Après les législatives, où va le PCF ?

Les résultats des législatives 2017 pour le PCF et FI nous offrent l’occasion de faire une analyse de la situation. Au 1er tour, les résultats pour ces deux organisations sont les suivants : 11,02% pour France Insoumise et 2,76% pour le PCF au niveau national. Si nous les regardons de façon plus détaillée, nous voyons sur les 16 élus FI qui constituent le groupe France Insoumise à l’Assemblée (le 17e est du PCF appartenant au groupe GDR à l’Assemblée, mais élu avec l’étiquette FI), 13 avaient un candidat PCF contre eux au 1er tour. Par contre, sur les 11 élus communistes appartenant au groupe GDR seulement 4 avaient un candidat FI face à eux au 1er tour. Cela montre clairement qu’il y a une dynamique positive pour FI, tandis que le PCF est en dynamique négative. Lors de la présidentielle, avec un PCF largement en retrait, soutenant Jean-Luc Mélenchon, le bon résultat de ce dernier l’a mis en position de force par rapport au PCF concernant les législatives. FI pouvait imposer ses conditions notamment via sa charte qui réduisait la possibilité de candidatures communes. Quant au PS, il s’effondre avec un résultat de 7,44% au 1er tour, passant de 280 députés en 2012 (331 avec la majorité présidentielle) à 30 aujourd’hui.

Ces résultats, que les médias présentent comme un « séisme politique », sont finalement dans l’ordre des choses. Ils suivent une certaine logique que nous avions anticipée. Nous vivons dans une période de crise économique, sociale et politique profonde. Dans le cadre du capitalisme, fondé sur la propriété privée des moyens de production et d’échange, le pouvoir économique de la classe capitaliste et plus important que le pouvoir des gouvernements. La minorité capitaliste contrôle les grands leviers de l’économie et exerce, de ce fait, une pression très forte sur le gouvernement pour qu’il agisse dans son intérêt. Tout gouvernement qui accepte le système capitaliste et ne remet pas en cause ces fondements est obligé de se soumettre à ces lois implacables, indépendamment de la couleur politique du gouvernement en question.

La crise économique accentue la concurrence entre capitalistes. Dans ce contexte, l’austérité devient une nécessité vitale pour préserver la « compétitivité » des entreprises et garantir la rentabilité du capital. Les profits des capitalistes augmentent, en imposant les conséquences de la crise aux travailleurs, aux étudiants, aux chômeurs et retraités. Les conquêtes sociales sont devenues intolérables du point de vue des capitalistes, qui doivent les détruire. Pendant son quinquennat, François Hollande n’a fait que suivre cette inéluctabilité. Lui et son gouvernement n’ont fait que dégrader les conditions d’existence de la vaste majorité de la population. Ceci explique l’effondrement électoral du PS, qui a ouvert un boulevard à la droite. La stratégie d’Emmanuel Macron a été de brouiller les cartes, en prétendant casser les clivages droite/gauche pour supplanter la droite, en tirant profit des affaires dans lesquelles François Fillon s’est empêtré. De ce point de vue, Emmanuel Macron a été très intelligent. Il représente la droite sans en avoir l’étiquette, imposant une nouvelle configuration à l’échiquier politique. Il est désormais le représentant officiel des capitalistes, comme en témoigne l’attitude du MEDEF à son égard.

En ce qui concerne le PCF, il subit le même phénomène de discrédit des « vieux partis ». Le PCF est bien souvent associé au PS, participant à des listes communes dans diverses élections (municipales, régionales etc…), et ne se distinguant pas suffisamment du point de vue programmatique. De nombreux travailleurs considèrent que le PCF est adapté au système capitaliste et ses institutions et ne le voient pas comme un parti de changement révolutionnaire.

FI a tiré son épingle du jeu en se présentant comme une nouvelle organisation en rupture avec le modèle des « vieux partis ». Déjà à l’époque du Parti de Gauche, dont FI n’est qu’une émanation, et puis avec le M6R (Mouvement pour une VIe république), Mélenchon se présentait comme une alternative radicale au PS, tranchant avec l’idée de « rassemblement » à toutes les sauces, prônée par les dirigeants du PCF. D’un point de vue stratégique, cela s’est avéré gagnant.

Il y a peu de temps, on a pu observer un phénomène assez similaire en Grèce. Le PASOK (parti socialiste grec) s’est effondré après son passage au pouvoir en appliquant une politique d’austérité drastique. Mais à la différence près que cette austérité a généré une série de grèves générales sur laquelle Syriza, bien distincte du PASOK, a pu s’appuyer pour arriver au pouvoir.

Jean-Luc Mélenchon n’est pas responsable de l’affaiblissement du PCF. Les résultats électoraux du parti découlent de la contraction progressive de sa base militante et sociale depuis de nombreuses années. Le recul du parti résulte de la faillite politique et stratégique de sa direction réformiste. Pendant la période qui a précédé l’élection présidentielle, Pierre Laurent, le secrétaire national, s’est rallié dans un premier temps à l’idée d’une primaire « de toute la gauche » (avec le PS), avant de faire tardivement volte-face et déclarer son soutien à Jean-Luc Mélenchon.

