Préface à l’édition française
Avant d’être traduit et publié
en français par les militants de La Riposte, le Manifeste international
contre la guerre est paru, le 6 février 2003, sur le site
internet In Defence of Marxism (www.marxist.com).
Les principaux éléments développés dans
ce document ont été confirmés par le cours ultérieur
des événements. Ce Manifeste répond point par
point aux justifications de la guerre présentées à
l’opinion publique, notamment dans les pays belligérants, et
expose les véritables intérêts qui se cachent
derrière la propagande des gouvernements et de l’industrie
de la communication. Mais le Manifeste ne se limite pas à l’analyse
des causes du conflit. C’est aussi un appel à l’action et un
programme socialiste et internationaliste d’opposition à la
guerre. A ce titre, il mérite d’être diffusé le
plus largement possible auprès de la jeunesse et des travailleurs
de France.
Le conflit franco-américain que cette guerre
a provoqué nécessite une explication. Pendant de longs
mois, Chirac, Villepin, et d’autres représentants endurcis
du capitalisme français nous ont fait part de leur profond
attachement aux vertus du “règlement pacifique des conflits”.
Ce touchant spectacle ne devrait pas nous faire oublier que la France
vend toujours des quantités importantes d’armes à des
dictatures – comme elle en vendait à Saddam Hussein jusqu’en
1990 – et se trouve impliquée plus ou moins directement
dans des conflits militaires en Côte d’Ivoire, au Congo-Brazzaville,
au Soudan et en Sierra Leone. Dans ce dernier cas, la France a appuyé
le RUF de Taylor et Sankoh, qui sont responsables du massacre et de
la mutilation de dizaines de milliers de civils. De même, on
sait que la France était impliquée dans le massacre
des Tutsis au Rwanda, qui a coûté la vie à plus
de 500 000 personnes. A chaque fois que les intérêts
de l’impérialisme français l’ont exigé, la France
n’a pas hésité à faire la guerre. Et comme le
font les Etats-Unis aujourd’hui, elle l’a fait avec
ou sans l’aval de l’ONU. Si Chirac et la droite se sont opposés
à cette guerre, la guerre en Irak, cela n’a donc rien
à voir avec les droits de l’homme ou le souci de préserver
des vies humaines.
Selon Le Monde du 12 février 2003, ” l’arrivée
éventuelle des concurrents américains après une
guerre inquiète TotalFinaElf, l’un des groupes les plus actifs
dans le pays, avec le russe Loukoil.” En fait, depuis 1992, TotaFinaElf
discute avec la dictature irakienne de l’exploitation de deux gisements
qui se trouvent à Bin-Umar et Majnoun, dans la région
de Bassorah, et à proximité d’Oum Kasr, le seul terminal
maritime de l’Irak sur le golfe Persique. Ces réserves représenteraient
respectivement 5 milliards et 7 à 8 milliards de barils, soit
une quantité supérieure aux actuelles réserves
mondiales de TotalFinaElf. Ainsi, la position française sur
la guerre en Irak s’explique en premier lieu par le fait que l’occupation
de l’Irak par les Etats-Unis rendrait nuls et non avenus les contrats
pétroliers négociés auprès du régime
irakien et balayerait presque totalement ce qui reste de l’influence
de l’impérialisme français au Moyen Orient.
Au moment de la rédaction du Manifeste, il
semblait que Chirac, après quelques protestations formelles,
finirait par s’aligner sur les positions américaines, et cette
perspective est évoquée aussi bien dans le Manifeste
que dans notre texte Les objectifs de guerre des grandes puissances
au Moyen Orient (La Riposte, janvier 2003). Le 29 août 2002,
le New York Times écrivait : “De nombreux stratèges
français souhaitent un rapprochement avec l’administration
Bush. L’attitude de la France envers Bagdad risque de durcir une fois
qu’elle comprendra que la guerre est inévitable. Une source
proche de l’Elysée a expliqué le dilemme français
en ces termes : “Nous voudrions éviter une opération
militaire, mais il va y en avoir une, alors que faire ? Nous voulons
garder toutes les options ouvertes et ne pas trop critiquer la démarche
américaine, afin de ne pas susciter des réactions négatives”.
Chirac avait sans doute l’intention de “faire
le difficile” dans un premier temps, et de conditionner la participation
de la France à des concessions américaines susceptibles
de compenser au moins partiellement la perte des accords pétroliers
avec la dictature irakienne. Au début de l’année, Chirac
a effectivement ordonné aux forces armées françaises
de “se tenir prêtes” à intervenir aux côtés
des armées anglo-américaines, et n’a jamais exclu la
participation de la France à la guerre. Quinze jours à
peine avant le déclenchement de l’invasion, Villepin déclarait
que l’usage du veto français à l’ONU reviendrait à
“tirer dans le dos des Américains”. Cependant, Chirac
a été rattrapé par l’évolution de la situation
en France, où la montée en puissance de l’opposition
à la guerre augmentait considérablement le coût
politique d’un éventuel revirement de la position française.
La droite française, avant tout soucieuse de poursuivre ses
attaques contre l’emploi, les services publics, les retraites, la
sécurité sociale, et les droits et conditions de travail
des salariés, n’avait aucune envie de se retrouver dans la
situation de Blair et Aznar ! Par ailleurs, les négociations
entre l’Elysée et la Maison Blanche au sujet du partage du
butin de guerre se sont avérées infructueuses. Pour
l’administration américaine, il était hors de question
de céder une partie significative des réserves pétrolières
à la France, compte tenu de la faiblesse de ce que pouvait
être l’apport français sur le plan des opérations
militaires et du financement du carnage.
Les dirigeants du Parti Socialiste et du Parti Communiste,
qui ont soutenu les guerres impérialistes menées contre
la Serbie et l’Afghanistan, se sont opposés à l’invasion
de l’Irak. Cependant, les positions – quasiment identiques –
défendues par ces deux directions consistaient à
s’aligner sur la politique de la droite et de Chirac, dont François
Hollande et Marie-Georges Buffet n’ont cessé de saluer
le “courage” et la “fermeté” face à
la politique de Bush. Les textes et déclarations des dirigeants
socialistes et communistes étaient parsemés d’allusions
à l’impérialisme américain, mais ne disaient
rien des intérêts tout aussi impérialistes que
la “diplomatie” française défend dans son
opposition à Bush. Or, dans un conflit entre deux impérialismes,
il est absolument inadmissible, d’un point de vue socialiste
et internationaliste, d’apporter un quelconque soutien à l’un
ou à l’autre camp. Plutôt que de se transformer en cinquième
roue du carrosse élyséen, le devoir de la gauche française
était d’expliquer inlassablement les véritables intérêts
et motivations des impérialismes américain et français,
et de présenter aux salariés et à la jeunesse
un programme de classe indépendant contre la guerre et contre
Chirac, dont la politique extérieure n’est que le prolongement
de sa politique intérieure, à savoir une défense
implacable des intérêts du capitalisme français.
Or, dans l’Humanité, des critiques acerbes de la politique
intérieure de la droite française côtoyaient quotidiennement
les éloges les plus enthousiastes de sa politique étrangère !
Au lieu de chercher à rendre les travailleurs et les jeunes
plus conscients de l’opposition inconciliable entre leurs intérêts
et ceux des capitalistes français, la démarche des dirigeants
des partis de gauche a consisté, à l’inverse,
à noyer cette opposition dans les brumes de la “position
française”.
Chez les dirigeants du PCF et du PS, la “lutte”
contre la guerre s’est concentrée sur la question du
“veto français” au Conseil de Sécurité
de l’ONU. En même temps, ils ont exigé avec insistance
la poursuite du “désarmement de l’Irak” que réclamaient
les Etats-Unis – en même temps qu’ils préparaient,
aux frontières de ce pays dévasté et affamé,
une force d’invasion massive. Or le veto n’a jamais eu lieu, puisque
les Etats-Unis ont décidé de ne pas présenter
une nouvelle résolution à l’ONU. La “stratégie”
des dirigeants de gauche, qui dépendait entièrement
des choix tactiques de la Maison Blanche, a donc disparu de vue aussi
rapidement, aussi complètement, et en faisant aussi peu de
bruit qu’une bulle de savon qui éclate. Ceci dit, même
si Bush avait présenté une résolution à
laquelle la France aurait opposé son veto, cela n’aurait pas
changé quoi que ce soit. L’idée du veto pour ” empêcher
cette guerre ” était un non-sens. Certes, Bush aurait
préféré que la France participe à la guerre
afin de mieux camoufler ses objectifs impérialistes, mais les
Etats-Unis n’avaient nullement besoin de la France sur le plan militaire.
Le budget militaire de la France ne représente que 7% du budget
militaire américain. Comparé à celui des Etats-Unis,
l’apport français à la guerre contre l’Afghanistan était
anecdotique, et il en aurait été de même en Irak.
Comme l’explique le Manifeste, l’ONU n’est pas une
institution neutre. Les sentiments mielleux figurant dans sa Charte
sont destinés à dissimuler sa véritable nature.
Il s’agit d’une structure entièrement dominée par les
grandes puissances, et qui fonctionne dans l’intérêt
de celles-ci. Malheureusement, les dirigeants du PS et du PCF continuent
de présenter l’ONU comme une institution progressiste. Et pas
seulement eux. Selon une déclaration signée et diffusée
par la LCR et ATTAC – entre autres – en février
2003, ” la démilitarisation, les conflits, la sécurité,
la paix au Moyen Orient et le droit des peuples devraient être
traités dans le cadre strict de l’ONU, par des moyens politiques,
en respectant le droit international et la justice.” Or l’ONU
est trempée de la tête aux pieds dans le sang des peuples,
et en particulier des peuples des pays les plus pauvres. L’ONU n’est
pas et ne peut pas être plus “progressiste” que les
puissances qui la dominent. Au contraire, il s’agit d’une organisation
réactionnaire qui regroupe les ennemis des travailleurs et
de la jeunesse du monde entier. Qui ne comprend pas cela ne comprend
rien aux relations internationales. Peut-on faire confiance à
Blair, Bush, Poutine, ou Chirac ? Bien évidemment pas.
Mais alors, pourquoi leur faire confiance lorsqu’ils se rassemblent
sous le drapeau de l’ONU ?
L’attitude des dirigeants du PS et du PCF envers
l’ONU n’est qu’un prolongement de leur attitude à l’égard
des relations entre les classes, ici, en France. Pour eux, de même
que la paix dans le monde doit être assurée par la concertation,
dans le cadre de la “légalité” de l’ONU, ils
pensent que les conflits de classe peuvent être résolus
par les vertus du “dialogue” entre “partenaires sociaux”.
