Emmanuel Macron n’a pas trainé pour mettre en place sa politique de régression sociale. Dès son arrivée au pouvoir, il a commencé à casser le Code du Travail par ordonnances. Maintenant il s’attaquera à d’autres conquêtes sociales qui « entravent » les capitalistes. Plusieurs projets sont dans les tuyaux : contre-réforme de la formation professionnelle, contre- réforme de l’assurance chômage, détricotage du système de retraite, révision et fusion de conventions collectives, poursuite de la casse des services publics, privatisations, etc.
La casse de la formation professionnelle
La formation professionnelle permet d’acquérir un métier, soit par un diplôme (ministère de l’Education Nationale), soit par un titre professionnel (ministère du Travail). Le salarié formé acquiert la connaissance de son métier et du processus de production dans le secteur concerné. Ceci lui permet d’évoluer et, parfois, de faire jouer la concurrence entre employeurs. La qualification est reconnue par certaines conventions collectives qui obligent l’employeur à rémunérer les salariés correctement, comme dans la convention de la métallurgie par exemple. L’employeur est obligé de reconnaitre le savoir-faire acquis selon une grille de salaires. Ceci est inacceptable pour les capitalistes. Emmanuel Macron veut y mettre fin.
Après une « concertation » (c’est à dire une réunion où l’on écoute les syndicats avant de donner raison au MEDEF), le gouvernement va revoir de fond en comble la formation professionnelle, en cassant les titres et les diplômes, pour que le salarié ait une formation qui ne concerne que son poste de travail. Par exemple si, aujourd’hui, je suis soudeur, je maitrise plusieurs types de soudure, ce qui me permet d’évoluer ou de changer de poste en fonction des salaires proposés. Après la réforme, je ne serais formé qu’au type de soudure qui correspond à un poste donné. À moins de trouver un poste strictement équivalent ailleurs, je pourrais difficilement postuler chez un autre employeur. Le salarié devient captif de son employeur.
Ce n’est pas la seule régression de ce projet. Actuellement, les privés d’emploi ou les salariés peuvent accéder, sous certaines conditions, à des formations, via les Conseils Régionaux ou via les FONGECIF (dont les moyens ont été réduits par la loi Rebsamen). Par exemple, il y a beaucoup d’aides soignantes qui ont passé une formation de trois ans pour devenir infirmières. Mais le gouvernement envisage de faire en sorte qu’un euro cotisé débloque un euro de formation. En clair, je ne pourrais accéder à une formation qu’en fonction du temps que j’ai cotisé. Il me sera donc quasi impossible d’accéder à des formations longues. Or, ce sont précisément les formations longues qui permettent d’obtenir un diplôme ou un titre ! Avec mon maigre budget « personnalisé », je ne pourrais accéder qu’aux formations les moins chères, délivrant des « compétences » sans grande valeur sur le marché du travail.
Cette contre-réforme, assez technique et loin des préoccupations les plus pressantes pour les salariés, permet de voir la logique des attaques du gouvernement et du MEDEF : rendre les salariés encore plus malléables et à la botte du patronat ! Ainsi, quand on regarde la volonté du gouvernement de réformer les conventions collectives, déjà minées par les ordonnances de Macron, tout devient clair !
Dans la branche métallurgie…
Il y a jusqu’à présent au moins une convention de la métallurgie par région voire par département. La CGT propose la fusion de ces conventions sur la base de la meilleure d’entre elles. Et le gouvernement souhaiterait une « négociation » avec l’UIMM, la fédération métallurgie du MEDEF, qui demande à ce que les conventions prévoient un salaire correspondant à un poste de travail et non plus à un métier. Cela tombe bien puisque la contre-réforme de la formation professionnelle prévoit la formation à un poste de travail et non plus à un métier. Un salaire correspondant au poste implique que le salarié, indépendamment de son ancienneté et de ses acquis professionnels, sera payé uniquement en fonction de son poste de travail. Bien pratique pour les employeurs, surtout avec les ordonnances prévoyant l’imposition de la mobilité géographique ou professionnelle aux salariés.
Diminution des cotisations ou baisse des salaires ?
Une autre contre-réforme néfaste est celle de la baisse des cotisations salariales. Emmanuel Macron prétend pouvoir augmenter les salaires grâce à cette baisse, qui serait compensée par une augmentation de la CSG. La hausse de la CSG sera plus visible pour les retraités et les fonctionnaires, mais ne se verra pas pour les salariés du privé qui, par la suppression de certaines cotisations salariales, verraient leur salaire net augmenter très légèrement. Mais qu’est-ce que cela cache ?
