Interview de Fabien Lecomte, « tête de liste » PCF pour les régionales en Eure-et-Loir

Militant syndicaliste, actif dans le PCF et le MJC, tu dirigeras la liste du PCF dans l’Eure-et-Loir pour les prochaines élections régionales. Quel doit être le rôle d’un élu communiste dans la lutte contre le capitalisme ?

Les élus communistes dans les élections locales sont foncièrement restreints à un rôle « réformiste ». Les fonctions d’élus aux niveaux municipal, départemental et régional sont strictement définies dans le cadre du système. Par exemple, dans les conseils régionaux, il n’est pas possible de nationaliser les banques et les grandes entreprises. Cependant, cela ne veut absolument pas dire que les élus ne peuvent pas faire défendre des idées révolutionnaires ou qu’ils sont inutiles sur le plan pratique. Pendant la campagne électorale, il faudra profiter de la couverture médiatique pour faire entendre à la population l’existence d’une alternative au capitalisme. Les chaînes de télévision et de radio diffusent constamment des idées favorisant l’idéologie capitaliste. Il n’y a que pendant les élections qu’ils sont obligés de nous faire une petite place pour développer nos idées. Il ne faut pas manquer cette occasion. Il faut aussi profiter de ce moment d’écoute pour démontrer la nécessité de passer par une étape révolutionnaire. Une fois qu’un communiste est élu, il doit profiter également des opportunités qui se présentent pour défendre le programme communiste à grande échelle et ne pas se limiter à parler des questions locales et immédiates.

Le rôle politique d’un élu communiste n’est pas simplement celui d’un propagandiste. Même s’il ne peut faire que quelques réformes ou défendre des acquis menacés, ceci n’est pas négligeable pour la population. Certaines actions peuvent radicalement changer leur quotidien. Je vais prendre un exemple récent. Quand la droite a gagné les dernières élections départementales dans le 28, elle a tout de suite rendu payant le transport des collégiens qui était jusqu’alors gratuit. Ceci entraîne un coût supplémentaire pour les familles précaires et aggrave l’inégalité dans l’éducation des enfants. Nous voulons rétablir la gratuité de ce transport scolaire. Aussi, parmi les 15 propositions principales que je souhaiterais mettre en place avec mes camarades, il y a la création d’aides au rachat d’entreprises pour les ouvriers victimes de licenciements économiques, la mise en place de TER gratuits pour les étudiants et la prise en charge par la région des frais financiers de la mutuelle étudiante, mais aussi la création de 10 000 logements sociaux dans la région. Sans faire basculer le capitalisme, ce sont autant de coups que nous pouvons lui porter dans le cadre de notre mandat. Ce sont des réformes qui peuvent faire la différence pour les travailleurs.

La nomination d’un jeune travailleur à La Poste pour porter les couleurs du PCF aux régionales ne devrait pas nous surprendre – mais elle nous surprend tout de même ! Dans les débats internes, les camarades réclamaient un « renouvellement » du parti. Comment le comprends-tu ?

Le Comité Exécutif du parti communiste a demandé l’avis à l’ensemble des sections du PCF 28 pour savoir qui les communistes voulaient comme chef de file. Cette décision est très louable et toutes les fédérations devraient faire de même. Mon nom est alors sorti du lot dans plusieurs sections. Une autre camarade, soutenue par l’ancienne élue, voulait également être chef de file. Les camarades se sont finalement exprimés par un vote majoritaire en ma faveur. C’était une grande surprise pour moi car je n’étais absolument pas volontaire au départ. Mais c’est avec fierté et un grand sens des responsabilités que j’ai accepté leur décision. Ma candidature est issue de la base du PCF et pour moi il n’y a rien de plus important que cela.

