Barrer la route à la droite, rétablir les idées du socialisme à gauche !

Les élections présidentielles et législatives présentent un défi majeur aux mouvements socialiste, communiste et syndical, ainsi qu’à tous ceux qui se sentent concernés par la lutte contre le chômage, les inégalités et toutes les injustices engendrées par le capitalisme. Il est absolument nécessaire de chasser Chirac de l’Elysée et d’empêcher la droite d’obtenir une majorité à l’Assemblée nationale.

Personne ne doit se laisse berner par le flou artistique qui enveloppe les prises de position publiques du RPR, de l’UDF et Démocratie Libérale. Un futur gouvernement de droite serait une véritable machine de guerre contre la jeunesse, les salariés et les retraités. Les revendications maintes fois formulées par le MEDEF, qui remettent en cause la retraite par répartition, exigent de coupes draconiennes dans les budgets affectés à la Santé Publique et à l’Education Nationale, et s’opposent aux législations tendant à limiter la “flexibilité” et la “mobilité” des salariés – toutes ces revendications permettent de se faire une idée de ce que serait l’ossature du programme que la droite mettrait en œuvre si jamais, par malheur, elle devait gagner une majorité parlementaire.

Devant ce danger bien réel, une mobilisation massive en faveur des candidats socialistes et communistes s’impose, non seulement de la part des militants du PS et du PCF, mais aussi de la part des délégués et des militants syndicaux, des associations anti-racistes ou de toute autre association qui, de par la nature de son engagement, a tout intérêt à repousser la menace d’un gouvernement composé des défenseurs les plus endurcis du capitalisme. Ce n’est qu’à cette condition que nous pouvons assurer la défaite de la droite.

L’épreuve sera rude. Une partie de l’électorat, déçue et découragée par la performance de l’actuel gouvernement, peut sombrer dans l’abstentionnisme ou se laisser tenter par tel ou tel “vote de protestation”. La désaffection d’une partie de l’électorat de gauche s’est déjà faite sentir au moment des élections municipales, dont les résultats – en dehors de Lyon et Paris – n’étaient bons ni pour le PS ni pour le PCF. Il suffira d’une perte relativement faible vers l’abstentionnisme, ou vers d’autres candidats, pour permettre à la droite de passer. Or, même s’il faut évidemment se méfier des sondages, le taux d’abstention prévu par ceux-ci s’écarte rarement d’une fourchette allant de 35% à 40%. Un pourcentage de cet ordre, les jours des deux scrutins à venir, signifierait une défaite quasiment certaine pour la gauche.

L’immense majorité des électeurs de gauche rallieront les candidats du PS et du PCF. Cela ne s’explique pas, contrairement à ce que prétend l’extrême-gauche, par les “illusions des masses”, mais plutôt par la nécessité fortement ressentie de battre l’adversaire principal, à savoir la droite. Naturellement, chacun comprendra qu’il s’agit là d’une considération bien trop concrète pour être prise en compte par des soi-disant “r-r-r-révolutionnaires”. Lutte Ouvrière et la LCR placent leurs stratégies égoïstes au-dessus de l’intérêt général du mouvement social. Pour ces organisations, peu importe que la droite passe, pourvu qu’elles puissent profiter de la situation pour décrocher quelques voix de plus. Là où elles ne seront pas présentes au premier ou au deuxième tour des législatives, elles prôneront l’abstention. Chaque électeur qui se laissera séduire par cette démarche saboteuse ne fera qu’apporter, dans le décompte électoral, une voix de plus à la droite.

Ceci dit, le comportement de l’extrême-gauche n’aura qu’un impact marginal sur le résultat définitif des scrutins. Là n’est pas le problème principal. La droite, quant à elle, ne suscite pas d’enthousiasme, même auprès de son électorat traditionnel. Le fait que la gauche soit bien plus menacée par l’abstention que par des transferts de voix vers la droite ne fait que souligner ce constat. Avant tout, ce qui compromet les chances de la gauche aux élections, ce sont les aspects inacceptables, d’un point de vue socialiste, de la politique menée par le gouvernement de Lionel Jospin depuis 1997.

Dès les premiers jours, le gouvernement Jospin a cherché à inscrire son action dans les marges étroites tracées par l’avarice insatiable des grands actionnaires, des banques et des grands groupes industriels. Dans la pratique, sous la pression des milieux capitalistes et en dépit d’un certain nombre de réformes positives, le gouvernement a adopté sur la question des retraites, des privatisations, des financement public, et de l’immigration, un programme qui, à bien des égards, s’apparente aux dispositions du “plan” qu’Alain Juppé voulait mettre en œuvre en 1995.