Transformation du PCF et rôle du programme

L’élection de 11 communistes ne permet pas de cacher l’affaiblissement d’un parti qui s’accentue élection après élection. Réunis le 24 juin, le Conseil National a élaboré une résolution (1) abordant la nécessaire transformation du PCF face à des résultats qui posent question sur l’avenir du parti et des changements politiques. S’il est vrai qu’une remise en question de notre parti est strictement nécessaire, il est regrettable de constater que cette résolution n’aborde pas le point le plus central, celle de la nature du programme que l’on défend actuellement. Car s’il y a un point déterminant pour l’avenir du parti, c’est bien celui-ci.

Les thèmes de la résolution n’abordent que les problèmes « en surface » et ne rentrent pas au cœur du programme qui détermine la nature de notre parti. La résolution se résume à la transformation de l’image du parti, en évitant les questions de fond. L’idée de Pierre Laurent selon laquelle le parti devrait changer de nom exprime très bien la superficialité de l’analyse. On ne s’intéresse qu’à l’emballage. Le contenu ne fait pas l’objet de la discussion.

Prenons un des points de la résolution : « Quelle stratégie de transformation concrète de la société, comment devenir un parti de la conquête citoyenne, dans une visée révolutionnaire ». À elle seule, cette phrase démontre la superficialité des dirigeants qui font mine de vouloir révolutionner le parti sans toucher aux problèmes les plus fondamentaux. Avant d’avoir « une stratégie de transformation de la société dans une visée révolutionnaire », il faut avoir un programme révolutionnaire. Il n’y a ici aucune remise en cause du programme, pourtant c’est de là que tout part. Le programme du PCF malheureusement n’est pas révolutionnaire, n’est plus révolutionnaire. Il ne suffit pas d’utiliser le mot révolutionnaire pour être un révolutionnaire, il s’agit là d’une manœuvre de détournement du problème.

Si l’on devait qualifier la nature du programme du PCF, il serait d’un point de vue économique keynésien (2), c’est-à-dire la relance de l’économie capitaliste par l’investissement public. Certes, il comprend des revendications de progrès social, mais ne remet pas en cause la propriété capitaliste des moyens de production. Ce dernier point est évacué du programme ou abordé de façon très superficielle dans la seule défense des services publics. Un programme révolutionnaire ne cherche pas seulement à défendre les conquêtes sociales ou à combattre l’austérité, il aborde le thème central nécessaire pour toute perspective de progrès social à notre époque : l’abolition de la propriété privée des moyens de production et d’échange, en tout cas pour ce qui concerne les grands leviers de l’économie. Karl Marx écrivait dans le manifeste du parti communiste en 1847 : « En somme, les communistes appuient en tout pays tout mouvement révolutionnaire contre l’ordre social et politique existant. Dans tous ces mouvements, ils mettent en avant la question de la propriété à quelque degré d’évolution qu’elle ait pu arriver, comme la question fondamentale du mouvement ».

À l’époque, cette idée devait paraître plus difficile à justifier que ça ne l’est aujourd’hui. La propriété capitaliste était bien plus morcelée qu’elle ne l’est aujourd’hui, où les grands leviers de l’économie sont fortement concentrés dans les mains d’une petite minorité de capitalistes. Notre programme devrait mettre en avant la nationalisation des secteurs clés de l’économie sous contrôle des travailleurs pour qu’ils ne servent plus des intérêts privés dans une logique concurrentielle.

Nous avons déjà évoqué la situation politique de la Grèce. Dans ses aspects fondamentaux, le programme du PCF ne se distingue pas de celui de FI qui, à son tour, ne se distingue pas de celui de Syriza. Ce sont des programmes réformistes d’inspiration keynésienne, comme le reconnait Jean-Luc Mélenchon lui-même d’ailleurs. Supposons qu’à la faveur d’un mouvement de lutte contre la politique menée par Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon arrive au pouvoir de la même manière que Syriza. Jean-Luc Mélenchon et la FI rencontreraient dans ce cas les mêmes obstacles qu’Alexis Tsipras en Grèce. Leur programme laisserait intact la propriété capitaliste. Le pouvoir économique des capitalistes leur permettrait de saborder la politique de réforme sociale du gouvernement. En dernier lieu, à défaut de mesures décisives pour briser le pouvoir capitaliste, un tel gouvernement serait contraint de renoncer à son programme. Tel est le sort de tout gouvernement réformiste qui ne remettrait pas en cause le pouvoir économique de la classe capitaliste.

La tâche principale des militants du PCF est de changer le parti sur ces questions de programme et de projet de société, en passant par l’amélioration de la démocratie interne. Il nous faut lier les revendications immédiates à un programme général de société, le communisme. Nous ne pourrons faire avancer l’humanité qu’à travers la réalisation d’un tel programme. Même si le PCF est affaibli, il reste malgré tout une force puissante qui doit maintenant renouer avec son passé révolutionnaire. Si le parti ne s’oriente pas vers cette voie, son affaiblissement ne fera que continuer et, à terme, posera la question de son existence même.

Gauthier Hordel, PCF Rouen

  1. http://www.pcf.fr/101022
  2. De l’économiste John Maynard Keynes (1883 -1946): https://www.lariposte.org/2012/02/etait-john-maynard-keynes/
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