Après 3 ans de participation au gouvernement, le PCF est en crise

Cela fait plus de trois ans que le PCF participe au gouvernement Jospin en tant que composante de la “gauche plurielle”. Quel bilan les militants communistes peuvent-ils en tirer ?

La dernière participation gouvernementale du PCF, entre 1981 et 1984, avait conduit la direction du parti à tolérer une politique d’austérité qui frappait de plein fouet le salariat (désindexation des salaires, licenciements, resserrement des budgets sociaux etc.). Suite à la rupture de 1984, la direction du PCF expliquait l’échec du gouvernement socialiste-communiste par la “trahison” des dirigeants du PS, autrement dit leur soumission aux intérêts du capitalisme. Est-ce à dire que le programme de 1981 fut rétrospectivement jugé insuffisant pour faire face aux pressions patronales ? Ce n’est en tout cas probablement pas l’analyse de l’actuelle direction du PCF, qui est entrée au gouvernement en 1997 sur la base d’un programme nettement moins audacieux que celui de 1981.

En juillet 1997, c’est-à-dire au tout début du gouvernement Jospin, dans un bulletin spécial de La Riposte, nous écrivions qu’ “au lieu de prévenir le mouvement ouvrier des conséquences d’un programme trop limité et de mener des campagnes pour un programme de transformation socialiste, les dirigeants communistes se sont laissés séduire par le prestige que distillent les sièges gouvernementaux. En acceptant des postes sur la base d’un tel programme, les dirigeants du PCF risquent, à terme, de s’attirer des ennuis considérables. Une baisse de popularité du gouvernement et le développement de mouvements sociaux contestataires rendraient la participation gouvernementale du PCF extrêmement délicate, ouvrant la perspective d’une crise majeure au sein du parti”.

Ces perspectives se sont révélées tout à fait correctes : la direction du PCF a participé activement à la mise en oeuvre de la politique du gouvernement Jospin. Cette politique a consisté en des privatisations massives, comme dans le secteur bancaire, ou encore, sous la direction d’un ministère communiste, dans les transports (Aérospatiale, Air France), sans parler des privatisations partielles de France Télécom et d’EDF, entre autres. Quant à la loi sur les 35 heures, outre le fait qu’elle prévoit 120 milliards de francs en “aides fiscales” pour le patronat, elle a surtout ouvert la voie à un accroissement de la flexibilité, et ne comprend pas de dispositions strictes pour garantir la création d’emplois.

La politique étrangère, naturellement, ne s’est pas mieux portée. Il suffit de rappeler la participation, en première ligne, de la France aux bombardements de la Serbie et du Kosovo, ou encore, plus récemment, le peu honorable dégel diplomatique entre la France et l’Afghanistan des Talibans.

Associer le parti à cette politique ne pouvait que provoquer un affaiblissement de nos rangs. Une certaine démoralisation a gagné nos militants, et nous avons perdu beaucoup d’adhérents (-4% chaque année, depuis 1995, et 20000 en moins depuis octobre 1999). L’Humanité a vu ses ventes chuter, et la Fête de l’Humanité est moins fréquentée. Ajoutons de cuisants échecs électoraux, comme celui des Européennes, mais aussi, fait nouveau, l’organisation par la CGT de grèves dirigées contre les directives d’un ministre communiste.

Le prétexte d’infléchir à gauche la politique gouvernementale n’est donc pas valable, en dépit de l’importance numérique décisive du groupe PCF à l’Assemblée nationale, considérée par beaucoup, au début, comme un gage contre d’éventuels reculs de de la part des dirigeants socialistes. Bien au contraire, à plusieurs reprises, la direction du parti s’est montrée la plus “loyale” des composantes de la gauche plurielle, en cherchant à limiter l’ampleur des mouvements sociaux et en votant des nombreux projets gouvernementaux qui vont à contre-sens de nos idées communistes, dont le dernier en date est celui du plan épargne-salarial.