S’il est un point du programme de 1997 qui a contribué, à l’époque, à la défaite de la droite, c’est bien la réduction de la semaine de travail à 35 heures. Cependant, dès la première mouture du projet de loi, il est apparu clairement que le gouvernement, tout en fixant le principe des 35 heures, voulait donner très largement satisfaction aux exigences patronales en matière de “flexibilité”. Les brèches ouvertes dans la législation sociale sur les questions de l’annualisation des horaires et des heures supplémentaires ont permis aux employeurs d’augmenter sensiblement la productivité du travail sans contrepartie salariale. Ainsi, pour un grand nombre de salariés, l’application concrète de la loi sur les 35 heures s’est révélée être un véritable Cheval de Troie, les soldats cachés à l’intérieur du célèbre cadeau prenant ici la forme d’une régression en terme de rémunérations et de conditions de travail, et même, dans certains cas, en terme d’effectifs.

Enfin, un dispositif de subventions particulièrement généreux au profit des employeurs a été mis en place, de telle sorte que, le plus souvent, le gain financier de l’employeur dépasse la simple compensation des bénéfices théoriquement perdus en raison de la réduction du temps de travail hebdomadaire. Le nombre d’emplois que l’on peut raisonnablement imputer à la réduction du temps de travail s’élève à 340 000 (soit légèrement plus que le nombre d’emplois supprimés par le patronat depuis le deuxième trimestre de 2001). Globalement, si l’on divise le montant versé dans les coffres des employeurs, chaque année, au titre des 35 heures, par le nombre d’emplois créés par ce dispositif, la prime par emploi créé s’élève aux environs de 45 000 euros (295 000 francs) !

Le constat va dans le même sens au sujet de toutes les “réformes” entreprises par le gouvernement de Jospin. Dans ces conditions, une éventuelle victoire de la droite serait une victoire “par défaut”, et la responsabilité en reviendrait entièrement à la politique de l’actuel gouvernement et des dirigeants des partis socialistes et communistes qui, tournant le dos aux idées du socialisme, se sont fait les avocats de ce “réalisme” capitulard qui consiste à considérer le capitalisme comme un système immuable et sacré avec lequel il faut composer, ou, pour être plus précis, auquel il faut se soumettre.

La victoire de la gauche aux législatives de 1997 a coïncidé avec le début d’un cycle de croissance de l’économie française. Dans l’esprit des parlementaires et des hauts responsables des partis de gauche, la reprise économique constituait une justification irréfutable de leur ralliement à ce qu’ils appellent pudiquement “l’économie de marché”. Sur un ton quasi-euphorique, les dirigeants du PS se félicitaient d’une “croissance durable” enfin retrouvée qui, selon eux, mènerait au plein emploi et à la réduction progressive des inégalités sociales. Les économies des Etats-Unis et de l’Europe, et tout particulièrement celle de la France, étaient désormais installées dans un “cycle vertueux” d’expansion qui pouvait continuer ad infinitum, à condition, naturellement, d’appliquer la politique économique savamment équilibrée dont la direction du parti et le gouvernement disaient avoir le secret.

Les dirigeants du PCF et de la Gauche Socialiste n’osaient pas démentir cette perspective mirobolante. En septembre 2000, dans le texte de la gauche socialiste, Les Sept Jours d’Attica – dont le style s’apparente à ce qu’il est convenu d’appeler “littérature de gare” – les auteurs font dire à leur héroïne, dans la section intitulée La crise est finie, que “depuis la victoire de Monsieur Jospin” nous sommes entrés dans une “onde longue expansive” comparable aux Trente Glorieuses ! Cette appréciation de la conjoncture économique a fait l’objet de nombreuses interventions de Jean-Luc Mélenchon, Julien Dray, Marie-Noëlle Lienemann et Harlem Désir.

La reprise économique américaine, tout comme celle, plus faible et de plus courte durée, qu’a connue la France, démontre non pas la viabilité du système capitaliste, mais exactement le contraire. En effet, du point de vue des salariés, les années de reprise économique ont été une période de régression sociale sur toute la ligne. S’il est difficile de se retrouver dans les statistiques constamment remaniées concernant l’emploi et le taux de chômage en France, il apparaît clairement que, dans le secteur privé, le nombre d’emplois stables à temps plein a reculé au cours des quatre ans de la reprise, et qu’au moins 70% des emplois créés, tous secteurs confondus, étaient précaires. En outre, la majeure partie des nouveaux emplois à temps complet est composée des emplois financés totalement ou partiellement par l’Etat, dont notamment les emplois-jeunes. Enfin, le nombre de salariés devant se contenter du salaire minimum a plus que doublé, tout comme le nombre de contrats intérimaires.

