Sur fond de grave crise économique en Israël, “Sharon veut reprendre le contrôle de tous les territoires palestiniens, par la brutalité et la terreur”

En Israël, la situation économique et sociale est très mauvaise, et ce depuis longtemps. L’écart entre le niveau de vie des riches et celui des pauvres s’est sérieusement aggravé depuis le début des années 90. Les gouvernements “travaillistes” dirigés par Perez et Rabin ont appliqué un programme de contre-réforme sociale et de privatisations, entraînant une dégradation générale des conditions de vie des travailleurs. De nombreuses entreprises ont été fermées. D’autres ont quitté le pays pour aller s’implanter à l’étranger, notamment en Jordanie, en Égypte, en Europe de l’Est et au Portugal. Les conséquences sociales ont été particulièrement graves, notamment dans les régions les plus pauvres du pays, c’est-à-dire surtout dans le sud, où le taux de chômage a fortement augmenté. Barak et Sharon ont poursuivi et accentué la politique anti-sociale des gouvernements prétendument “de gauche”. Pour le premier semestre de l’année en cours, le PIB israélien est inférieur à ce qu’il était l’année dernière. Le nombre de chômeurs officiels s’élève à 200 000, et les banques israéliennes prévoient qu’il y en aura 300 000 l’année prochaine. Pendant que les problèmes des salariés s’aggravent et que le niveau de vie du plus grand nombre se dégrade, la concentration des richesses au sommet de la société est plus forte que jamais. Une quarantaine de familles contrôle l’essentiel des ressources industrielles du pays.

Dans les années 90, en raison du contexte économique mondial, marqué par la forte croissance de l’économie américaine et l’expansion du commerce international, certains secteurs de l’économie israélienne continuaient de croître, notamment le tourisme, l’informatique, sans oublier, hélas, l’armement. A l’époque, la classe dirigeante israélienne était encore relativement confiante, et imaginait que la croissance économique se prolongerait. Le projet d’un “Nouveau Moyen-Orient”, plus moderne, doté d’une infrastructure économique plus avancée – le tout sous la domination du capitalisme israélien – symbolisait cet optimisme.

Aujourd’hui, le contexte économique mondial a complètement changé. Le capitalisme est entré dans une phase de récession mondiale. Or, l’économie israélienne est fortement dépendante de l’économie mondiale. Son appareil productif est largement tourné vers l’extérieur, et notamment vers l’économie américaine, qui plonge dans une récession. Les géants du secteur informatique américain, comme Worldcom, qui s’est fortement engagé en Israël, sont en crise. Par conséquent, les annonces de fermetures, de licenciements et de restructurations ont frappé ce secteur. Le tourisme s’est gravement effondré, en raison de la guerre contre les Palestiniens. Les capitalistes du secteur textile ont annoncé de nombreuses fermetures. L’année dernière, par exemple, une grève importante a eu lieu à Qiryat-Gat, dans le sud, contre la délocalisation des usines Bagir. Les patrons de Bagir ont décidé que les profits générés par leurs usines étaient insuffisants. Ils avaient pourtant recruté leurs employés dans des pays sous-développés, afin de les payer au strict minimum. Ils ont cependant décidé de délocaliser en Pologne, au Portugal et en Égypte. Cette décision a provoqué la révolte des salariés et des habitants de Qiryat-Gat, qu’elle confrontait à une véritable catastrophe sociale. Qiryat-Gat est l’une de ces localités auxquelles on a donné le nom de “villes de développement”. Or, en réalité, ce sont surtout des villes de misère et de précarité.

La société israélienne a toujours été fortement marquée par les discriminations racistes et religieuses. Dans les années 50, la population s’est accrue rapidement, par le biais des migrations en provenance de l’Afrique du Nord, notamment du Maroc et de l’Algérie, ainsi que de l’Afrique du Sud et des pays asiatiques. Dès leur arrivée, ces immigrés ont été victimes d’une discrimination flagrante de la part de la classe dirigeante, et ceci dans pratiquement tous les domaines. La classe capitaliste était essentiellement composée d’Européens, et considérait les populations d’origine africaine ou asiatique comme étant de races “inférieures”. Cette discrimination s’exerçait dans les domaines de la langue, du système scolaire et universitaire, de la façon de s’habiller, de la religion, et de l’emploi. Vers la fin des années 50, un mouvement de protestation de grande ampleur s’est développé, notamment à Haïfa, contre les discriminations racistes.

Au début des années 70, le racisme à l’encontre les Africains a créé les conditions de l’essor du mouvement des Black Panthers, qui s’inspirait du mouvement américain du même nom. Les Black Panthers se battaient pour l’égalité des droits civiques dans tous les domaines, proclamaient leur opposition à l’occupation des territoires et se qualifiaient souvent de socialistes et de révolutionnaires. Certains éléments de ce mouvement ont par la suite rejoint le Parti Communiste.