En invitant les travailleurs et les jeunes à soutenir l’ONU,
en l’auréolant de la “légitimité de la communauté
internationale”, les dirigeants socialistes et communistes veulent
faire croire à la possibilité de changer la nature essentielle
du capitalisme par le dialogue et la concertation. Or, la vérité,
c’est que la guerre impérialiste fait tout autant partie du
capitalisme que la propriété privée et la concurrence.
On peut difficilement imaginer une vision du monde
plus superficielle que celle qui consiste à diviser les grandes
puissances du monde en deux “camps” : celui de la paix
et celui de la guerre. La frontière entre les deux “camps”
ne cesse de se déplacer au gré des intérêts
et des buts poursuivis par les puissances en question. L’impérialisme
français voulait “paisiblement” empocher les réserves
pétrolières de l’Irak tout en se préparant à
la guerre en Côte d’Ivoire. Poutine voulait la paix en Irak
tout en faisant la guerre en Tchétchénie. L’Allemagne
ne participe pas à la guerre, et se contente de vendre “paisiblement”
des armes aux pays belligérants. Les Etats-Unis bombardent
et envahissent l’Irak, mais seulement dans le but de pouvoir “garantir
la paix” par la suite. Enfin, lorsque les grandes puissances
ne sont pas en guerre, la “paix” qui règne dans le
monde sous-développé se caractérise par la violence
permanente et omniprésente qu’une minorité privilégiée
inflige à l’écrasante majorité des populations.
L’ONU, ce magnifique instrument de l’entente entre les peuples, n’a-t-elle
pas froidement et “pacifiquement” programmé la famine
et la mort, en Irak, par le biais de l’embargo ?
L’ONU ne permet pas de surmonter la rivalité
entre les grandes puissances. Certes, tant que le partage du monde
entre les sphères d’influence des grandes puissances peut se
faire sans nuire aux intérêts fondamentaux des unes et
des autres, la fiction de la “concertation” peut être
maintenue. Il est cependant totalement inconcevable que l’ONU puisse
empêcher une guerre dès lors que les intérêts
d’une grande puissance sont en jeu, surtout s’il s’agit de la plus
puissante d’entre elles, à savoir les Etats-Unis.
L’impérialisme américain a besoin de
vaincre et d’occuper l’Irak, de contrôler ses réserves
pétrolières, de disposer d’une base d’opérations
militaires de grande envergure, et de contrecarrer au passage les
ambitions impérialistes de la France dans la région.
Ces considérations pèsent beaucoup plus lourd que les
opinions de ses rivaux au sein du Conseil de Sécurité.
Bush et Powell étaient très clairs à cet égard
: si le Conseil de sécurité les soutient, expliquaient-ils,
tant mieux – sinon, l’invasion aurait quand même lieu.
L’impérialisme français avait exactement la même
attitude envers l’ONU lors de sa guerre contre le peuple algérien.
S’agissant de l’actuelle invasion de l’Irak, ce sont les Etats-Unis
qui sont dans la position de l’agresseur, et l’impérialisme
français qui s’habille en défenseur de la paix. Mais
en 1956, lors de la crise de Suez, les rôles étaient
inversés. Lorsque Nasser a nationalisé le Canal de Suez,
la France et la Grande-Bretagne ont projeté d’envahir l’Egypte
et d’occuper la zone située autour du canal. Les Etats-Unis
étaient opposés à un renforcement de la présence
franco-britannique dans la région. A l’ONU, la France a usé
de son veto pour bloquer l’opposition américaine, et a lancé
l’invasion contre l’Egypte, qui s’est soldée, en l’occurrence,
par un cinglant échec. Par la suite, Nasser a nationalisé
les intérêts français et britanniques en Egypte.
Plus récemment, la France a obtenu un mandat de l’ONU pour
l’occupation militaire du Rwanda, après avoir fait clairement
comprendre que, de toute façon, avec ou sans l’ONU, l’armée
française allait s’y installer.
Dans le contexte international actuel, une exacerbation
des tensions entre les classes et entre les Etats, et une multiplication
de conflits armés sont absolument inévitables. Le
conflit entre la France et les Etats-Unis en est un exemple parmi
bien d’autres. Notons au passage, et sans vouloir accorder plus d’importance
qu’elles n’en méritent aux idées défendues
par les admirateurs de Monsieur Toni Négri, que la grave crise
internationale provoquée par la question irakienne réduit
à néant la théorie de l’”Empire supranational”.
Cet “Empire” n’existe pas et n’existera jamais. Même
l’Union Européenne n’est pas réellement unie, et ne
pourra jamais l’être sur la base du capitalisme. Les gouvernements
de Grande-Bretagne, d’Espagne et d’Italie se sont appuyés sur
les Etats-Unis pour renforcer leur position par rapport à la
France et l’Allemagne au sein de l’Union. Chaque classe capitaliste
nationale cherche à défendre ses intérêts
au détriment de ses rivales.
Les répercussions économiques, sociales
et politiques de la guerre se feront sentir, d’une façon ou
d’une autre, dans tous les pays du monde. En Europe, le taux de croissance
de nombreuses économies nationales est suffisamment proche
de 0% pour que la guerre les fasse basculer dans le négatif.
La jeunesse et les travailleurs de pratiquement tous les pays européens
sont, dans leur grande majorité, hostiles à cette guerre,
et les gouvernements qui ont soutenu la politique de Bush –
notamment en Espagne, en Italie, et en Grande-Bretagne –
se trouvent dos au mur face à l’ampleur massive des mobilisations
contre la guerre.
Au Moyen Orient, si les causes fondamentales de l’invasion
de l’Irak sont liées à l’instabilité croissante
de cette région, la guerre ne peut en retour qu’aggraver cette
instabilité. Le ralentissement de l’économie mondiale
a eu des conséquences dramatiques dans tous les pays du Moyen
Orient, entraînant une dégradation sensible du niveau
de vie de la population. Les répercussions de la guerre sont
en train de déstabiliser certains régimes. C’est le
cas de la Jordanie, où des manifestations populaires, violemment
réprimées par l’armée et la police, ont eu lieu
presque quotidiennement depuis le début de la guerre. Dans
le cadre du programme “pétrole contre nourriture”,
l’Irak absorbait 20% des exportations jordaniennes. La moitié
du pétrole irakien importé par la Jordanie était
gratuit, et l’autre moitié n’était facturé qu’à
19 dollars le baril, ce qui est bien en dessous des prix mondiaux.
La suspension de ce programme a fait plonger l’économie jordanienne.
Ceci explique le revirement de Bush et Blair sur cette question. Le
rétablissement du programme “en fonction de la situation
militaire” vise également à utiliser l’approvisionnement
en eau, en nourriture et en médicaments comme une forme de
chantage vis-à-vis des populations des villes assiégées.
Le jour même de l’annonce de la reprise du programme “pétrole
contre nourriture”, les bombardiers britanniques ont détruit
des entrepôts alimentaires à Bassorah. En tout cas, la
décision vient peut-être trop tard pour renforcer la
position du roi Abdullah. Prise en tenaille entre ses engagements
auprès de l’administration américaine et la pression
montante de la rue, la monarchie jordanienne vacille. Le 23 mars,
donnant suite aux exigences américaines, le roi a ordonné
l’expulsion de la représentation diplomatique irakienne. Mais
la réaction immédiate de la population face à
cette nouvelle démonstration de servilité l’a
obligée, dès le lendemain, à inviter l’Irak à
remplacer par d’autres les diplomates renvoyés. La crise,
en Jordanie, s’aggravera dans les semaines et les mois à venir.
Dans un pays où la majorité de population est d’origine
palestinienne, il n’est pas impossible que la monarchie soit renversée.
En Arabie Saoudite, également, la situation
est explosive. Pendant de longues décennies, le régime
saoudien était considéré comme inébranlable.
Grâce aux revenus pétroliers, l’infrastructure économique
du pays se développait et le niveau de vie augmentait. Aujourd’hui,
l’économie est en crise, avec un taux de chômage de 15%
– sans compter les femmes ! – et une très nette
baisse du niveau de vie de la vaste majorité de la population.
Des grèves, des émeutes, et même des mutineries
ont eu lieu, et la classe dirigeante est profondément divisée
sur la question des moyens de faire face à la contestation
montante. Le fondamentalisme wahhabite est l’une des expressions de
cette division. C’est l’instabilité croissante de l’Arabie
Saoudite qui a convaincu l’administration américaine de l’impérieuse
nécessité – en dépit de tous les risques
que cela comporte – d’envahir l’Irak et de contrôler ses
ressources pétrolières. Mais, justement, la guerre pourrait
bien précipiter la chute du régime saoudien.
Enfin, en Egypte, la vague de privatisations et la
politique de restrictions budgétaires mises en œuvre par
le gouvernement, conjuguées aux effets de la crise économique
générale, forment l’arrière plan des manifestations
massives qui ont eu lieu au Caire et dans les principales villes du
pays. La monnaie nationale est minée : 35% des transactions
se font en dollars ou en euros, ce qui frappe de plein fouet le pouvoir
d’achat des couches les plus démunies de la population. La
jeunesse et les travailleurs descendent dans la rue pour dénoncer
non seulement l’agression contre l’Irak, mais aussi la passivité
complice du gouvernement égyptien vis-à-vis de l’impérialisme
américain. En décembre, Moubarrak, déclarait
qu’en cas de guerre contre l’Irak, “aucun dirigeant arabe ne
saurait retenir la colère de son peuple”. Cette prévision
s’est avérée exacte.
Le processus révolutionnaire dans les pays
arabes n’en est qu’à ses débuts. Sans dirigeants, sans
programme préétabli, la mobilisation populaire sera
nécessairement ponctuée par des échecs et des
périodes de reflux temporaire. Cependant, on ne doit pas se
tromper sur le sens de ces développements. Ils signifient que
la guerre en Irak pose les prémisses d’une nouvelle époque
dans l’histoire du Moyen Orient, une époque où les masses,
arrachées à la torpeur des temps “ordinaires”
par les événements extraordinaires que sont la guerre
et l’effondrement économique, entreront sur l’avant-scène
de l’histoire et tenteront de prendre en main leurs destinées.
Autrement dit, le Moyen Orient entre dans une période qui sera
marquée par de grands bouleversements sociaux et qui ouvrira
la possibilité d’une transformation socialiste de la
société. Dans le contexte actuel, le renversement du
capitalisme dans un seul pays du Moyen Orient suffirait pour modifier
de fond en comble le rapport de force entre les classes sociales dans
toute la région. Inspirant les peuples, il jetterait tous les
régimes en place sur la défensive.