Ainsi, même en période de reprise, la classe capitaliste française – et l’on observe le même phénomène partout – s’est montrée absolument incapable de résoudre les problèmes qui pèsent sur les épaules de la vaste majorité de la population. Les mécanismes implacables de l’économie capitaliste ont mené à une aggravation considérable des inégalités. Voilà une leçon qui mérite d’être sérieusement méditée par tous les jeunes et tous les travailleurs qui se demandent comment améliorer les conditions de vie de la population. La reprise a démontré, avant tout, à quel point le système capitaliste est devenu un système parasitaire, faisant obstacle à toute possibilité d’amélioration conséquente et continue du niveau de vie du plus grand nombre.

Une victoire électorale de la gauche ne réglera rien en soi. Si, malgré la marge de manœuvre que donnait la reprise de 1997-2001, la prise en compte des “lois du marché” s’est traduite par les conséquences sociales que nous connaissons, celles-ci seront beaucoup plus graves encore dans un contexte de récession. Une nouvelle tentative de gérer le capitalisme plutôt que de le combattre mènera très rapidement le gouvernement dans une impasse. Si les partis de gauche limitent leur champ d’action au cadre fixé par la classe capitaliste, ils seront contraints, par la logique même de cette position, d’abandonner toute ambition de réforme sociale et d’assister passivement à la montée du chômage et à l’aggravation de la détresse sociale qui en résulte.

La seule issue réside dans la mobilisation de la pleine puissance du mouvement syndical, du Parti Socialiste et du Parti Communiste, autour d’un programme résolument socialiste. La gauche a besoin d’un programme composé de réformes sociales audacieuses dans tous les domaines, dont le logement, les droits des salariés et des retraités, la lutte contre l’emploi précaire, la qualité de l’enseignement et des services de santé, la lutte contre le racisme, la défense et l’amélioration de la couverture sociale. Cependant, l’expérience de tous les gouvernements de gauche depuis 1981 nous montre qu’il est impossible de mener un tel programme à son terme en le soumettant au veto de la Bourse, des banques, et des grands actionnaires de l’industrie. Le fonctionnement du capitalisme, dans lequel toute activité productive dépend du profit privé, interdit l’amélioration en profondeur des conditions de vie de la population. Mais l’arme de cette interdiction n’a rien de mystérieux ou d’insaisissable. Elle se résume en ces quelques mots : la détention du capital. Le pouvoir de décision sur l’utilisation des ressources créées par le travail, ou plus précisément par notre travail, provient de la propriété privée des moyens de production. Le socialisme signifie justement la socialisation des ressources productives et leur gestion démocratique, non plus en vue du profit privé, mais pour le bien public. Cet objectif doit former la pierre angulaire de toute politique socialiste digne de ce nom.

A ce jour, la politique défendue par le gouvernement dispose d’un soutien majoritaire auprès des adhérents du Parti Socialiste. Mais ceci pourrait changer. Les différents congrès et conventions du parti, depuis 1997, indiquent une progression des motions d’opposition, traduisant le malaise qui s’installe dans les sections. Ce malaise ne doit surprendre personne. Bon nombre de militants socialistes ont été personnellement victimes de la désorganisation du secteur public, des restrictions budgétaires, de la précarité galopante, ou encore d’une mauvaise application des 35 heures dans leur entreprise. Il est nécessaire, en effet, de rétablir, au cœur même de la gauche française, c’est-à-dire dans le Parti Socialiste et dans le Parti Communiste, les idées, le programme et les traditions militantes du socialisme. Les dizaines de milliers de personnes, notamment dans le milieu syndical, qui se mobilisent contre les insuffisances et les renoncements du gouvernement, devraient eux-mêmes s’occuper de cette question. Leur place, à vrai dire, est précisément à l’intérieur du PS et du PCF, où ils doivent apporter leurs idées, leurs revendications et leur combativité. Ce n’est que de cette façon que nous pourrons jeter les bases d’une solution socialiste à la crise du capitalisme.

Greg Oxley

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