A certains égards, et grâce aux luttes menées dans le passé, les discriminations ont diminué, bien qu’elles existent encore. Par exemple, les étudiants dont les familles sont originaires d’Afrique du Nord et d’Irak ne représentent que 20% de la population universitaire, alors qu’ils constituent près de 50% de la population totale. Les conditions de vie de la population israélienne d’origine arabe sont nettement plus mauvaises, en général, que celles de la population de souche européenne ou américaine. Récemment, des communautés de Falacha, en provenance d’Éthiopie, se sont installées en Israël, et font face à un racisme administratif particulièrement flagrant. Chaque année, pour des raisons de propagande, il importe à la classe dirigeante de démontrer que le Sionisme est encore une force internationale et que l’État d’Israël est capable d’attirer des Juifs du monde entier. L’immigration en provenance de l’Europe est à présent marginale, et l’Agence d’immigration juive ne remporte guère de succès qu’en ratissant dans les pays sinistrés par des crises économiques ou des guerres. Le nombre d’immigrés en provenance d’Argentine est en hausse, par exemple, suite à l’effondrement économique de ce pays. Le nombre de Russes venant s’installer en Israël – des “réfugiés économiques” pour la plupart – augmente également. Cependant, s’il s’agit d’échapper à des crises économiques, il faudrait savoir si celle qui frappe Israël ne sera pas, d’ici quelques années, encore plus grave que celle qui sévit dans ces pays !

La situation dans les territoires occupés est absolument catastrophique. L’infrastructure économique a été pratiquement détruite par les bombardements et le blocus militaire. Sharon prétend que ce ne sont que des objectifs “militaires” qui sont visés. C’est un mensonge. En dehors de quelques richissimes qui s’en sortent plutôt bien, les Palestiniens vivent dans un dénuement et dans une misère effroyables. Les villes et les villages sont militairement cernés et sous le joug de couvre-feux qui peuvent durer jusqu’à 24 heures par jour, et ce durant plusieurs jours consécutifs. Les couvre-feux sont ensuite levés pendant quelques heures, avant d’être de nouveau imposés. Non seulement il est pratiquement impossible de voyager d’une ville à l’autre, mais des milliers de familles ne sont pas autorisées à quitter leurs foyers. Les Palestiniens ne peuvent plus venir travailler en Israël, et de nombreux villages ne survivent que grâce au peu d’aide humanitaire qui passe à travers les barrages militaires.

La construction des colonies juives se poursuit, avec la caution du gouvernement. Dans l’ensemble, la politique réactionnaire et répressive de l’État d’Israël a infligé des terribles souffrances à la population palestinienne.

On connaît le passé de Sharon. Toute sa vie, il a été un opposant implacable à toute négociation au sujet des territoires occupés et à la moindre concession à la population palestinienne. C’est un homme d’extrême droite qui a beaucoup de sang sur les mains, étant personnellement responsable de nombreux massacres perpétrés contre des civils inoffensifs. Il me paraît évident que ce que veut Sharon, c’est créer la situation permettant à Israël de reprendre le contrôle de toute la région, de tous les territoires occupés. Pour y parvenir, il ne connaît pas d’autre langage que celui de la force, de la brutalité, et de la terreur. En détruisant la vie économique et sociale, en terrorisant la population, il veut la forcer à se soumettre complètement. Les Palestiniens se sont révoltés contre cette répression, et il est de notre devoir, en tant que socialistes et internationalistes, de les soutenir dans ce combat.

L’idée que tous les Israéliens sont contre la cause palestinienne est manifestement fausse. Pour commencer, une forte proportion des citoyens israéliens est d’origine palestinienne et arabe. Plus généralement, dans l’ensemble de la population, il y a une prise de conscience grandissante quant aux conséquences sociales et économiques ruineuses de cette guerre, dont on ne voit aucune issue. Ce qui a compliqué la tâche des opposants israéliens, ce sont les attentats terroristes. Quand Sharon condamne le terrorisme, il fait preuve d’une hypocrisie criante. L’État d’Israël est en train d’employer la terreur à une échelle incomparablement plus vaste et avec des moyens autrement plus puissants que ceux dont disposent les terroristes palestiniens. Ceci dit, il est évident que les méthodes terroristes, dérisoires et totalement inefficaces, n’avance en rien la cause palestinienne. La plupart des terroristes sont arrêtés et massacrés sur-le-champ par l’armée israélienne. Les quelques-uns qui “réussissent” leur coup tuent des travailleurs, des retraités ou des écoliers, ce qui n’empêche en rien la machine meurtrière de l’armée israélienne de fonctionner. Bien au contraire, ces massacres inutiles de civils facilitent énormément la tâche de Sharon.

Militairement, économiquement, et du point de vue de ses soutiens internationaux, Israël est infiniment plus fort que les Palestiniens, dont la lutte ne peut en aucun cas aboutir tant qu’elle reste cantonnée dans le nationalisme et l’utilisation du terrorisme individuel.

La seule puissance capable de résoudre ce problème est celle de la force combinée de la classe ouvrière dans les pays arabes et en Israël. Nous devons militer pour renforcer le programme et les idées du socialisme et de l’internationalisme à travers le Moyen-Orient. Il est nécessaire de nous unir, indépendamment de notre religion ou de notre nationalité, dans une lutte commune contre le capitalisme et le militarisme israéliens, ainsi que contre les régimes capitalistes et dictatoriaux dans les autres pays du Moyen-Orient. Sur la base d’une fédération socialiste, qui débarrasserait la société de l’exploitation et de la répression capitalistes, et dans laquelle aucune discrimination contre les minorités nationales et religieuses ne serait tolérée, les ressources naturelles et productives considérables de la région pourraient enfin servir à garantir à tous des conditions de vie décentes, et permettre aux générations futures de connaître autre chose que le cauchemar de la guerre, de la répression et la misère.

Artem Kirpichenok, Parti Communiste d’Israël, Ashkelon

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