Les firmes pharmaceutiques prétendent que la société leur est redevable. Elles se targuent d’investir des milliards dans la lutte contre les maladies. Elles justifient ainsi leurs bénéfices comme un honnête retour sur investissement, en particulier ceux de recherche et développement. Or, dans l’industrie pharmaceutique comme ailleurs, le moteur économique est la réalisation d’un maximum de profits. Cela crée un conflit d’intérêts entre une minorité qui souhaite s’enrichir et la santé du plus grand nombre. La santé de leurs « clients » ne leur importe que dans la mesure où un médicament qui a des effets bénéfiques se vendra plus facilement – et rapportera plus d’argent. L’affaire du Médiator, entre autres, illustre que la vente d’un médicament peut se poursuivre des années après l’apparition des premières preuves de sa nocivité. Combien de médicaments nocifs sont encore commercialisés ? Combien l’ont été et combien le seront, tant que persiste ce conflit d’intérêts ?
De plus, des domaines entiers de la recherche sont pratiquement abandonnés pour la simple raison que le coût de fabrication, du développement à sa production, serait supérieur aux bénéfices escomptés. Ce coût est d’ailleurs loin d’être celui affiché par les grandes firmes. De plus grandes sommes d’argent sont employées à stimuler la demande : elles dépensent en moyenne deux fois plus pour la promotion commerciale que pour la recherche. A ces dépenses s’ajoutent les dividendes, parmi les plus élevés, toutes industries confondues. Dans les pays développés, les profits des laboratoires pharmaceutiques se font grâce à l’argent public. Parce qu’ils bénéficient d’aides publiques (crédits d’impôt, subventions publiques directes, etc.), mais surtout en raison du remboursement des médicaments par le système d’assurance maladie. Pour leur majeure partie, les dividendes correspondent à de l’argent public redistribué aux actionnaires.
Constatant qu’il existe une recherche mais pas de production publique, les dirigeants du PCF avancent l’idée d’un pôle public du médicament. Il viserait à « concurrencer le secteur privé ». De notre point de vue, cette revendication est insuffisante. D’abord parce qu’il est illusoire de croire que le secteur public puisse concurrencer efficacement le privé dans l’arène du libre marché, sauf s’il accepte de fonctionner sur les mêmes critères que le privé. Ensuite, parce que même si cette concurrence public-privé se mettait en place, cela se ferait au détriment des salariés du privé, déjà confrontés à des plans de licenciement. Plutôt que de recréer une filière publique de toutes pièces, il suffirait de s’approprier l’outil productif déjà existant et de mettre en place une gestion démocratique par les salariés et la population. Cela implique de s’attaquer à la propriété capitaliste. Cette expropriation aurait de nombreuses conséquences positives :
1) Elle permettrait de réduire considérablement le coût des médicaments. D’abord parce que sans actionnaires, pas de dividendes à verser. Ensuite, car les raisons qui expliquaient la nécessité du marketing disparaitraient. Sans objectif de rentabilité financière, l’information délivrée n’a plus à être biaisée pour vendre le médicament à tout prix. L’argent englouti dans la publicité et par les actionnaires pourrait être mobilisé à d’autres fins, dont la baisse des prix des médicaments et la formation sans conflit d’intérêts des soignants.
2) Elle dynamiserait la recherche. Libérés des entraves de la rentabilité, les domaines de la recherche jusque-là quasiment inexplorés car non « rentables » seraient ouverts aux scientifiques. Les programmes de recherches scientifiques seraient financés à la hauteur des enjeux de santé publique. En faisant tomber le cloisonnement de la recherche privée, l’ensemble des programmes pourrait être coordonné. Les capacités de recherche déjà existantes seraient décuplées.
3) L’« offre » de médicaments serait simplifiée en supprimant les médicaments dangereux, inutiles et les (nombreux) doublons. Au lieu des noms accrocheurs attribués par les laboratoires pour mieux les vendre, les médicaments seraient nommés selon leur Dénomination Commune Internationale (DCI), plus claire pour les professionnels de santé.
4) Au-delà des frontières, cela permettrait de répondre aux besoins des pays dits « en voie de développement ». Chaque année, ce sont des millions de personnes qui meurent faute de soins. La santé mondiale pourrait être améliorée en quelques mois sur la base de ce que nous savons déjà, mais dont sont privés des millions de personnes. Produire des médicaments utiles en quantité suffisante et les rendre accessibles à un prix très faible, pour ne pas dire gratuitement, devrait être la priorité absolue de toute société dite « civilisée ». Au passage, cela porterait un coup fatal au trafic de contrefaçons. Enfin, la société se donnerait les moyens de lancer des programmes de recherche sur les maladies endémiques de ces pays, comme le paludisme ou la dengue, qui font chaque année des millions de victimes.
Boris Campos PCF 56