En Europe, au Moyen Orient, et partout dans le monde,
l’invasion de l’Irak a réveillé la conscience de millions
de jeunes et de travailleurs, dont beaucoup s’investissent pour la
première fois de leur vie dans l’action politique. Le succès
des mobilisations et l’intérêt suscité par le
Manifeste international contre la guerre en Irak, qui a été
traduit en une quinzaine de langues, témoignent, chez les opposants
à la guerre, d’une grande soif de comprendre et d’agir.
Le problème fondamental qui se pose, en France et ailleurs,
est celui du caractère politique des directions des organisations
des travailleurs. Comme Blair en Grande-Bretagne et Schröder
en Allemagne, Hollande, Strauss-Kahn et Fabius acceptent le capitalisme
et ne veulent pas le combattre. Dans la pratique, la direction du
PCF ne présente aucune alternative sérieuse à
la politique du PS, comme l’a montré son comportement dans
le gouvernement Jospin, et comme le montre également sa politique
sur la question de la guerre en Irak.
Tant que cette situation durera, la gauche ne pourra
pas accomplir la mission qui devrait être la sienne : défendre
les intérêts des jeunes, des salariés et des retraités
face aux conséquences du capitalisme, lutter contre la politique
de la droite – y compris sa politique étrangère
– et ouvrir la perspective de la transformation socialiste de
la société. Nous voulons construire un mouvement autour
d’un programme authentiquement socialiste, chez les jeunes, chez les
travailleurs, dans les syndicats et dans les partis de gauche. La
Riposte et les organisations de près d’une trentaine de pays
qui partagent ses idées militent de toutes leurs forces contre
le capitalisme et pour rétablir dans le mouvement ouvrier les
traditions du socialisme et de l’internationalisme. Nous ne doutons
pas que l’analyse et le programme défendus dans le Manifeste
attirera l’attention de nombreux jeunes et travailleurs à la
recherche d’une organisation internationale sérieuse, car il
n’y a pas d’action révolutionnaire sans théorie, perspectives
et programme révolutionnaires.
Comité de Rédaction,
La Riposte,
le 28 mars 2003
Cette guerre peut-elle être justifiée ?
L’argument “démocratique”
La question nationale
Une guerre sans victimes ?
Des méthodes de bandits
Contradictions dans le camp impérialiste
L’ONU discréditée
Démocratie et impérialisme
Propagande et diplomatie
Le capitalisme signifie la guerre
“Les fusils avant le beurre !”
Contre l’impérialisme,
le militarisme et le capitalisme !
Imprimez et diffusez ce manifeste !
Cette guerre peut-elle
être justifiée ?
La guerre que les Etats-Unis préparent est
un acte d’agression flagrant contre le peuple irakien. Elle n’a pas
un atome de contenu progressiste. Les arguments utilisés pour
justifier cette guerre monstrueuse n’ont strictement aucune valeur.
L’envoi des inspecteurs de l’ONU n’était qu’un simple prétexte
destiné à tromper l’opinion publique pendant que les
Américains procédaient à leur implantation militaire
dans le Golfe. Cette guerre n’a absolument rien à voir avec
les armes de destruction massive. Quoiqu’ils fassent, les Irakiens
seront bombardés et envahis.
Les “inspections” sont apparues pour ce
qu’elles sont : une farce. Pas une seule preuve crédible n’a
été trouvée. L’ancienne équipe d’inspecteurs
déclarait avoir détruit 95% des armes de destruction
massive détenues par l’Irak. Très peu d’entre elles
ont pu échapper à leurs contrôles. Dans tous les
cas, après plus de dix ans de sanctions, le potentiel militaire
de l’armée irakienne a été grandement réduit.
Il ne peut représenter une menace directe pour les Etats-Unis,
qui possèdent une réserve colossale d’armes de destruction
massive.
Les plans détaillés de l’invasion et
de l’occupation de l’Irak ont été préparés
bien avant Noël, c’est-à-dire avant que Blix et sa clique
d’inspecteurs commencent leur tâche. Par conséquent,
il est évident que la question des armes n’a rien à
voir avec l’agression américaine contre l’Irak. L’objectif
central a toujours été un changement de régime
– c’est-à-dire la chute de Saddam Hussein et son remplacement
par une marionnette américaine.
Blix et son équipe, qui prétendent
à l’impartialité, jouent en fait le rôle de provocateurs.
Les Irakiens sont constamment provoqués ; on cherche à
les pousser à répondre par un acte de force. Cela serait
immédiatement utilisé par l’administration de
Bush comme un prétexte pour commencer les hostilités.
Bagdad les a accusés d’espionnage, ce qui est probablement
vrai. Leur véritable fonction n’est pas d’empêcher
la guerre, mais d’en fournir le prétexte.
La tentative de dépeindre la guerre contre
l’Irak comme faisant partie de la “guerre contre le terrorisme”
est tout aussi absurde. Il n’y a pas une seule preuve du lien
entre l’Irak et Al-Qaïda. Les tentatives de la CIA pour
établir un tel lien frôlent le ridicule. Le groupe d’Al-Qaïda
qu’ils prétendent avoir trouvé dans le nord de
l’Irak n’est même pas sur un territoire dépendant
de la juridiction irakienne. Cela n’a rien étonnant :
le régime irakien est bien connu pour sa laïcité
et ses mauvais rapports avec les fondamentalistes.
Un an et demi aurait dû suffire pour trouver
des preuves impliquant les Irakiens dans les événements
du 11 septembre. Pourtant, aucune preuve n’a été
avancée. Il n’y avait pas un seul citoyen irakien parmi
les terroristes qui ont détourné les avions sur le World
Trade Center. Par contre, il y avait pas mal de saoudiens. Cependant,
les Etats-Unis s’apprêtent à bombarder Bagdad,
et non Riad !
L’argument selon lequel cette guerre a pour
but d’instaurer une démocratie en Irak est également
sans fondement. L’idée que l’impérialisme
américain pourrait apporter la démocratie au peuple
irakien serait comique si ses implications n’étaient
aussi graves. L’intention de Bush et compagnie n’est pas
d’introduire un véritable régime démocratique
à Bagdad, mais d’installer – comme en Afghanistan
– un “gouvernement fantoche” qui dépendra de
Washington et obéira à tous ses ordres. De la part de
George W. Bush, les reproches à l’égard la dictature
irakienne relèvent de la plus flagrante hypocrisie.
Bush et Blair versent des larmes de crocodile sur
l’absence de démocratie en Irak, mais ne s’aperçoivent
pas de son absence en Arabie Saoudite, leur grand allié dans
la région, où les élections et la liberté
de parole sont inconnues, où les femmes n’ont le droit
ni de travailler, ni de conduire une voiture, et où elles sont
lapidées à mort en cas d’adultère. Et que
dire de leur autre grand allié, la Turquie ?
En matière de droits de l’homme, la
classe capitaliste turque bat tous les records. Elle a tué,
torturé et emprisonné plusieurs milliers de syndicalistes,
a massacré des prisonniers dans leur cellule, et mené
pendant des décennies une guerre sanglante contre les Kurdes.
Néanmoins, elle s’apprête à prendre place
aux côtés des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne dans
leur croisade pour la démocratie et pour… les droits
des Kurdes ! Ce petit détail est en soi un témoignage
suffisant pour dévoiler la faillite morale et l’horrible
hypocrisie de toute cette entreprise.
L’argument selon lequel Saddam Hussein est
un horrible dictateur tiendrait un peu plus la route si les Etats-Unis
et la Grande-Bretagne ne l’avaient pas soutenu, financé
et armé lorsqu’il bombardait les Kurdes avec des armes
chimiques. En fait, une grande partie de ses armes provenaient des
Etats-Unis et de la Grande-Bretagne (et notamment ses approvisionnements
d’anthrax).
Toute l’histoire démontre que l’impérialisme
américain n’a aucun problème avec les dictateurs,
à condition qu’ils soutiennent ses ambitions et intérêts.
L’argument de la démocratie n’a donc aucune validité
lorsqu’il est avancé par la classe dominante américaine.
Le renversement de Saddam Hussein est la tâche du peuple irakien
– et de personne d’autre.
Les intérêts du peuple irakien ne rentrent
évidemment pas en compte dans les calculs de l’impérialisme.
Les impérialistes ne sont les amis d’aucun peuple. Certes,
ils utilisent parfois les aspirations nationales des peuples, comme
les Kurdes et les Chiites d’Irak, pour leurs propres objectifs.
Ces peuples ne devraient jamais placer leur confiance dans la “bonne
volonté” des impérialistes, lesquels sont totalement
indifférents à leurs souffrances et aspirations.
N’oublions pas le silence des Etats-Unis et
de la Grande-Bretagne, dans les années 80, lors des bombardements
des populations kurdes par le régime irakien au moyen d’armes
chimiques. Leur très lucratif commerce d’armement avec
Saddam Hussein était alors la priorité, et ils n’ont
pas montré le moindre intérêt pour le sort des
Kurdes.
En 1983, l’actuel ministre de la défense,
Donald Rumsfeld, rendait visite à Saddam au moment de sa campagne
d’agression au gaz contre les soldats iraniens. Saddam Hussein
était alors considéré comme un allié fidèle
– pourvu qu’il tue des Iraniens. Les Américains
et les Britanniques ont accordé des crédits à
Saddam Hussein pour qu’il achète des armes, et lui ont
offert toutes sortes d’aides militaires. De la même manière,
les Etats-Unis ont soutenu, armé et financé Ben Laden
et les Talibans – pourvu qu’ils tuent des Russes en Afghanistan.
Les impérialistes américains sont les vrais créateurs
de ces personnalités qu’ils diabolisent maintenant comme
étant des terroristes ou des membres de l’Axe du Mal.
L’année précédant la guerre
du Golfe, les Etats-Unis ont envoyé à Saddam des moteurs
d’hélicoptère, 21 lots d’éléments
d’anthrax et des tonnes de gaz asphyxiant. Ils lui ont également
fourni des renseignements à partir de leurs bases de reconnaissance
AWAX en Arabie Saoudite. Les Américains et les Britanniques
ne peuvent invoquer l’ignorance. Ils étaient au courant
de tous les crimes de cette dictature. A la veille du massacre kurde
à Halabja, en 1988, Londres a envoyé un ministre à
Bagdad afin de discuter commerce avec Saddam. Celui-ci venait d’organiser
le meurtre de 5000 Kurdes par attaque gazeuse, mais ils lui ont quand
même accordé un crédit de £340 millions
additionnels pour des échanges commerciaux, et les Américains
un milliard de dollars.
En décembre dernier, le gouvernement américain
a confisqué les 12 000 pages fournies par l’Irak
concernant leur programme d’armement. L’excuse :
c’était de l’information “sensible” qui
nécessitait “un petit travail d’édition”.