À la sortie de la seconde guerre mondiale et par la présence de ministres communiste dans le gouvernement provisoire (dont Ambroise Croizat), le salaire payé par les patrons a été décomposé en plusieurs parties. Le salarié retient avant tout le chiffre du salaire net, puisqu’il correspond à l’argent qui lui est immédiatement disponible. Mais il y a aussi le salaire brut. La différence entre le net et le brut, aussi appelé « salaire socialisé », est composée des cotisations salariales et des cotisations dites patronales, mais qui sont elles aussi payées grâce à notre travail. Ce salaire socialisé a pour but de mutualiser une partie du salaire pour nous permettre de bénéficier d’une continuité de revenus lorsque nous sommes malades, victimes d’un accident du travail ou de maladies professionnelles, au chômage, à la retraite, etc. Ces cotisations sont basées sur un principe simple, mais très important pour nous : « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ». Quelles que soient mes cotisations, quand je suis malade, j’ai accès au système de santé et j’ai droit au versement d’une indemnité. La baisse du salaire brut, quand bien même il se traduirait par une petite augmentation du salaire net, est donc un leurre puisqu’il ampute d’autant la part du salaire socialisé.
Au départ, la gestion de ces cotisations a été confiée aux salariés via leurs représentants élus. Ce contrôle a été progressivement vidé de sa substance. Actuellement, les salariés n’élisent plus leurs représentants, et les patrons ont fait pression pour intégrer la gestion des caisses, en parité avec les représentants salariés. Mais ils veulent aller plus loin encore. L’un des moyens les plus sûrs serait de transférer les cotisations vers l’impôt. La hausse de la CSG et la fin de certaines cotisations en sont des exemples. La fiscalisation du financement de la sécurité sociale, c’est à dire le passage de son financement par les cotisations à son financement par l’impôt, aboutirait à évincer les salariés de la gestion de la sécurité sociale. En effet, la CSG est gérée directement par l’État. Quand les cotisations auront été remplacées par l’impôt, c’est l’État qui gérera l’utilisation des recettes et non plus les syndicats salariés et patronaux. Au sujet de la sécurité sociale, Ambroise Croizat disait avec justesse : « Ne parlez pas d’acquis sociaux, mais de conquêtes sociales parce que le patronat ne désarme jamais ».
Retraites menacées
Cela va de pair avec la contre-réforme des retraites, qui viserait à modifier le calcul des pensions. Emmanuel Macron veut passer d’un système par répartition basé sur les vingt-cinq meilleures années à un système de points. Là encore, c’est un peu technique aux yeux du grand public, mais le but est le même que pour le reste : réduire le « salaire socialisé » et permettre ainsi de baisser la masse salariale. En mettant en place un système de points, nous cotiserons non pas pour un futur droit à la retraite, mais directement pour un montant de pension. Avec la mise en place de points, votre pension dépendra de la valeur du point qui sera fixé par l’État en fonction de « l’évolution économique » et le montant des cotisations versées. Ainsi, une dégradation de la conjoncture économique pourrait se traduire par une baisse de la valeur du point et donc du montant des pensions.
L’assurance chômage
L’assurance chômage n’est pas en reste. Le gouvernement veut en finir avec le paritarisme et faire baisser, voire supprimer, les cotisations. L’un des moyens pour faire baisser les cotisations est de rayer beaucoup de chômeurs des statistiques. L’idée de suivre les demandeurs d’emploi et de vérifier s’ils recherchent bien un emploi a trois objectifs. Cela réduit artificiellement le nombre de chômeurs, diminue les dépenses en supprimant leurs indemnités et les oblige à accepter des emplois précaires et mal payés. On parle de 200 000 ou 500 000 offres d’emplois non pourvues. Mais il y a plus de six millions de privés d’emploi. Et lorsque l’on regarde de près ces offres, il y a parfois 4 ou 5 annonces pour le même poste.La plupart des offres sont pour des contrats courts, à temps partiel et très mal payés.
Toutes ces contre-réformes ont une logique évidente, elles s’imbriquent les unes avec les autres et prolongent celles de Sarkozy et Hollande. Emmanuel Macron a l’intelligence de s’attaquer par des biais relativement techniques, peu évidents pour l’ensemble des salariés, et avec des mesures dont les conséquences ne se verront que plus tard. Il serait difficile de mobiliser massivement contre l’attaque de la formation professionnelle, par exemple. Les conditions de vie et de travail vont se dégrader davantage. À un certain stade, les salariés ne pourront plus accepter cette régression permanente. Pour l’arrêter, il faudra une mobilisation massive, des grèves importantes. Mais il faudra aussi un programme à la hauteur des enjeux. Tant que les capitalistes détiennent le pouvoir économique, on ne trouvera pas de solution définitive. Pour vraiment mettre un terme à la régression sociale, il faudra surtout s’en prendre à sa cause profonde : le système capitaliste.
Sylvain Roch CGT et PCF 19