Pour une grève générale de 24 heures des secteurs public et privé

Les fermetures et les suppressions d’emploi chez Danone, Marks et Spencer, André, Valeo, AOM-Air Liberté et bien d’autres entreprises ont mis en évidence la brutalité et le mépris des capitalistes à l’égard des salariés qui sont la source de leurs profits.

Des millions de salariés, en France, se trouvent confrontés à une dégradation de leurs conditions de travail et à la baisse de leur pouvoir d’achat. Les services publics sont en cours de démantèlement. Dans les hôpitaux, dans l’Éducation Nationale, à la SNCF, au Ministère de la Culture, les directions “externalisent” des services au profit d’entreprises privées, et la proportion d’emplois précaires augmente sans cesse. A un guichet de la gare du Nord, à Paris, une jeune employée nous confie qu’elle est “en CDD depuis huit ans”. Dans les musées, qui sont en sous-effectif chronique, les emplois précaires concernent souvent plus de 40% du personnel.

Alors qu’on demande toujours plus aux salariés, les salaires ne suivent pas. La part des coûts salariaux dans la plus-value des entreprises diminue depuis de nombreuses années. Cette part représentait 70% en 1983, pour passer à moins de 50% aujourd’hui. 36% des salariés de moins de 26 ans sont au SMIC. Les salaires de la Fonction Publique sont bloqués depuis des années. En 1993, seulement 8,1% des salariés en France étaient “smicards”. Depuis, ce pourcentage a presque doublé, se situant aujourd’hui à 14%, selon l’INSEE. Ces chiffres ne tiennent pas compte des centaines de milliers de salariés qui n’ont pu obtenir que des contrats “hors normes”, qu’ils soient stagiaires ou tout simplement non déclarés, et qui ne touchent même pas le SMIC. Du fait de cette situation, le nombre de journées de grève en France a fortement progressé, dans le privé comme dans le public. En 1999, le nombre des journées de travail perdues pour cause de grèves avait augmenté de 43% par rapport à 1998. La tendance s’est poursuivie en 2000 et au cours des premiers mois de 2001.

Les attaques contre les retraites, contre la Sécurité Sociale, et les nombreuses tentatives de mettre en application les 35 heures de façon à ce que les salariés y soient perdants, en termes de salaires ou de “flexibilité”, ne font qu’attiser la profonde injustice ressentie par les salariés. Les sage-femmes ont lutté pour la reconnaissance de leurs compétences et leurs responsabilités. Les grèves des salariés de Carrefour et d’Auchan, majoritairement des femmes mal payées et surexploitées, traduisent leur colère et exaspération face aux pressions qu’elles subissent. Parmi les grévistes et les manifestants se trouvent bon nombre de salariés, notamment les plus jeunes, qui n’ont aucune expérience des mouvements sociaux, et qui s’insurgent pour la première fois contre la terrible réalité du capitalisme. Une jeune employée de Marks et Spencer expliquait : “C’est comme l’histoire du Titanic. Chez Marks et Spencer, on se croyait en sécurité, à l’abri des dangers qui guettaient d’autres entreprises. Et puis, voilà ! Du jour au lendemain, on s’aperçoit que ce n’est pas vrai. On coule comme les autres !

Cette situation est d’autant plus intolérable que les représentants du gouvernement et du MEDEF évoquent sans cesse la “reprise économique” en cours depuis 1997. Mais qui en profite ? Bon nombre d’entreprises qui ont annoncé des suppressions d’emploi ce dernier temps ont vu leurs bénéfices nettement augmenter. Malgré la baisse du nombre de chômeurs, ou, en tout cas, du nombre de chômeurs dans les statistiques, cette reprise s’est effectuée au détriment de la vaste majorité des salariés, des jeunes et des retraités. Sur le plan de l’emploi, un examen attentif des statistiques montre que ce sont des emplois stables à plein temps qui disparaissent et des emplois précaires, et à mi-temps pour la majorité, qui progressent.