Dans les faits, ce travail fut tellement poussé qu’ils
n’ont livré que le quart des documents aux membres non-permanents
du Conseil de sécurité de l’ONU ! Ils devaient
en effet cacher le fait que plus de 150 compagnies (américaines,
britanniques, et autres) avaient été impliquées
dans l’approvisionnement de l’Irak en armes nucléaires
et chimiques – souvent par des transactions illégales,
comme l’a révélé le scandale du “super-gun”
en Grande-Bretagne. Ils souhaitent couvrir les traces qui exposeraient
leur longue complicité avec le régime de Saddam Hussein
et son programme d’armement.
Toutes les protestations concernant les crimes de
la dictature irakienne relèvent d’une hypocrisie cynique
poussée à son plus haut degré. L’invasion
planifiée de l’Irak n’a rien à voir avec
la démocratie ou l’humanitarisme. Ce n’est là
qu’un simple exercice de cynisme politique de la part des grandes
puissances. De fait, ce sont les impérialistes britanniques
qui, les premiers (dans les années 20), ont initié la
politique brutale de bombardement des villages kurdes. Il est de notoriété
publique qu’en 1919, lors de la présence britannique
dans la région, Winston Churchill, alors Ministre de la Guerre,
prônait l’utilisation d’asphyxiants sur ce qu’il
appelait “les tribus barbares” – ainsi nommait-il
le peuple kurde. C’était d’ailleurs le premier
bombardement systématique de civils de l’histoire.
En 1991, après la défaite irakienne,
les populations chiites du sud de l’Irak ont été
encouragées à renverser le pouvoir central. Mais, sous
la pression de l’Arabie Saoudite, qui redoutait une croissance
de l’influence chiite (et iranienne) en Irak, les Américains
ont fait machine arrière et ont permis aux forces de Saddam
Hussein d’écraser le soulèvement chiite. Comment
peut-on, après cela, assurer que les impérialistes se
soucient du sort des minorités nationales en Irak ?
Une guerre de conquête dirigée par les
Etats-Unis n’aidera pas les nationalités opprimées
de ce pays. Elles seront manipulées et utilisées pour
vaincre les forces irakiennes sur le terrain et limiter ainsi le nombre
de victimes américaines (c’est tout au moins ce qu’ils
espèrent). Mais une fois cette tâche accomplie, elles
se retrouveront de nouveau abandonnées et trahies.
Soyons clair : ce serait un acte de trahison que de
présenter cette guerre comme un moyen d’aboutir à
l’auto-détermination des Kurdes. La Turquie, grand allié
des Etats-Unis dans la région, ne le permettrait jamais. Les
capitalistes turcs n’envisagent pas de participer à cette
guerre par amour de la démocratie, et encore moins par amour
des Kurdes ! Elle convoite les gisements de pétrole de Kirkouk
et de Mossoul, que les Kurdes revendiquent eux aussi. Ankara l’a
dit ouvertement : l’armée turque envahira et écrasera
les Kurdes s’ils essayent de s’emparer de ces gisements
– sous le regard passif des généraux américains.
Nous défendons le droit du peuple kurde à
avoir son propre territoire, mais nous soulignons que cela ne peut
se faire que par un renversement révolutionnaire des régimes
réactionnaires de Bagdad, Téhéran et Ankara.
Sur des bases capitalistes, il ne peut y avoir de véritable
solution au problème kurde. Les Kurdes doivent s’unir
avec les classes ouvrières de la Turquie, de l’Irak et
de l’Iran dans leur lutte pour un pouvoir ouvrier et paysan.
Sur les bases d’une fédération socialiste, il
serait possible d’aboutir à une République Socialiste
Kurde autonome, qui posséderait tout les droits démocratiques
et nationaux – y compris celui de faire sécession, si
elle le souhaite.
Ceux qui expliquent que le seul moyen d’obtenir
l’auto-détermination des minorités nationales
de cette région est de soutenir l’impérialisme
contre Bagdad – ceux-là trompent le peuple. C’est
une politique criminelle et réactionnaire qui entraînera
les Kurdes et les Chiites dans une nouvelle impasse. Il n’y
a aucune issue pour les Kurdes, les Chiites et les autres peuples
de la région sur de telles bases.
Dans la mesure où les impérialistes
américains et britanniques font face à de fortes résistances
chez eux, ils s’efforcent de convaincre l’opinion publique
que cela ne va être qu’un petit ” raid chirurgical
” dirigé exclusivement sur des cibles militaires. Ainsi,
la population civile ne souffrirait pas et se précipiterait
dans les rues pour recevoir leur “libérateur” occidental
les larmes aux yeux et des bouquets de fleurs pleins les bras. Cependant,
comme toujours, il y a un abyme entre la propagande officielle et
la réalité.
Bien que la presse n’en parle pas, l’aviation
américaine et britannique bombarde continuellement l’Irak
depuis plus de dix ans. L’an dernier, la Grande-Bretagne a dépensé
quatre millions de livres par semaine dans ces activités criminelles.
Durant la même période, plus d’un million d’enfants
irakiens sont morts en conséquence des sanctions cruelles qui
ont paralysé l’économie et poussé une nation
autrefois prospère dans la pauvreté et le désespoir.
Aujourd’hui, Bush et Blair ne s’en contentent plus, et
se préparent à un nouvel assaut sanglant.
La classe dirigeante américaine est bien évidemment
soucieuse de faire le moins de victimes possible : c’est à
dire de victimes américaines. Elle va donc vouloir commencer,
comme d’habitude, par une campagne dévastatrice de bombardement
destinée à “ramollir” les défenses
aériennes, les communications et les quartiers généraux
irakiens, avant de déployer les forces américaines et
alliées dans le pays, dans un ensemble de manœuvres conçues
par les stratèges américains pour isoler le commandement
irakien dans des “poches” de plus en plus étriquées.
Leur plan impliquerait quatre divisions américaines et une
division blindée britannique. Les forces britanniques incluraient
la 7ème brigade – “les Rats du Désert”
– et plus de 200 chars Challenger, ainsi que des éléments
du corps d’élite SAS.
Le nombre réel de victimes civiles sera beaucoup
plus élevé que ce qui est suggéré. Selon
un rapport du Pentagone, au cours des premières 48 heures,
800 missiles téléguidés tomberont sur l’Irak.
Cela équivaut à plus de deux fois le nombre total de
missiles lancés lors de la campagne de 40 jours de 1991. Tous
les discours sur les soi-disant “bombes intelligentes” ne
sont que des inventions destinées à convaincre l’opinion
publique qu’il y aura très peu de victimes civiles. C’est
un non-sens. Il est bien connu que la propagande au sujet des “bombes
intelligentes”, lors de la dernière guerre en Yougoslavie,
était destinée à tromper l’opinion.
Le vrai but des envahisseurs a été
révélé par un porte-parole du Pentagone, qui
a dit qu’ils avaient l’intention de briser l’Irak
” physiquement, émotionnellement et psychologiquement
“. Un stratège militaire du nom de Harlan Ullman a déclaré :
“On ne sera nulle part en sécurité à Bagdad.
Une opération de cette échelle n’a jamais été
réalisée jusqu’ici. Il s’agit de destructions
massives et simultanées, étalées non pas sur
des jours ou des semaines, mais plutôt sur des minutes, comme
celles provoquées par l’arme nucléaire à
Hiroshima.” Et George Bush affirme qu’il est prêt,
“si nécessaire”, à utiliser des armes nucléaires.
Tel est le véritable visage qui se cache derrière le
masque souriant de la “démocratie humanitaire.”
Le coût humain de cette guerre sera sûrement
terrifiant. Un rapport confidentiel de l’organe de Santé
des Nations Unis, cité par John Pilger dans le Daily Mirror
(29 janvier 2003), estime que “près de 500 000 personnes
pourraient avoir besoin de traitement en conséquence de blessures
directes ou indirectes.” En outre, le nombre total de morts et
de blessés sera beaucoup plus élevé que le nombre
de personnes directement tuées par les bombardements.
Suite à la dernière Guerre du Golfe,
les Américains et leurs alliés ont laissé sur
les champs de batailles irakiens entre 300 et 800 tonnes d’Uranium-238.
Les conséquences, sur la population irakienne, ont été
désastreuses. L’uranium appauvri provoque des cancers
du sang, des os et du foie. Il dégage des nuages de minuscules
particules radioactives qui contaminent les poumons. Il est pratiquement
impossible de le détruire, et de nombreuses régions
de l’Irak sont donc contaminées pour longtemps par la
radioactivité.
Des pédiatres, à Basra, ont rapporté
une augmentation de 1200% des cas de cancer et de leucémie
infantile depuis la dernière guerre. Le nombre de cas de malformation
à la naissance a doublé dans les régions où
l’uranium a été utilisé. Des bébés
sont nés sans yeux ou sans cerveau. Ce genre de phénomène
était inconnu avant 1991. Du fait des monstrueuses sanctions
imposées sur l’Irak après la guerre, les docteurs
irakiens ne reçoivent ni les machines anti-radioactives, ni
les antibiotiques, ni les médicaments thérapeutiques
requis pour soigner ces enfants.
Ces effets sont bien connus des experts américains,
puisqu’ils ont été étudiés avant
la dernière guerre. Cela nous révèle tout ce
que nous avons besoin de savoir à propos des sentiments humanitaires
des leaders de notre civilisation occidentale. Aujourd’hui,
ils prévoient d’infliger de nouvelles horreurs à
un peuple déjà traumatisé.
Ces derniers mois, les bombardements de cibles irakiennes
et les missions dans les “zones d’exclusion aérienne”
du nord et du sud ont augmenté de 40%. Cela a déjà
fragilisé les installations défensives, ce qui permettra
aux envahisseurs d’accéder rapidement au centre de l’Irak.
Nous avons souligné, il y a quelques temps, que les récents
bombardements représentaient en fait les premiers tirs de la
guerre contre l’Irak. Cela a été confirmé.
Toute l’agitation autour de l’ONU n’était
qu’un écran de fumée derrière lequel Washington
se pressait de mettre en place ses installations militaires. Dans
les faits, la guerre a déjà commencé.
Dans la période de dégénérescence
de l’empire romain, le pouvoir était détenu par
des empereurs corrompus et sans scrupules qui se comportaient comme
d’ordinaires bandits. Aujourd’hui, les principaux représentants
politiques de la classe dirigeante américaine forment une association
de malfaiteurs qui ont acquis leurs principes moraux dans la jungle
du monde des affaires. Cette morale de bandits, dont nous avons vu
l’application dans l’affaire Enron, nous les voyons la
mettre à l’œuvre dans la grande arène de
la politique mondiale.