Robert Hue et la direction du parti communiste n’aurait pas dû sacrifier notre indépendance politique et nos idées communistes en échange des places au gouvernement et des accords électoraux. Le PCF doit soutenir chaque mesure progressiste mais s’opposer résolument aux mesures socialement rétrograde, comme par exemple les privatisations. Si notre opposition à des mesures pro-capitalistes devait mener à notre exclusion du gouvernement, ce serait moins grave que d’y rester en se pliant à celles-ci. La démarche de Robert Hue est en train de transformer le PCF en une simple succursale du PS.

Dans ce contexte, une “ouverture” vers des éléments qui soutiennent les guerres de l’OTAN (G. Fraisse ou F. Sylla) ne fera qu’accentuer la crise du parti. La contestation qui est née avec le mouvement de 1995 continue. On assiste à des mouvements revendicatifs importants et, en particulier, à un réveil des luttes dans le secteur privé : de nombreuses grèves offensives éclatent qui visent à augmenter les rémunérations, après 20 ans de restreinte salariale. En mars, le mouvement des enseignants et des employés du ministère des Finances a constitué lui aussi une étape importante. Les salariés de la Fonction publique ne sont plus disposés à signer des “chèques en blanc” aux directions des partis de gauche. Ils sont déterminés à réagir lorsque la défense de leurs emplois et du service public en général sont en jeu.

Un parti communiste digne de ce nom doit proposer aux jeunes et aux travailleurs une alternative politique : il faut expliquer quelle société nous voulons et comment nous pouvons la construire. Les réponses que l’on trouve dans les textes actuels du parti se contentent d’un vague appel au “dépassement du capitalisme”, accompagné d’un mélange de considérations “humaines” parfaitement abstraites et de revendications absurdes. Par exemple, on peut lire dans les textes du dernier congrès du parti que “La réorganisation du FMI […] doit viser à impulser un crédit à taux très abaissé pour l’emploi, la formation, le développement humain, grâce à la création d’une monnaie commune mondiale de coopération faisant reculer l’hégémonie du dollar et la dictature des marchés financiers”. C’est là un programme plein de bonnes intentions, mais qui sert avant tout à nous égarer : le FMI demeure la principale institution internationale du capitalisme, et on ne doit pas nourrir l’illusion qu’il puisse réellement changer de nature et se mettre au service des opprimés.

Un autre texte du congrès exprime une condamnation du stalinisme. Telle position, quoi que très tardive, aurait pu constituer un pas en avant si elle n’était pas compromise par l’acceptation des arguments utilisés par les capitalistes depuis 1917 contre la révolution d’octobre. Car c’est un recul politique majeur que d’adjoindre à la condamnation du stalinisme une remise en cause des aspects fondamentaux du programme communiste, comme la socialisation des moyens de production. Selon la direction du parti, “nous visons une économie mixte à prédominance sociale, une mixité public-privé.”

Il appartient donc aux militants du PCF de renouer avec les idées internationalistes et marxistes qui avaient justifié sa naissance, au congrès de Tours. Plus que jamais le capitalisme se montre incapable, d’une part, de résoudre les problèmes de toute première nécessité des peuples des pays sous-développés, qui subissent un surcroît d’exploitation à travers les mécanismes de la dette et des plans du FMI, et d’autre part de maintenir les acquis sociaux dans les pays industrialisés. Aujourd’hui que le niveau atteint par la science, l’industrie et la culture permettraient de satisfaire les besoins de chacun, il devient impératif que le PCF adopte un programme qui prévoit la nationalisation des banques et des principaux complexes industriels, sous le contrôle et la participation du salariat, à tous les niveaux. C’est la seule façon concrète d’œuvrer au “dépassement” du capitalisme, et d’ouvrir la voie à une transformation socialiste de la société en France et dans le reste du monde.

Francesco Giliani, PCF Paris

 

 

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