Régression sociale à La Poste

Depuis fin octobre 2016, La Poste a été contrainte d’engager des négociations nationales après la vague de suicides chez les facteurs. La souffrance chez nos préposés des postes n’est pas nouvelle, mais nous avons dû attendre des gestes dramatiques pour que les médias s’y intéressent, forçant ainsi La Poste à réagir. Laissant un événement médiatique en chasser un autre, la direction propose maintenant un nouvel accord qui a l’air réjouissant sur le papier, mais qui cache en réalité un avenir plus sombre pour nos facteurs.

Sur le papier, La Poste propose l’embauche de 3000 CDI, mais si l’on regarde de plus près, entre 2015 et 2016 l’entreprise avait déjà supprimé 7000 emplois. Cette réformette ne stopperait pas l’hémorragie des emplois et n’empêcherait pas l’entreprise aux 70 000 facteurs de supprimer 3 000 postes de travail dans la même année par le non-remplacement des retraités et des départs volontaires. En l’espace de 12 ans, La Poste a déjà supprimé 100 000 emplois. Les 3000 CDI sont donc une goutte d’eau dans un océan d’emplois détruits. Elle propose également de faire monter en grade l’ensemble des facteurs qui sont actuellement au grade de base. Ce changement correspondrait à une augmentation de salaire d’une trentaine d’euros par mois, faisant passer le salaire du facteur à 1300€ net par mois. Nous pourrions considérer cela comme une petite avancée, mais les contreparties sont terrifiantes.

En effet, depuis 2007, le précédent accord déclarait que les agents ne peuvent subir plus d’une réorganisation de leur travail en deux ans. Les réorganisations permettaient à l’entreprise de revoir l’ensemble des tournées d’un bureau de poste et d’en supprimer une partie. Ce sont ces réorganisations qui sont particulièrement mises en cause par les facteurs. Elles généraient un grand stress, car chaque facteur risquait de perdre sa tournée et ses usagers et de subir des changements d’horaires. S’il y avait une négociation à mener sur les réorganisations, c’est surtout pour que le délai de deux ans soit passé à 5 ou 10 ans. Or, c’est tout le contraire qui est annoncé. Dans l’accord actuel, il est question de supprimer ce délai de deux ans et de faire des réorganisations en continu. Plus grave encore, La Poste pourra supprimer les repos des facteurs. Il est clairement stipulé qu’en fonction de la baisse du trafic du courrier, l’encadrement pourra changer la durée hebdomadaire du travail et supprimer ainsi les RTT des facteurs. Chaque facteur aura une épée de Damoclès au-dessus de sa tête, puisqu’à n’importe quel moment La Poste pourra supprimer sa tournée.

L’entreprise anticipe sur la loi El Khomri puisqu’elle prévoit d’ici 2020 de faire du J+1 sur les colis et une distribution par ses facteurs en soirée après 17h00. Elle prévoit ainsi que 70% de ses colis soient livrés en soirée. C’est un bon service pour les usagers, mais cela se traduit par le découpage des tournées des facteurs en deux parties : une partie le matin pour le courrier, comme actuellement, suivie d’une coupure de midi à 17h00, et une partie en soirée pour les colis. Avec le Code du Travail avant El Khomri, cela serait interdit, puisqu’il n’y aurait pas les 11 heures de repos consécutives. Mais grâce à la nouvelle loi, c’est maintenant possible. La Poste propose une prime de 200€ bruts pour tous les agents qui accepteront la pause méridienne et un « bonus qualité » de 115€ par semestre pour ceux qui effectueront au moins 2 heures de livraisons après 17h00 et qui n’auront pas pris de jours de maladie.

En résumé, La Poste propose que l’on puisse supprimer les repos des facteurs, que l’on puisse supprimer une tournée à n’importe quel moment et que les facteurs travaillent très tôt le matin et tard dans la soirée, six jours sur sept. En échange, ils auraient 200€ bruts une fois, 30€ de plus par mois et 115€ par semestre, s’ils ne sont pas malades. Bien entendu, la CFDT et la CGC (représentatives à 29%) se sont précipitées pour applaudir de « grandes avancées » et annoncer qu’elles signeraient l’accord. Il semble évident que grâce à ces « grandes avancées », les facteurs n’ont pas fini de reculer !

Fabien Lecomte
CGT 78 et PCF

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