Le pire est sans doute devant nous, puisque la reprise économique ne durera pas. En réalité, elle est déjà en train de s’essouffler. Les “dégraissages” annoncés dans la grande distribution sont précisément la conséquence d’une anticipation, par les actionnaires, d’une baisse des ventes et des bénéfices à venir. Or, si la reprise n’a pas empêché les attaques contre les droits et les conditions de travail des salariés, qu’en sera-t-il dans le contexte d’une nouvelle récession ?

Devant l’extrême gravité de la situation et la volonté manifeste de résister dont font preuve les salariés dans le privé comme dans le public, une riposte syndicale massive et d’envergure nationale s’impose d’urgence. Cette nécessité met clairement en relief la responsabilité et le devoir des directions syndicales à tous les niveaux, et surtout au niveau confédéral.

Par des centaines de conflits sociaux localisés ou sectoriels, le salariat a fait preuve d’une combativité tout à fait impressionnante. Cependant, de toute évidence, des mobilisations éparpillées, luttant “dossier par dossier” (retraites, salaires, 35 heures, etc.) et trop souvent marquées par les divisions syndicales, ont leurs limites. Le fait que la manifestation du 22 mars dernier pour la revalorisation des salaires dans la Fonction Publique ait mobilisé moins de monde que la manifestation précédente sur la même question devrait servir d’avertissement. Le même phénomène pourrait bien se produire à propos des retraites, ou la menace d’une grave régression reste entière. Le MEDEF et le gouvernement misent sur l’usure des mobilisations pour revenir à la charge sur la question des retraites, comme sur celles de la sécurité sociale, la restructuration de la SNCF, et bien d’autres encore. Ce qu’ils craignent avant tout, par contre, c’est une généralisation des mouvements sociaux. C’est d’ailleurs la crainte d’une telle perspective qui a forcé Jospin à reculer, en mars 2000, au sujet des “réformes” prévues dans l’Éducation nationale et au Ministère des Finances.

Les problèmes sociaux sont trop graves, aujourd’hui, pour que l’on tolère à la tête de nos organisations syndicales des éléments passifs, installés confortablement dans leurs fauteuils, et qui veulent vivre leur vie paisiblement. Et chacun sait qu’il y en a. On ne peut encore moins tolérer des “dirigeants” du genre de Nicole Notat, qui, au sein même du mouvement syndical, se dressent en première ligne de défense des intérêts patronaux. Il incombe aux instances dirigeantes des organisations syndicales, et notamment au niveau confédéral, de répondre à l’attente des salariés par le lancement d’une grève générale de vingt-quatre heures. Il est nécessaire de mobiliser l’ensemble des secteurs public et privé autour d’une plate-forme qui résume les revendications mises en avant au cours des luttes récentes : contre la sous-traitance abusive, le gel des salaires, les privatisations, la précarité de l’emploi, la remise en cause des retraites et de la Sécurité sociale ; pour le maintien des services publics et pour une application correcte des 35 heures dans tous les secteurs, sans baisse des rémunérations et sans “flexibilité” excessive.

Une grève unitaire et totale de 24 heures serait un puissant avertissement au patronat et au gouvernement. Elle leur ferait clairement comprendre que les travailleurs n’acceptent pas la régression sociale. Surtout, une telle démonstration de force aurait des conséquences très positives sur le moral, la confiance et la combativité du salariat dans son ensemble, et préparerait le terrain à des actions de plus grande envergure pour l’avenir. Car si une grève de 24 heures n’obtenait pas la satisfaction des revendications, il faudrait alors envisager dans un deuxième temps l’organisation d’une grève générale illimitée.

Dans les sections syndicales et les instances intermédiaires des syndicats, il faut faire adopter des motions pour exiger que les directions confédérales se mettent à la hauteur des enjeux. Une riposte massive et unitaire des secteurs public et privé, mobilisés autour des revendications principales des mouvements sociaux renforcerait tous les salariés dans leur lutte contre la régression sociale.

Greg Oxley

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