deux candidatures communistes révolutionnaires qui ont manqué de 0.80% leur investiture, Manuela Castanera du Nuevo MAS.  Mais le principal c’est que le président libéral Mauricio Macri fut largement battu, par 47.79% contre 31.80% en faveur d’Alberto Fernandez, le candidat de centre gauche. La réaction des grands capitalistes ne s’est pas faite attendre : les marchés financiers ont tenté de faire peur aux argentin.e.s avec une chute du Peso et une hausse du dollar, en organisant une fuite de capitaux entraînant une dévaluation de la monnaie. Et ce dans un contexte déjà très délicat. Le contrôle des changes qui limitait les risques de secousses venues de l’étranger a dès l’arrivée de Macri été supprimé. De plus, un changement de politique monétaire aux USA a gravement touché le pays. Par ailleurs, il a lié le pays aux règles du FMI en faisant plus d’austérité en échange d’un prêt de 57 milliards de dollars. Le chômage est à 10%, l’inflation est galopante, atteignant 50% en 2018. Le prix du gaz et de l’électricité a augmenté de 2000 % le ticket de bus de 6%. Enfin quelques jours avant les présidentielles, c’est le fasciste brésilien Bolsonaro qui a tenté de menacer les argentin.ne.s. Ce qui ne les a pas effrayés, répondant par une victoire des kirchnéristes par 47,79%. Le candidat communiste révolutionnaire rescapé des primaires Nicolas Del Cano, du FIT Unidad/PTS a obtenu 2.83%

Il ne faut pas se tromper, le retour des kirchnéristes n’arrangera rien car comme toutes les formations de centre-gauche ces derniers voudront rester dans la légalité des financiers du FMI et de la banque mondiale et que seul le prolétariat guidé par des partis de classe comme le FIT, le Nuevo MAS, ou en partie le PC Argentin pourra renverser la table.

 L’Equateur, ou la trahison de Lenin Moreno

Le 1er octobre dernier, en conformité avec les exigences mortifères du FMI (à qui il a emprunté 10 milliards de dollars en février dernier) et de la Banque Mondiale, le président équatorien Lenin  Moreno a pris une série de mesures  en contradiction avec celles prises par son prédécesseur membre du même parti, Rafael Correa. Parmi celles-ci, on peut compter la réduction de 20 % des salaires des contractuel.le.s dans le secteur public, la suppression de 15 des 30 jours de congés payés annuels des fonctionnaires et l’obligation pour eux de travailler un jour par mois sans rémunération. Les prix du carburant ont été augmentés de près de 125 %, alors que les impôts sur la sortie des capitaux du territoire sont diminués, une mesure bénéficiant essentiellement aux plus riches. Dès le lendemain, des manifestations sans précédent depuis vingt ans, ont eu lieu à l’appel des syndicats et des associations amérindiennes du pays.

Le 8 octobre, Lenin Moreno se réfugie à Guayaquil, seconde ville du pays réputée plus favorable au président. Cependant, le 13 octobre il est obligé de céder sur le prix du carburant au prix d’une dizaine de morts. La principale organisation indigène cédera sur la démission du président et l’abandon de la politique autoritaire.

Depuis son accession au pouvoir, Moreno a totalement abandonné la politique sociale de Correa pour celle des États-Unis, pro-capitaliste et totalement dépendante par rapport à Washington. Il est allé jusqu’à donner Assange aux États-Unis et à dénoncer la politique menée précédemment par Correa. Il a restreint les dépenses publiques, facilitant les privatisations et livrant le pays aux cours d’arbitrage (cours de justice permettant au secteur privé de punir la puissance publique d’avoir osé restreindre la capacité de profit dudit secteur). D’un point de vue extérieur, il se réaligne sur les États-Unis en se retirant de l’ALBA (Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique, Organisation politique, culturelle et sociale basée sur la défense de l’écologie et des droits de l’homme) au profit de l’Alliance du Pacifique, sous-ensemble régional réputé  plus conservateur basé uniquement sur l’économie.

Le maintien de Moreno est un échec pour les mouvements de gauche équatoriens car ils n’ont pas pu, su ou voulu faire tomber le président alors que dans la région les haïtien.ne.s, les hondurien.ne.s et maintenant les chilien.ne.s se battent pour cela.

J-S B, PCF 92

 

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