La crise de l’UE et la tentation nationaliste

Dans le PCF, des divergences se sont exprimées sur la question européenne. André Gerin (député de Vénissieux) et Emmanuel Dang Tran (Paris 15e) demandent que le PCF se prononce pour le retrait de la France de l’Union Européenne et pour le rétablissement du franc français en lieu et place de l’euro. Notons aussi que Jacques Nikonoff (M’PEP) défend la même politique. Citons Gerin : « L’instauration d’un nouveau Franc par le levier d’une dévaluation abaisserait le coût de nos productions à l’étranger, favoriserait les exportations. » Ainsi, le retour au franc et la dévaluation de la monnaie nationale sont présentés comme un moyen de lutter contre la crise. Cette approche pourrait séduire un certain nombre de travailleurs – le Front National, qui avance les mêmes mots d’ordre, l’a bien compris ! – et même quelques militants communistes, en réaction à la crise qui sévit en Europe et à ses conséquences extrêmement graves.

Dans la période qui a précédé l’introduction de la monnaie unique, les partis et médias capitalistes ont mené une puissante campagne de propagande visant à convaincre les travailleurs que le traité de Maastricht et l’euro seraient des gages de stabilité et de croissance économique, dans une Europe « sociale » et harmonieuse. La direction du PS avait repris entièrement à son compte cette propagande mensongère.

En réalité, l’euro visait à protéger les intérêts des capitalistes – et surtout des plus puissants d’entre eux –, notamment en éliminant les risques inhérents aux fluctuations monétaires sur le marché européen. Il fallait s’opposer au traité de Maastricht et à l’introduction de l’euro, qui ne pouvaient rien apporter de bon aux travailleurs de France et d’Europe. Un simple changement monétaire de ce genre ne pouvait ni éradiquer, ni même atténuer les inégalités, le chaos économique, le chômage de masse et la régression sociale qui caractérisent le capitalisme. Cependant, précisément pour les mêmes raisons, le retour à une monnaie nationale ne produirait absolument aucune amélioration des conditions de vie des travailleurs. Imaginer le contraire, c’est commettre la même erreur, dans le sens inverse, que ceux qui acceptaient la propagande destinée à promouvoir l’euro, à l’époque.

Le traité de Maastricht était taillé sur mesure dans l’intérêt des capitalistes. Mais il ne faudrait pas lui attribuer un rôle exagéré dans la crise actuelle. Celle-ci n’est pas seulement européenne. Elle est internationale. Toutes les caractéristiques de la crise européenne existent également aux Etats-Unis, par exemple. Ce qui se passe en Europe n’est que l’expression de l’impasse du capitalisme à l’échelle mondiale. On ne doit pas chercher les causes de la crise dans tel ou tel traité, ou dans l’adoption de l’euro, en imaginant que si l’on revenait sur ces dispositions, les choses iraient forcément mieux.

Protectionnisme

L’avantage d’un retour au franc, nous dit-on, serait que la France pourrait procéder à des dévaluations compétitives pour rendre les importations plus chères et donc moins compétitives, tout en donnant un avantage aux exportations françaises à l’étranger. Mais les choses ne sont pas si simples. On ne peut pas couper la France du monde. En conséquence d’une dévaluation, les produits importés deviendraient plus chers dans les mêmes proportions. Cela entraînerait aussi une augmentation massive de la dette publique, dont une partie importante doit être remboursée en devises étrangères. Et ce n’est pas tout. Cette approche protectionniste provoquerait inéluctablement des mesures de rétorsion de la part des pays ainsi pénalisés, et notamment de la part de l’Allemagne, des Etats-Unis et de la Chine. Sous le coup de mesures et de contre-mesures protectionnistes, les emplois et les « productions nationales », loin d’être sauvegardés, seraient détruits à une échelle encore plus vaste qu’à présent.

Les communistes auraient tort de prôner cette politique pour une autre raison très importante. L’objectif d’une dévaluation, c’est de vendre davantage de produits français, tout en bloquant la vente de produits allemands, espagnols, etc. Autrement dit, c’est un programme d’exportation du chômage. Prôner le protectionnisme, c’est placer les travailleurs dans une démarche nationaliste, dans une guerre commerciale contre les travailleurs d’autres pays. Ceci est en contradiction directe avec nos principes communistes et internationalistes.

Il n’est pas difficile de comprendre les implications néfastes du nationalisme pour le mouvement communiste européen. Actuellement, la direction du Parti Communiste grec (KKE) exige un retour à l’ancienne monnaie grecque, la drachme, suivi d’une dévaluation importante, dans le but de limiter les importations étrangères – dont, par exemple, des produits fabriqués en France. Gerin et Dang Tran nous invitent à faire de même, avec un franc dévalué, pour limiter les importations – dont celles qui viennent de Grèce ! On se retrouverait ainsi embarqués dans une guerre commerciale où les communistes de chaque pays voudraient protéger l’emploi chez eux et infliger du chômage à leurs camarades d’autres pays. Si cette politique était mise en application à l’échelle européenne, toutes les « dévaluations compétitives » tendraient à s’annuler réciproquement, au détriment de tous, puisque la contraction du commerce international entraînerait inéluctablement une baisse générale de la production.

L’Union Européenne est un arrangement entre capitalistes, pour les capitalistes. Il faut en finir avec le capitalisme, en France et en Europe, ce qui signifie, nécessairement, en finir avec l’Union Européenne. Mais dans ce combat, il faut souligner constamment les intérêts communs de tous les travailleurs dans une lutte commune contre les capitalistes. Sortir de l’UE sur la base du capitalisme et du protectionnisme ne résoudrait rien. Il ne faut pas proposer de fausses solutions et des leurres aux travailleurs, mais fixer leur attention sur le vrai problème, à savoir la propriété capitaliste. Cette remarque s’applique également à la direction du PCF, dont le mot d’ordre d’« Europe sociale » – là encore, sur la base du capitalisme – est complètement illusoire. Tant que les capitalistes conserveront le contrôle des banques, de l’industrie et du commerce, il n’y aura pas de solution aux problèmes des travailleurs. Notre devoir communiste, c’est d’expliquer cette vérité, patiemment et inlassablement. Le problème n’est pas le système monétaire, mais les rapports de propriété !

La Riposte

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