Ces gens sont des parvenus ignorants, mesquins et
vulgaires – à l’image de la classe dont ils sont
issus. Il leur manque la finesse des vieux patriciens, des Roosevelt
et des Kennedy. Autrefois, ces derniers menaient le même genre
de politique avec davantage d’habileté. La main de fer
était habillement cachée dans le gant de velours de
la diplomatie. Aujourd’hui, ils la jettent brutalement sur la
table et aux visages. Ceci a l’avantage de révéler
la vraie nature de l’impérialisme à tout ceux
qui ont des yeux pour voir et un cerveau pour comprendre. Les actuels
dirigeants de l’impérialisme américain sont des
personnes vénales dont les vues se limitent au cadre de leur
compte en banque et dont la compréhension de la politique mondiale
ne dépasse guère l’usage de la force brute. Nombre
d’entre eux sont impliqués dans des grosses affaires
d’abus de biens sociaux. Mais au lieu d’être condamnés
par la justice, ils se maintiennent à la tête de la nation
la plus puissante au monde. Tel est le spectacle de la politique mondiale
dans la première décennie du XXIe siècle.
Le comportement de la clique mafieuse de la Maison
Blanche se rapproche singulièrement de celle des barons malfaiteurs
du Moyen-Âge (les vrais ancêtres historiques de la mafia).
Mais alors que les anciens barons étaient d’une certaine
façon entravés dans leur action par la nature primitive
de leur armement et la petite taille de leurs royaumes, nos condottieri
modernes s’appuient sur l’arsenal d’armes de destruction
massive le plus puissant jamais connu dans l’histoire de l’humanité.
Leur monnaie d’échange est la politique cynique de la
force, appuyée par la diplomatie du canon. Ils déchirent
les traités sans sourciller, déclarent la guerre à
un pays sans le moindre prétexte et vont ensuite se coucher
d’un sommeil lourd qu’aucune mauvaise conscience ne vient
troubler. Tels sont les hommes et les femmes qui tiennent aujourd’hui
entre leurs mains les destinées du monde !
Ce n’est pas par hasard que la clique dirigeante
de Washington est composée d’hommes et de femmes du monde
du pétrole. George W. Bush, le fils du grand magnat du pétrole
George Bush senior, est aussi le fondateur de la compagnie pétrolière
Arbusto, un ancien actionnaire de Spectrum 7 Energy, et enfin un ancien
dirigeant de Harken Oil and Gas. Son vice président Dick Cheney
est un ancien PDG de Halliburton Industries et est également
engagé dans Unocal, Exxon, Shell et Chevron – un véritable
annuaire des grandes sociétés pétrolières !
Et n’oublions pas Condoleeza Rice, une ancienne dirigeante de
Chevron Oil et de Caspian Oil. Elle est si intimement liée
à l’industrie du pétrole qu’on a donné
son nom à un navire pétrolier. Ces liaisons étroites
avec les grandes compagnies pétrolières jouent incontestablement
un rôle de premier plan dans leurs calculs.
Ces brigands impérialistes n’attendaient
qu’un prétexte pour attaquer. Les grandes compagnies
pétrolières se préparent au pillage à
grande échelle de l’Irak. Les impérialistes étaient
d’autant plus disposés à accorder du temps à
l’ONU qu’ils avaient eux-mêmes besoin de temps pour
positionner leurs troupes. Par ailleurs, toute classe dirigeante,
dans l’histoire, a évidemment besoin d’une idéologie
pour justifier ses actions. A la fin du Moyen-Âge, les hommes
sans scrupules qui usaient de tous les moyens pour s’emparer
du pouvoir et le conserver – assassinat au poison ou au poignard,
intrigues, complots et mensonges – trouvaient une excellente
justification dans les écrits de Machiavel. Bien qu’il
lui manque la profondeur du grand Florentin, l’actuelle armée
des écrivains vénaux et autres propagandistes prostitués
des cliques dirigeantes de Londres et Washington a mis du cœur
à l’ouvrage pour inventer mille et un motifs plausibles
justifiant la crucifixion de l’Irak.
Contradictions dans
le camp impérialiste
Les impérialistes américains, qui n’ont
que du mépris pour l’opinion publique mondiale, se sont
trouvés isolés – exception faite de la Grande
Bretagne -, mais cela ne les dérange pas outre mesure.
Ils savent que le leur isolement est temporaire, que leurs alliés
hésitants peuvent être gagnés par un savant mélange
de pots-de-vin et de menaces. Les officiels de l’administration
américaine ont fait clairement comprendre qu’ils considéraient
la résolution 1441 comme une base légale pour lancer
seuls l’attaque militaire, au cas où les membres du Conseil
de Sécurité n’arriveraient pas à se mettre
d’accord sur la manière de réagir face à
d’éventuelles violations de la part de Bagdad. Ainsi,
la guerre commencera probablement avant la fin du mois de mars, dans
la mesure où la chaleur du désert ne leur permet pas
d’attendre plus longtemps.
Le gouvernement britannique joue un rôle méprisable
dans cette aventure de l’impérialisme américain.
Londres a envoyé aux frontières de l’Irak 40 000
soldats – soit le tiers des effectifs de l’armée
britannique. Tony Blair agit comme le petit caniche de Washington
qui se tient prêt à sauter quand son maître lui
en donne l’ordre. L’idée ridicule que la Grande-Bretagne
est l’égale des Etats-Unis ne trompe personne, pas même
Tony Blair. Au contraire, sa soumission servile à Washington
est le reflet de la position secondaire du capitalisme britannique
sur l’arène mondiale. La Grande-Bretagne a pratiquement
été réduite au statut de satellite de l’impérialisme
américain, sans volonté propre.
Il est clair qu’il y a de profondes contradictions
entre les différentes puissances impérialistes. Les
Etats-Unis, la France et la Russie se battent pour défendre
leurs intérêts sur l’arène internationale,
et en particulier au Moyen Orient. Ils continuent à se quereller
au sein du Conseil de Sécurité, mais ces querelles sont
vraiment sans rapport avec les rapports de force réels. L’heure
des politesses diplomatiques est passée. Les protestations
de Paris et Berlin n’ont aucun effet. Ces derniers vont, au
cours des semaines à venir, se faire de moins en moins bruyants.
Les dirigeants russes ont déjà commencé à
changer de ton, et les Français ne vont pas tarder à
faire de même. Après tout, selon l’expression anglaise,
“la discrétion est souvent la meilleure forme du courage”.
En fait, les pays “contre la guerre” n’ont
pas vraiment le choix – sauf à faire la guerre aux Etats-Unis.
Une action unilatérale des Etats-Unis révélerait
la complète impuissance du Conseil de Sécurité,
et exposerait la faiblesse de Paris et de Moscou. Face au fait accompli,
les Russes ont déjà mis au point les prémisses
d’un accord avec Washington pour soutenir la guerre en échange
de contrats, d’argent, et d’un peu de compréhension à
l’égard de leur “petit problème” tchétchène.
Par conséquent, après avoir fait beaucoup
de bruit, les Russes pourraient complètement changer de position
lorsque l’heure de vérité arrivera, et s’y
préparent dores et déjà. Pour les dédommager,
quelques petites récompenses transiteront par-dessous la table.
Les impérialistes français, quant à eux, sont
un peu plus compliqués. Ils veulent défendre leur position
sur l’échiquier mondial et ont leurs propres intérêts
en Irak, lesquels ne s’accordent pas avec les plans de l’administration
américaine. Mais à eux aussi on fera comprendre que
s’ils mettaient leur veto au Conseil de Sécurité,
les Etats-Unis et la Grande-Bretagne attaqueraient quand même
l’Irak, ce qui leur infligerait une humiliation (ce qu’ils
n’aimeraient pas), et les priverait de contrats (ce qu’ils
aimeraient encore moins). Ils se préparent, eux aussi, à
changer de ton.
Les Européens ne sont pas plus moraux et pacifiques
que les Américains, mais simplement plus faibles. Leur attachement
à la paix et à la diplomatie s’explique par le
fait qu’ils n’ont pas la puissance militaire pour imposer
leur volonté à la façon américaine. Les
Etats-Unis se frayent leur chemin dans le monde en écrasant
les oppositions et en s’imposant par un mélange de menaces,
de corruption et de brutalité. C’est comme si la vie
politique internationale se déroulait suivant le scénario
du film Le Parrain.
Nul n’est aussi aveugle que celui qui ne veut
pas voir. Malgré l’accumulation de simples faits les
contredisant, il y a encore des simples d’esprit qui croient
dans cette chose qu’on appelle le droit international. Ces personnes
bien intentionnées veulent toujours – chose incroyable
– recourir aux Nations Unies pour éviter la guerre.
Pendant que les réformistes de droite, comme
Blair, soutiennent ouvertement l’impérialisme, les réformistes
de gauche demandent que tout recours à la force contre Saddam
Hussein soit approuvé par le Conseil de Sécurité.
Ils ne disent pas “non à la guerre”, mais : “pas
de guerre sans l’appui de l’ONU”. Ces mêmes
personnes accueillaient, il n’y a pas si longtemps, la ratification
de la résolution 1441 comme une victoire pour la paix ! Ils
affirment que la résolution 1441 ne parle pas d’action
militaire, seulement “d’inspections” et de “désarmement” !
Ils recommandent vivement à Saddam de coopérer avec
le chef des inspecteurs de l’ONU, Hans Blix. Et ainsi de suite.
Tous ceux qui, ces derniers mois, ont fait beaucoup
de battage pour l’engagement de l’ONU ont été
servis. L’ONU a voté la résolution 1441, qui en
pratique ouvre la voie à une action militaire contre l’Irak
et fournit aux Etats-Unis une excuse pour une future agression. L’encre
de la résolution n’était pas encore sèche
que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne partaient en campagne avec
comme devise : “on ne peut pas croire Saddam.”Quelques heures
après que la résolution a été adoptée
à l’unanimité, Bush était déjà
en train d’avertir le Conseil de Sécurité de ne
pas “tomber dans des débats stériles pour savoir
si certains cas de non-conformité sont sérieux”.
Dans quelle mesure tout cela fut utile à la
paix, c’est difficile à dire. Immédiatement après
l’approbation de l’ONU pour une action plus dure envers
l’Irak – c’est-à-dire le vote de la résolution
1441 -, George Bush a accéléré la planification
d’une intervention militaire massive contre Bagdad. Bush et
Blair ont dit clairement et à plusieurs reprises que tout manquement
par l’Irak pourrait mener à une action militaire immédiate
sans autre résolution de l’ONU. Bien avant que le Conseil
de Sécurité ait voté pour le désarmement
de l’Irak, Bush avait approuvé un plan pour évincer
Saddam Hussein du pouvoir.
Les appels à l’ONU ne sont pas seulement
naïfs et peu clairvoyants, ils sont tout à fait nuisibles.
