Criminalisation de l’action syndicale : l’exemple des 4 militants CGT du Havre

Quatre militants de la CGT du Havre ont comparu devant le tribunal de grande instance le 21 février 2014. Le procureur de la République a requis deux mois de prison avec sursis et 300 euros d’amende dans une affaire et pas moins de six mois de prison fermes et 500 euros d’amende dans l’autre. Les jugements seront rendus le lundi 31 mars. Gaël Pasquier, militant CGT LE Havre, nous explique en quoi il s’agit d’une volonté de criminaliser l’action syndicale.


Interview de Gaël Pasquier, militant CGT Le Havre
(membre de la CE du syndicat de la Mairie du Havre et de l’Union Locale du Havre)

La Riposte : 4 militants CGT du Havre passent au tribunal. Peux-tu nous expliquer les faits, et le contexte ?

Gaël Pasquier : Il s’agit de 4 militants syndicaux qui sont traînés au tribunal pour soi-disant des dégradations et agressions de personne représentant l’Etat (un huissier).

Deux d’entre eux sont des élus municipaux PCF et sont très investis dans le monde syndical. Dominique Mutel est conseiller municipal de la ville du Havre et Pierre Lebas est conseiller municipal de Gonfreville l’Orcher.

Lors de la manifestation contre la réforme des retraites de septembre 2013, ils ont participé à la « redécoration » de la permanence de la députée socialiste Catherine TROALLIC et du local du Parti Socialiste par des autocollants et affiches de la CGT. Ils reconnaissent ces faits. Or la plaque de la députée a été dévissée et a disparu. Ils sont accusés de l’avoir enlevée, ce qui est totalement faux. Pour cela, le procureur requiert à leur encontre 2 mois de prison avec sursis et 300 euros d’amende. Et comme par hasard le jugement sera rendu après les municipales : donc on veut nuire à leur campagne électorale, puisqu’il y en a un des deux qui se représente !

Quant aux deux autres militants, ce sont les dirigeants de l’Union Locale CGT du Havre, qui sont également accusés de dégradation sur la permanence de la députée socialiste, et comparaissent aussi pour avoir soi-disant malmené un huissier. En fait lors d’un mouvement social à l’entreprise SPB, les salariés avaient organisé devant le portail de l’établissement un feu (pneus et palettes). Un type est arrivé, il a pris des photos et des notes sur un carnet, tout en provoquant les militants en sifflant l’internationale. On lui a demandé qui il était, il n’a pas répondu. Du coup les camarades ont jeté son carnet dans le feu. Et voilà, maintenant, l’huissier dit qu’il s’était présenté, qu’il a été malmené. Le procureur demande 6 mois de prison fermes et 500 euros d’amende pour un malheureux « carnet à 2 € » jeté dans le feu ! L’huissier n’a subi aucune violence. Mais c’est sa parole, en tant que « représentant de l’Etat » contre la nôtre.

L. R. : Les réquisitions du procureur sont particulièrement lourdes pour les deux secrétaires généraux de l’UL. Comment expliques-tu cela ?

G. P. : L’Union Locale CGT du Havre est la 3ème de France en nombre de syndiqués. Or les deux secrétaires généraux, Jacques Richer et Reynald Kubecki, sont très combatifs et ont remporté ces dernières années pas mal de victoires. L’un est issu du secteur public et l’autre du secteur privé. Ils travaillent ensemble pour autant, et d’une certaine manière ont un militantisme qui renoue avec la tradition combative et offensive de la CGT. Cela dérange le patronat et les politiques. Il y a clairement une volonté de diaboliser la CGT dans la région.

Poursuivre le camarade qui est fonctionnaire en exigeant 6 mois fermes est carrément scandaleux, car il risque son emploi : c’est de l’intimidation et de la criminalisation du syndicalisme !

Et on peut constater cela au niveau national, avec l’affaire des 5 de Roanne aussi. Plus toutes les autres affaires similaires qui ne sont pas autant relayées.

Plus de 2000 personnes se sont rassemblées devant le tribunal où comparaissaient les militants syndicaux. Comment s’est organisée cette manifestation de soutien ?

Par le biais de nos organisations et des réseaux sociaux. Les dockers du Havre mais aussi des militants de La Rochelle et de Marseille sont venus. Les camarades du bâtiment et de la métallurgie aussi, ainsi que des territoriaux de la région parisienne.

Nous avons une page Facebook et une page sur le web où nous tenons les gens au courant de ce qu’il se passe.

L. R. : Quelle est l’issue attendue du délibéré ? Quelles sont vos perspectives ?

G. P. : Un comité de soutien est en cours de création, où l’on retrouve des chanteurs et des syndicalistes connus (HK et les Saltimbanques, Lilltle Bob, Xavier Mathieu des Conti, Olivier Leberquier des Fralib).

Le délibéré sera rendu le 31 mars. En attendant, nous organisons pour le prochain conseil municipal du Havre un rassemblement, car nous allons passer une motion exigeant la relaxe pure et simple. Si les camarades sont condamnés malgré tout, alors le 31 mars sera une mobilisation d’ampleur, vous pouvez compter dessus ! Nous prendrons les mesures nécessaires en collaboration avec la confédération pour organiser la riposte syndicale. Il est hors de question que nous laissions tomber les camarades. Thierry Lepaon l’a bien dit : quand on attaque un militant de la CGT, c’est toute la CGT qu’on attaque !

La Riposte

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