Macron, ce rassembleur contre lui-même …

Les émeutes urbaines qu’a connues Paris samedi 2 décembre sont dues en dernière analyse au pourrissement avancé de la crise capitaliste en France et dans le monde. Cet état de marasme économique  explique l’acharnement du gouvernement à mener ses contre-réformes à leur terme (augmentation de la taxe du carburant, augmentation drastique des frais d’inscription à l’université pour les étudiants étrangers) et à justifier les réformes qu’il a déjà installées (suppression de l’ISF, augmentation de la CSG etc).

La  vitesse et l’enchaînement des projets de loi plus réactionnaires les uns que les autres ont laissé le pays –et notamment le mouvement ouvrier- comme tétanisé, à l’image d’un boxeur qui se prend coup sur coup alors qu’il est coincé par son adversaire dans un coin du ring.

Seulement, le gouvernement semble avoir fauté par excès d’assurance. Sûr de ne pas trouver d’opposition de la part de syndicats qu’il sait affaiblis, il paraît surpris par cette réaction spontanée des masses, prenant son origine immédiate dans la hausse de la taxe des carburants mais exprimant  ras-le-bol social beaucoup plus profond. C’est donc symptomatique à la fois de la faiblesse des organisations du mouvement ouvrier et de l’arrogance sans limite du gouvernement.

La  dernière contre-réforme significative a été la mise en place de l’impôt à la source. Si cette mesure n’est pas réactionnaire en soi, sa modalité d’application l’est du fait de l’obligation faite aux salariéEs de déclarer leurs situations familiales pour profiter du meilleur taux, mettant une partie de leurs données privées entre les mains de leurs exploiteurs. Les syndicats qui ont opposé des arguments constructifs sur des moyens de rendre cette modalité de prélèvement plus respectueuse de la vie familiale des salariéEs se sont une nouvelle fois heurté au mépris le plus total du gouvernement.

Plus qu’un signe de force, les victoires successives du gouvernement sont plutôt dues à la faiblesse de l’adversaire, à la  division et la confusion régnant au sommet des organisations ouvrières

Plus qu’un signe de force, les victoires successives du gouvernement sont plutôt dues à la faiblesse de l’adversaire, à la  division et la confusion régnant au sommet des organisations ouvrières. Cela n’a pas empêché Emmanuel Macron et Edouard Philippe de céder à une certaine ivresse de leur propre puissance . En cherchant à aller jusqu’au bout de la  réforme de la hausse de la taxe du diesel, ils veulent conjurer le sort fait à l’éco-taxe tentée en son temps par François Hollande et stoppée par le phénomène des «bonnets rouges» bretons.

Seulement, l’erreur grave du gouvernement actuel a été de deux types. Primo, il n’a pas compris la portée du caractère national du mouvement des «gilets jaunes». Tout le pays semble touché, y compris dans les DOM-TOM et plus spécifiquement l’île de la Réunion. Secundo, si la colère sociale accumulée était déjà forte sous Hollande, la conscience collective de l’injustice fiscale, sociale et territoriale semble toucher des sections de plus en plus larges de la société, accentué par les sorties régulières de Macron, qui sonnent comme une provocation.

Il est vrai que l’entrée en politique soudaine de fractions de la population jusque-là éloignées du sujet mène inévitablement à ramener à la surface son lot d’idées, de préjugés et d’actes racistes, homophobes et sexistes. Il reste néanmoins  clair que la plupart des revendications des «gilets jaunes» portent des idéaux de progrès social. Les organisations ouvrières sont à la marge par rapport à ce mouvement et, sans le rejeter, ne savent pas encore par quel bout le prendre.

Cette colère sociale qui jaillit au grand jour et l’absence de coordination avec les organisations de gauche constitue un grand danger pour le gouvernement

Cette colère sociale qui jaillit au grand jour et l’absence de coordination avec les organisations de gauche constitue un grand danger pour le gouvernement. La condition pour que les « corps intermédiaires » soit un gage de stabilité pour la classe dirigeante est qu’ils obtiennent de celle-ci des concessions améliorant un tant soit peu les conditions de vie du plus grand nombre. L’aggravation extrême de la crise capitaliste fait qu’il est impossible en l’état actuel pour la classe dirigeante de lâcher quoi que ce soit aux syndicats, sous peine d’ouvrir un processus qui ne pourra que lui échapper. Les directions réformistes perdent alors leur crédibilité au yeux des travailleurs : ils n’ont à négocier que des reculs. D’un autre côté, la base des organisations du mouvement ouvrier sent bien que ce mouvement des « gilets jaunes », malgré certes des éléments racistes et xénophobes à la marge, porte des revendications qu’elles ont toujours portées pour la plupart.

Les communistes ne peuvent rester spectateurs d’un tel mouvement. La condition pour pouvoir y participer semble être pour l’instant encore le renoncement aux attributs politiques (drapeaux, badges, autocollants, etc). Soit. L’important est dans les idées que peuvent apporter les communistes. Sur le plan organisationnel, l’expérience militante peut être précieuse (rédaction d’appel, organisation d’assemblée populaire, etc). Sur le plan politique, leurs idées peuvent aider à déjouer les pièges du patronat et de l’extrême droite. La présence de communistes permettra de soutenir les propositions revendicatives qui vont dans le bon sens, qui peuvent parfois être radicales (à Lorient : nationalisation du secteur bancaire et de l’énergie, démission Macron, de nouvelles institutions plus démocratiques, etc)

Seule une participation active, constructive, fraternelle pourra permettre une reconnaissance permettant à celui ou celle qui porte les idées communistes d’être reconnuE

Seule une participation active, constructive, fraternelle pourra permettre une reconnaissance permettant à celui ou celle qui porte les idées communistes d’être reconnuE. Après quelques jours et semaines d’actions communes, et en suivant ces principes, les communistes apporteront toute leurs expérience à ce mouvement, et en retireront la vitalité réjouissante qui en émane.

RB (PCF Saint-Denis)

BC (PCF Lorient)

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