Le vote au Conseil de Sécurité n’était
qu’un écran de fumée derrière lequel les
préparatifs de la guerre ont continué à un rythme
délirant. Alors que l’opinion publique était distraite
par les bouffonneries du Conseil de Sécurité, Bush et
ses hauts fonctionnaires avaient déjà approuvé
l’ébauche d’un plan impliquant une attaque terrestre
en Irak par plus de 200 000 soldats.
Il y a longtemps, Lénine déversait
son mépris sur ceux qui faisaient appel à la Société
des Nations – l’ancêtre de l’ONU – pour
“arrêter la guerre”. Il en parlait comme d’un
“repaire de brigands”. L’ONU ne vaut pas mieux que
la Société des Nations. Là où l’ONU
est intervenue, comme en Corée et au Congo, elle a joué
un rôle ouvertement contre-révolutionnaire. Les choses
ne sont pas différentes en ce qui concerne l’Irak.
L’ONU n’est pas un arbitre neutre, mais
seulement un forum des puissances capitalistes qui peut parfois atteindre
un accord sur des sujets secondaires, mais qui ne peut rien changer
sur les questions fondamentales. Le contraste entre la quasi-inactivité
de l’ONU au sujet de la Palestine et sa défense de l’agression
américaine envers l’Irak en est la preuve évidente.
L’ONU reste les bras croisés pendant que Sharon massacre
des civils palestiniens désarmés et foule aux pieds
ses propres résolutions. Pendant ce temps, Georges W. Bush,
qui montre tant de zèle à faire respecter l’autorité
de l’ONU contre l’Irak, ne mentionne même pas le
fait qu’Israël crache sur l’ONU depuis des dizaines
d’années. Au contraire, il soutient Sharon.
Ce que montre tout ceci, encore une fois, c’est
la nature complètement réactionnaire des Nations Unies,
et l’attitude désespérément utopique des
gauchistes et pacifistes qui font toujours appel aux Nations Unies
pour “défendre la paix”. Cependant, il n’est
pas inconcevable que les Etats-Unis, grâce à une combinaison
de pots-de-vin et de menaces, puissent obtenir une nouvelle résolution
du Conseil de Sécurité conforme à ses objectifs.
Les leçons de tout ceci doivent être
évidentes, même pour un aveugle : de même qu’il
ne peut y avoir d’arbitrage impartial entre les classes, il
ne peut y en avoir entre les nations. Il est donc complètement
inadmissible, pour des socialistes, d’avoir la moindre illusion
dans les Nations Unies ou de faire appel à cette instance –
quelles que soient les circonstances. Nous condamnons toutes les tentatives
de conditionner le destin du peuple irakien aux intrigues qui ont
lieu à l’ONU. De telles absurdités servent seulement
à brouiller les pistes et fournir une excuse potentielle à
la guerre. Nous sommes complètement opposés à
une quelconque attaque contre l’Irak – avec ou sans la
bénédiction du Conseil de Sécurité.
La concentration de richesses et de pouvoir dans
petit nombre de mains est la conséquence inévitable
de l’impérialisme et du capitalisme monopolistique : quelques
multinationales géantes possèdent et contrôlent
la grande majorité des moyens de production.
L’ensemble du commerce mondial est contrôlé
par 200 énormes entreprises, dont la grande majorité
sont américaines. Toutes les décisions importantes sont
prises par les directions de ces multinationales. Des petits groupes
d’individus, qui n’ont pas été élus
et ne sont responsables devant personne, décident de l’avenir
de peuples entiers. Ce sont eux qui décident si des millions
de personnes vont travailler, manger, vivre – ou non.
A côté du pouvoir de ces gens, le pouvoir
des gouvernements élus est réellement insignifiant.
George W. Bush est le président de la première puissance
mondiale, mais il est en réalité un pur produit des
grandes multinationales, dont il sert les intérêts. Il
le fait, sinon intelligemment, du moins volontiers, car il est lui-même
membre de la classe extrêmement fortunée des barons du
pétrole, laquelle constitue une fraction essentielle de l’oligarchie
américaine. Son dernier plan de réductions d’impôts
est particulièrement favorable aux riches : 1 % de la population
la plus riche va bénéficier de 45 % du total des allégements
fiscaux.
Tous les discours sur la démocratie ne sont
que phrases vides de sens destinées à cacher l’affreuse
réalité du capitalisme américain, lequel cherche
à dominer le monde entier et à se soumettre tous les
pays.
Sur les lèvres de gens comme Bush et Blair,
la “démocratie” signifie la dictature des grosses
banques et entreprises, la “paix” signifie la domination
militaire des Etats-Unis et le désarmement de ses ennemies,
et l’”humanitarisme” n’est que la justification
des plus brutales interventions militaires.
A l’époque de l’impérialisme,
la démocratie n’est plus qu’un mot creux. Les décisions
les plus importantes sont prises en dehors des parlements, c’est-à-dire
dans les bureaux des directions des grandes entreprises. En Grande-Bretagne,
le pouvoir gouvernemental est passé du parlement au cabinet
ministériel, et du cabinet ministériel à une
petite clique d’officiels et autres ” conseillers ”
de Tony Blair. Aux Etats-Unis, ce pouvoir est détenu par une
clique similaire organisée autour de George W Bush. Et on peut
dire la même chose de tous les pays capitalistes qui se réclament
de la démocratie. L’opinion publique est traitée
avec mépris. Seuls comptent le complexe militaro-industriel
et les grandes compagnies pétrolières. Cependant, on
assiste au début de profonds changements dans la société
américaine. Les manifestations de masse, de Washington à
San Francisco – alors que la guerre n’a pas commencé
– sont le signe que quelque chose est en train de changer.
Partout, les droits démocratiques sont attaqués,
cependant que les forces répressives des appareils d’Etat
sont considérablement renforcées. Les lois ” anti-terroristes
” passent sans susciter trop de questions. Or ces lois peuvent
être utilisées, demain, contre le mouvement ouvrier.
Sous couvert de “guerre contre le terrorisme”, les droits
démocratiques sont remis en cause, et on vote l’affectation
d’énormes budgets aux “services de sécurité”
– lesquels ont montré leur profonde incompétence
lors du 11 septembre 2001. Les traitements ignobles qu’elle
fait subir aux prisonniers de Guantanamo expriment bien la froide
cruauté de l’administration américaine. Ces prisonniers,
qui ne sont pas passés devant un tribunal, subissent la torture,
l’humiliation, et toute sorte de mauvais traitements. Et notre
“presse libre” accepte tout cela sans sourciller, sous prétexte
que ces prisonniers sont considérés comme des terroristes.
Nous devons lutter contre toute tentative de remettre
en cause nos droits démocratiques, en particulier les droits
de faire la grève et de manifester. Ces droits ont été
conquis de haute lutte par le mouvement ouvrier, contre la résistance
acharnée des capitalistes – lesquels, cependant, n’hésitent
pas à se présenter aujourd’hui comme de ”
vrais démocrates “. De fait, la classe dominante a toujours
été l’ennemie de la démocratie, et ne l’a
tolérée – sous une forme partielle et tronquée
– que dans la mesure où elle y était forcée
par la pression des masses. Le mouvement ouvrier ne doit en aucun
cas accepter la moindre restriction de ses droits démocratiques
sous prétexte de ” lutte anti-terroriste “. Nous
avons intérêt à l’existence du plus grand
nombre de droits démocratiques, dans la mesure où ceux-ci
offrent les meilleures conditions dans la lutte pour changer la société.
Cependant, nous devons comprendre qu’aucun de ces droits ne
sera définitivement acquis tant que la terre, les banques et
les grandes entreprises demeureront le monopole privé de la
classe capitaliste.
Toutes les guerres sont précédées
d’une avalanche de propagande destinée à confondre
l’opinion publique, diaboliser l’adversaire, lui attribuer
la responsabilité du conflit et, ainsi, justifier l’agression.
Il est nécessaire de suivre attentivement le cheminement complexe
de la diplomatie impérialiste, de façon à découvrir
les manœuvres et intérêts que cachent les grandes
phrases sonnantes.
On n’a peut-être jamais connu, dans l’histoire,
un tel degré de manipulation des médias. Jamais la “liberté
de la presse” n’est apparue aussi vide de sens qu’aujourd’hui.
Les médias de masse sont impliqués à fond dans
la préparation de la guerre. Aux Etats-Unis, la presse est
presque complètement tombée sous l’influence des
services de presse de la Maison Blanche, lesquels constituent aujourd’hui
un formidable appareil. Dès que les armes commenceront à
gronder, ceux qui s’opposent aujourd’hui à la guerre
seront réduits au silence.
A l’époque de l’impérialisme,
il est futile d’attendre des médias qu’ils soient
indépendants. Alors que les principaux organes de presse sont
la propriété d’immenses entreprises, la notion
de “liberté éditoriale” ne peut que faire
sourire. Les journaux qui expriment une sorte d’opposition sur
des questions secondaires ne le font que pour ménager leur
ralliement total au capitalisme et à l’impérialisme
sur les questions essentielles.
Il est du devoir des travailleurs les plus conscients
de s’intéresser aux zigzags de la diplomatie et d’essayer
de comprendre quels intérêts de classe défend
leur propre gouvernement. Nous devons toujours garder à l’esprit
que notre principal ennemi est chez nous, et qu’en aucune circonstance
nous ne devons accorder la moindre confiance à nos capitalistes
quand ils parlent de défendre la paix, la liberté et
la démocratie.
Si nous nous soumettons à la direction de
notre classe capitaliste dans le domaine de la politique internationale,
nous finirons inévitablement par accepter sa dictature dans
notre propre pays. La politique étrangère n’est
que le prolongement de la politique intérieure. La guerre n’est
que la continuation de la politique par d’autres moyens. Par
conséquent, nous ne devons pas avoir une politique pour les
temps de paix et une autre, complètement différente,
pour les temps de guerre. Dans la guerre comme dans la paix, nous
resterons implacablement opposés au patronat et à son
Etat, et nous nous battrons pour défendre les intérêts
et l’indépendance du salariat et de ses organisations.
Les dirigeants réformistes essayent de nous
persuader de la nécessité d’interrompre la lutte
des classes en temps de guerre, “pour le bien de la nation”
et “pour soutenir nos soldats”. Ce n’est là
qu’une feinte cynique. Partout, les gouvernements font des coupes
sombres dans les dépenses sociales, sous prétexte “qu’il
n’y a pas d’argent dans les caisses” pour payer des
infirmières, des professeurs, des pompiers, ou pour construire
des écoles, des logements et des hôpitaux. Par contre,
il y a toujours beaucoup d’argent disponible pour construire
des bombardiers et des missiles, ou pour envahir l’Afghanistan
et l’Irak. De même, il y a toujours assez d’argent
pour les propriétaires d’entreprise en faillite.
La collaboration de classe est inacceptable, en temps
de guerre comme en temps de paix. Nous devons dire la vérité
aux travailleurs : cette guerre n’est dans l’intérêt
que des compagnies pétrolières, du complexe militaro-industriel
et de l’impérialisme américain en général.
Elle va à l’encontre des intérêts du salariat
et des peuples du monde entier.
Il est demandé aux troupes qui vont se battre
en Irak de verser leur sang pour le profit des grandes compagnies
pétrolières et des marchands d’arme. Les intérêts
des soldats ne peuvent être défendus que par la lutte
implacable contre l’impérialisme et le militarisme. Telle
est l’actuelle priorité du mouvement ouvrier.
Les travailleurs du monde entier n’ont pas
intérêt à l’oppression d’un peuple
par un autre. Pour sa part, le capitalisme produit inévitablement
l’impérialisme et la lutte internationale pour des marchés,
des matières premières et des sphères d’influence.
Le capitalisme signifie la guerre. La lutte contre la guerre est par
conséquent indissociable de la lutte contre le capitalisme
et pour la transformation socialiste de la société.
Le capitalisme signifie
la guerre
Une approche purement sentimentaliste ou pacifiste
de la guerre ne mène à rien. Ce serait agir comme un
docteur qui, plutôt que de diagnostiquer la maladie de son patient
et lui prescrire les médicaments appropriés, se contenterait
de se lamenter sur les symptômes de sa maladie. Le patient pourra
lui être reconnaissant de s’émouvoir, mais n’en
tirera pas grand bénéfice.
Pour mener une lutte efficace contre la guerre, il
faut d’abord en comprendre les causes, autrement dit comprendre
quels intérêts de classe sont en jeu. Lénine expliquait
que la guerre découlait inévitablement de l’impérialisme.
Aujourd’hui – époque de déclin du capitalisme
– c’est encore plus vrai qu’à l’époque
où Lénine l’écrivait. La crise générale
du capitalisme prend la forme d’une instabilité générale
– économique, politique et militaire.
La guerre ne peut être évitée
par l’ONU ou par de simples appels pacifistes, mais seulement
par des actions de masse et la lutte révolutionnaire contre
l’impérialisme et le capitalisme. En dépit des
nombreuses précautions qu’y met le Pentagone, cette guerre
pourrait lui réserver de nombreuses surprises. Les stratèges
de l’impérialisme américain aimeraient que la
guerre soit de courte durée. Ils comptent sur une maîtrise
rapide du territoire, ce qui leur fournirait des bases pour la pénétration
des forces américaines vers le centre du pays.
Les raisons de cet empressement sont évidentes.
Les pays voisins de l’Irak, y compris l’Arabie Saoudite,
font pression sur les Etats-Unis pour qu’ils aillent vite et
tuent le moins de civils possible. L’accumulation d’un
grand nombre de soldats aux frontières du pays suscite l’angoisse
des régimes arabes pro-américains, qui craignent la
réaction de leur population.
Les officiels de la Maison Blanche et du Département
de l’Etat discutent d’une “transition en douceur”
de l’attaque initiale à l’occupation militaire
du pays. Ils semblent très confiants – et sans doute
le sont-ils trop. La guerre est pleine d’impondérables,
et on ne peut en prévoir l’issue avec certitude. Napoléon,
déjà, remarquait que la guerre est la plus complexe
des équations.
Il est impossible de déterminer à priori
quel est le moral des masses et de l’armée irakiennes.
On ne peut dire dans quelle mesure le peuple irakien sera prêt à se battre pour défendre le régime de Saddam
Hussein. Ceci dit, il se battra dans une guerre défensive,
non au Koweït, mais sur son propre territoire. Par ailleurs,
la haine à l’égard de l’impérialisme
américain pourrait s’exprimer dans une forte combativité.
Les envahisseurs pourraient se trouver confrontés à
quelques désagréables surprises.
Il ne sera pas simple d’envahir un pays comme
l’Irak. C’est ce que comprennent les généraux
les plus clairvoyants. La CIA a elle-même de sérieuses
réserves sur toute l’affaire. Si, en 1991, les Américains
ne sont pas allé jusqu’à Bagdad, ce n’est
pas pour des raisons sentimentales, mais par peur des conséquences.
Il y a 12 ans, Dick Cheney disait qu’une attaque contre Bagdad
serait extrêmement dangereuse. Il n’avait peut-être
pas tort. Certains généraux préviennent déjà
qu’un combat dans les rues de Bagdad signifierait la mort d’un
grand nombre de soldats américains. Encore une fois, les Irakiens
se battront dans une guerre défensive sur leur propre territoire.
Quant à Saddam Hussein et la clique dirigeante, ils se battront
pour leur propre survie. Et même si les Irakiens ne possèdent
pas toutes les armes de destruction massive que Bush leur attribue,
ils pourraient avoir suffisamment d’armes pour causer de sérieux
dégâts.
Cela ne signifie pas que les Etats-Unis vont perdre
la guerre. La supériorité colossale de leur puissance
de feu devrait suffire à leur garantir la victoire. Mais à
quel prix ? Toutes sortes de surprises désagréables les
attendent. C’est ce que semble avoir révélé
d’une façon bien particulière le grand exercice
de guerre du Millennium Challenge – la plus grande mise en scène
militaire jamais réalisée, et qui a coûté
quelques 250 millions de dollars. Au cours de cet exercice, basé
sur le scénario de la guerre en Irak, toute la force militaire
des Etats-Unis était opposée à un homme – Paul van Riper, ancien lieutenant de la marine. Résultat : l’armée
américaine a été lourdement battue, avec 15 navires
coulés et 1000 victimes américaines – au moment
où ils ont préféré arrêter l’exercice.
La question du moral se pose dans les deux camps.
Le moral des troupes américaines et britanniques est incertain.
Cette guerre n’est pas populaire, et même des officiers
ont publiquement fait connaître leurs doutes. On a récemment
appris que 65 % des pilotes de combat britanniques étaient
contre la guerre. Si le nombre de morts est plus important que prévu
(ce qui ne peut être exclu), cela aura de sérieux effets
sur le moral des troupes engagées – et, plus important
encore, sur la population américaine en général.
Le pari que fait l’administration de Bush est risqué,
et pourrait se révéler être un très mauvais
calcul.
Même dans l’hypothèse d’une
victoire américaine, les problèmes ne feront que commencer.
Par le passée, la guerre a souvent débouché sur
des révolutions, et il en sera de même à l’avenir.
La monstrueuse agression que prépare l’impérialisme
américain aura certainement des conséquences que n’auront
pas prévues les agresseurs. Quelque soit le résultat
du conflit sur le plan militaire (ce qui est aussi imprévisible),
une profonde déstabilisation en résultera.
L’invasion de l’Irak aura des conséquences
à long terme dans tout le Moyen Orient. Les régimes
arabes pro-occidentaux, comme l’Egypte, la Jordanie et l’Arabie
Saoudite, sont terrifiés par les effets d’une guerre
en Irak sur leurs masses, qui pourraient bien renverser leurs régimes
corrompus. Aussi espèrent-ils qu’il n’y aura pas
de guerre. C’est cependant un vain espoir.
Dores et déjà, les travailleurs et
la jeunesse des pays arabes se mobilisent contre l’impérialisme.
Cependant, cela ne suffit pas. Ces cinquante dernières années,
l’énorme potentiel économique du Moyen Orient
et de l’Afrique du Nord a été gâché
par des régimes capitalises corrompus et composés de
véritables laquais des officines locales de l’impérialisme.
Les énormes sacrifices des masses, lors des luttes de libérations
nationales, ont été complètement dévoyés.
Le monde arabe est aujourd’hui plus que jamais dépendant
de l’impérialisme. Il est temps que ça change !
La révolution anti-impérialiste ne sera victorieuse
que si elle se transforme en une lutte anti-capitaliste des travailleurs
et des paysans pour renverser les monarques arabes, les propriétaires
terriens et les capitalistes.
Le gigantesque potentiel économique que constituent
les réserves de pétrole de cette vaste région
du monde ne sera pleinement exploité que dans le cadre d’une
fédération socialiste des pays du Moyen Orient et de
l’Afrique du Nord. Le socialisme est la seule issue pour les
peuples.
“Les fusils
avant le beurre !”
Au fur et à mesure que l’on glisse vers
la guerre, les marchés boursiers internationaux enregistrent
de profondes baisses. Les cours du pétrole augmentent et continueront
d’augmenter. Les investisseurs sont nerveux. Les rêves
d’une rapide reprise de l’économie devront attendre
– on ne sait combien de temps. La crise économique signifie
que les revenus fiscaux chutent et que les déficits se creusent.
Les énormes dépenses engagées dans la guerre
devront donc être financées par des coupes dans les dépenses
publiques. Autrement dit, la note sera payée par les travailleurs
et les classes moyennes.
Aux protestations de la population, les impérialistes
ont une réponse tout faite : ” Les temps sont difficiles.
Dans l’intérêt de la nation, nous devons faire
des sacrifices. ” Or il s’agit en réalité
du seul intérêt des grosses banques et entreprises qui
contrôlent les affaires de chaque nation. ” Les richesses
du pays, expliqueront-ils, ne sont pas illimitées. Nous devons
faire des choix difficiles, et nous ne devons pas nous dérober
à notre devoir. ” Cependant, les profits et le niveau
de vie des riches sont sacrés : pas touche ! Les “choix
difficiles” affecteront uniquement les sections les plus pauvres
de la société.
Cela signifie, en d’autres termes : “les
fusils avant le beurre !” S’appuyant sur l’excuse
de la menace terroriste, ils se sont tous engagés dans de colossaux
et monstrueux programmes de réarmement. Les sommes investies
dans ce jeu mortel sont vraiment stupéfiantes. Ainsi, l’idée
qu’il “n’y a pas d’argent” pour les choses
élémentaires dont le peuple a besoin n’est qu’un
mensonge pur et simple.
La droite accuse les marxistes de vouloir désarmer
leur pays et le laisser ainsi sans défense. C’est complètement
faux. Nous ne sommes pas des pacifistes, et reconnaissons la nécessité
d’une armée. Mais le type d’armée dont nous
avons besoin pour défendre nos intérêts n’a
rien à voir avec ces monstres démesurés que sont
les armées permanentes des grandes puissances.
De telles armées ne sont pas destinées
à “défendre le pays”, mais à des interventions
impérialistes. Dans le même temps, elles constituent
un élément du “prestige” national et stimulent
les profits des géants de l’industrie militaire. Elles
engendrent une épaisse bureaucratie parasitaire qui absorbe
une partie toujours plus grande des richesses créées
par le travail salarié.
La guerre du Golfe de 1991 a coûté à
la seule Grande-Bretagne entre 2,5 et 3 milliards de livres sterling.
Il est vrai qu’elle a ensuite présenté la majorité
de la note à ses alliés. Aujourd’hui, le ministre
des finances britannique, Gordon Brown, a mis de côté
un milliard de livres sterling pour couvrir les frais de la guerre
à venir. Mais les experts ont calculé que, dans l’hypothèse
d’un conflit de longue durée, les dépenses pourraient
s’élever à quelques 5 milliards de livres.
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale,
les Etats-Unis ont dépensé dans les armes la modique
somme de 19 000 milliards de dollars. Si, pendant 2000 ans, quelqu’un
dépensait tous les jours 26 millions de dollars, cela ferait
toujours moins que ce chiffre hallucinant. En d’autres termes,
de telles dépenses suffiraient à transformer le niveau
de vie des peuples du monde entier. Ce seul exemple suffit à
montrer le caractère réactionnaire et pourrissant du
capitalisme dans sa période actuelle.
Ces puissantes armées ne sont pas là
pour défendre la nation, mais pour des guerres à l’étranger
entre puissances capitalistes rivales. Cela fait partie intégrante
du système capitaliste, et constitue l’un de ses “frais
généraux”. On demandera aux salariés et
aux classes moyennes de financer cette énorme machine et tous
les gros jouets des généraux – qu’ils le
veuillent ou non. Ceci dit, tout cela s’est révélé
être particulièrement inefficace le 11 septembre 2001.
Et, depuis, les armées en question se sont engagées
dans des activités qui, loin de réduire le risque d’actes
terroristes, l’ont au contraire sérieusement aggravé.
Pour justifier les dépenses militaires, l’argument
de la “guerre contre le terrorisme” s’écroule
de lui-même. De quelle utilité sont les missiles nucléaires
et les avions de combats face à une petite bande de fanatiques
armés de cutters ? D’aucune utilité.
De même, l’agression “préventive”
contre l’Irak n’a rien à voir avec la “guerre
contre le terrorisme”, et tout à voir avec la volonté
américaine de parachever son contrôle global des ressources
pétrolières du Moyen Orient. Notre position sur cette
guerre est très simple : opposition complète et active.
Pas un euro, pas une balle, pas un soldat pour la
guerre impérialiste dans le Golfe ! Non au gaspillage que sont
les dépenses militaires massives ! A la place, nous demandons
un vaste programme de travaux publics, et davantage d’investissements
publics pour le logement, les écoles, les hôpitaux et
les retraites !
Pour la nationalisation immédiate de l’industrie
militaire et la confiscation des profits des entreprises de l’armement !
Pour la nationalisation et la planification de l’économie
sous l’administration et le contrôle démocratique
des travailleurs !
Contre l’impérialisme,
le militarisme et le capitalisme !
Une chose est sûre : cette guerre n’est
dans l’intérêt de personne, à part les impérialistes
et les grandes compagnies pétrolières qui se tiennent
derrière la clique de la Maison Blanche. Mais même aux
Etats-Unis, les choses ne seront pas aussi simples que semble se l’imaginer
Bush. Si l’armée américaine commence à
connaître des pertes sérieuses, ce qu’il reste
d’esprits favorables à la guerre s’évaporera
rapidement. Et l’actuel succès de Bush dans les sondages
se transformera en son contraire. Il n’y a pas de grand enthousiasme,
aux Etats-Unis, pour cette guerre, mais plutôt une sorte de
résignation à laquelle se mêle une forte répugnance.
Et cela avant que le premier coup de feu n’ait été
tiré. Le déroulement de la guerre s’accompagnera
d’une montée en puissance de l’opposition.
Dans les autres pays, l’opposition est massive.
En Grande-Bretagne, il n’y pas grand monde en faveur de cette
guerre, et la clique de Tony Blair est complètement en rupture
avec l’opinion majoritaire du pays. Dans la plupart des pays
européens, l’opposition pourrait se transformer, dans
les mois à venir, en un puissant mouvement de masse.
Tous les travailleurs socialistes et communistes,
les syndicalistes et les jeunes qui veulent se battre pour changer
le monde doivent s’investir de la façon la plus active
et militante dans la lutte contre cette guerre. Il est nécessaire
de participer à la création du mouvement le plus massif
possible contre le militarisme et l’impérialisme, et
de s’opposer à cette monstrueuse agression contre le
peuple irakien par tous les moyens à notre disposition.
La priorité, c’est la formation, dans
toutes les villes et tous les pays, de comités d’actions
contre la guerre, impliquant les syndicalistes, socialistes, communistes,
jeunes activistes, étudiants et tous ceux qui veulent engager
une lutte militante.
Unissons-nous pour organiser une campagne d’agitation
massive contre la guerre, au moyen de manifestations, des distributions
de tracts et des meetings dans les lieux de travail, les écoles
et les collèges. Faisons en sorte que la voix du peuple soit
entendue !
Nous devons dénoncer toute tentative, de la
part des impérialistes, d’utiliser les infrastructures
des différents pays “neutres” dans le cadre de leur
action militaire. La campagne menée en Belgique pour dénoncer
l’usage des ports par les navires de guerre est un bon exemple
de ce qui peut être fait. Cet exemple doit être suivi
par les militants de tous les autres pays concernés. De même,
l’initiative du Syndicat des Etudiants espagnol, qui appelle
à la lutte unifiée de tous les étudiants du monde,
doit être partout soutenue.
Par-dessus tout, nous devons nous efforcer de gagner
le soutien du mouvement ouvrier dans notre campagne contre la guerre.
Des résolutions doivent être votées dans les sections
syndicales pour demander que les syndicats prennent position contre
la guerre. Partout où c’est possible, nous devons poser
la question de l’organisation de grèves contre la guerre.
C’est un point qui doit être discuté en priorité
sur les lieux de travail.
Si on explique clairement les idées, les travailleurs
suivront. Dores et déjà, on a vu l’initiative
courageuse de ces deux chauffeurs de train britanniques qui ont refusé
de transporter du matériel destiné à la guerre.
C’est là un symptôme important de l’humeur
qui se développe dans la classe ouvrière.
La constitution d’une campagne contre la guerre
dans le mouvement ouvrier britannique est particulièrement
importante. L’opinion publique y est, dans sa grande majorité,
opposée à la guerre et à la position de Tony
Blair – le petit caniche de Bush. Le comportement de Blair et
de sa camarilla de droite est la honte du mouvement ouvrier britannique.
Avant même le commencement officiel de la guerre, un nombre
important de parlementaires travaillistes britanniques ont voté
contre leur gouvernement sur cette question.
Nous devons nous battre contre cette guerre, mais
nous devons le faire avec une méthode, une stratégie
et une politique correctes : avec une stratégie conforme aux
meilleures traditions du mouvement ouvrier et une politique socialiste
et internationaliste, liant la lutte contre l’impérialisme
à la perspective de la transformation socialiste de la société
– à l’échelle nationale et internationale.
Contre cette guerre criminelle !
A bas l’impérialisme
et le capitalisme !
Le 6 février 2003.
*****************************************
Imprimez et diffusez ce manifeste !
Pour assurer une diffusion aussi large que possible
de ce Manifeste, nous vous invitons à l’imprimer et à
le diffuser dans votre entourage, dans votre lycée, université,
entreprise, section syndicale, section PCF ou PS, et lors des manifestations
contre la guerre. Signez et faites signer le Manifeste par des syndicalistes
et des militants de gauche. Un certain nombre de traductions du Manifeste
ont déjà été faites, mais il est nécessaire
de le traduire dans le plus grand nombre possible de langues étrangères.
Contactez-nous si vous pouvez nous aider à cet égard.
Veuillez nous informer également des manifestations ou d’autres
actions contre la guerre dont vous avez connaissance.
*****************************************
Notre adresse : redaction@lariposte.com
Signataires internationaux :
In Defense of Marxism (www.marxist.com)
La Riposte, Comité de rédaction (France)
Socialist Appeal, Comité de rédaction
(Grande Bretagne)
El Militante, Comité de rédaction (Espagne)
The Struggle, Comité de rédaction (Pakistan)
Asian Marxist Review, Comité de rédaction
(Pakistan/Inde)
Sosialistiki Ekfrasi, Comité de rédaction
(Grèce)
Der Funke, Comité de rédaction
(Autriche)
Ezker Marxista, Comité de rédaction
(Pays Basque, Espagne)
Sinif Mücadelesinde Marksist Tutun, Comité
de rédaction (Turquie)
Falce Martello, Comité de rédaction
(Italie)
Socialist Appeal, Comité de rédaction
(Etats-Unis)
Socjalizm.org (Pologne)
L’Humanité, Comité de rédaction
(Canada)
SocialistiskStandpunkt, Comité de rédaction
(Danmark)
Socialisten, Comité de rédaction (Suède)
Militante, Comité de rédaction (Mexique)
Vonk, Comité de rédaction (Belgique)
Der Funke, Comité de rédaction (Allemagne)
www.1917.com (Russie)
Pobunjeni Um, Comité de rédaction (Yugoslavie)
Workers’ Alternative, Comité de rédaction
(Nigeria)
Fundacion de Estudios Socialistas Frederico Engels
(Espagne)
Youth for International Socialism (YFIS) (Grande
Bretagne, Etats-Unis, Pakistan)
Manzoor Ahmed, Député, Assemblée
nationale, Kasur (Pakistan).
Nigel Pearce, Vice-président du Syndicat national
des mineurs (NUM) Yorkshire (Grande-Bretagne)
Des Heemskerk, Syndicat AMICUS/AEEU Media (Grande-Bretagne)
Miriam Municio, Secrétaire générale,
Comité exécutif national du Sindicato de Estudiantes
(Espagne)
Eva Nesensohn, Présidente des Jeunes Socialistes
de Vorarlberg et membre du Comité exécutif national
(Autriche)
Ina Ratzenböck, Comité exécutif
national des Jeunes Socialistes (Autriche)
Stelios Dafnis, Comité exécutif du
Conseil des syndicats, Athènes (Grèce)
Tsitonis Takis, Comité exécutif du
Syndicat des travailleurs des sites archéoligiques (Grèce).
Dimarogonas Dimos, Comité exécutif
de la Fédération syndicale du Ministère de la
Culture (Grèce)
Claudio Bellotti et Alessandro Giardiello, Comité
exécutif national du Partito della Rifondazione Comunista (Italie)
Dario Salvetti, Elisabetta Rossi, Jacopo Renda, Comité
national, Giovani Comunisti du Partito della Rifondazione Comunista
(Italie)
Paolo Brini, Comité exécutif régional
du syndicat FIOM-CGIL, Emilia Romagna (Italie).
La Riposte