Quant à savoir les motivations des camarades, je pense qu’elles peuvent résulter de plusieurs éléments. Premièrement, le parti a besoin de nouvelles forces militantes. Lorsque je discutais avec les camarades les plus âgés, ils me racontaient que dans les années 70, ils étaient près de 400 dans les JC d’Eure-et-Loir et que tous les cadres du PCF actuel sont issus de cette JC. En 2014, il n’y avait plus de jeunes communistes dans le 28 et ceci provoquait, légitimement, une inquiétude chez certains camarades. J’avais pris l’engagement de faire le nécessaire pour récréer la JC. Avec mes camarades Denis Barbe et Florent Espeisse, nous avons travaillé à cela et nous sommes passés de 3 à 12 en un an. C’est encourageant. Dans ma section PCF, j’ai également beaucoup œuvré pour recréer une dynamique et augmenter nos effectifs. Depuis mon arrivée, nous sommes passés de 5 à 10 camarades très actifs dans nos secteurs. Cette activité s’est faite largement ressentir lors des dernières élections départementales où nous avons battu le score des deux élections précédentes et ceci malgré des circonstances difficiles. Je pense que si les camarades m’ont fait majoritairement confiance pour ces élections, c’est parce qu’ils reconnaissent mon travail militant sur le terrain. Après, certains camarades se sont exprimés pour ma candidature parce qu’ils connaissent mes positions politiques et les apprécient. Étant au Comité Départemental mais aussi actif dans les diverses assemblées que le PCF organise, ils ont eu l’occasion de m’entendre parler sur divers sujets. J’ai pu développer mes positions marxistes sur les questions nationales et internationales. Après la période de Robert Hue et la perte idéologique qui en a résulté, il n’était pas banal d’entendre un jeune camarade parler de révolution et d’expropriation des capitalistes, et dire que le PCF doit être le fer de lance de cette future révolution.

Quel travail voudrais-tu mener dans les luttes syndicales et politiques, et auprès de la base militante du PCF ?

D’une part, en tant que représentant syndical et militant communiste, je veux rester aux côtés des travailleurs. Lorsqu’il y aura des luttes locales, les travailleurs pourront compter sur moi pour les soutenir. La lutte contre le capitalisme s’effectue à plusieurs niveaux et c’est à tous les niveaux qu’il faut agir. Nous sommes dans la lutte de classe, et dans cette lutte je défendrai systématiquement les intérêts des travailleurs. Je ne compte pas arrêter mon militantisme syndical.

D’autre part, il me semble important que l’élu des travailleurs vive avec le salaire d’un travailleur. Certains élus communistes ont tendance à confondre leur indemnité avec un salaire et je prends l’engagement de ne jamais faire cette erreur. Je reverserai 50 % de ces indemnités, conformément aux statuts du PCF, et le reste servira uniquement à combler la perte de mon salaire. Je pars du principe que si les élus veulent augmenter leur niveau de vie, ils doivent faire augmenter le niveau de vie de leur classe sociale.

Pourrais-tu contribuer à améliorer l’implantation du PCF dans les entreprises et les organisations syndicales ?

Les luttes syndicales sont toujours politiques. N’est-ce pas la politique du gouvernement socialiste qui impose aux militants syndicaux la loi Macron ? N’est-ce pas la politique capitaliste que combattent les camarades de la CGT ? La politique traverse de haut en bas toutes les luttes syndicales. Il fut un temps, que je n’ai pas connu, où le PCF était fort et avait des sections dans les grands secteurs industriels. Aujourd’hui, tout ceci a presque complètement disparu et c’est intimement lié, à mon avis, à la perte idéologique dans le parti. Il est primordial de reconstruire des sections et cellules du PCF composées d’ouvriers et d’employés. Pour réaliser cela, il faut militer dans nos syndicats, mais aussi à la sortie des usines. Je suis profondément convaincu que c’est en employant ces méthodes – qui ont fait leurs preuves dans le passé – que l’on aura des résultats.

Il faut occuper le terrain. Mais en plus de la pratique, il faut que les camarades connaissent et maîtrisent les bases théoriques du communisme. Il faut lire Marx et Engels. Il faut étudier les grands événements du passé, comme la révolution russe, par exemple, et discuter entre camarades pour avoir la meilleure analyse possible de l’actualité. Améliorer l’implantation du PCF dans les entreprises passera par l’éducation théorique des militants. Il y a une phrase de Boileau-Despreux que j’aime particulièrement : « Ce qui se conçoit clairement, s’énonce aisément ». Lorsque les camarades auront bien assimilé la théorie marxiste, ils pourront plus facilement convaincre les travailleurs de les rejoindre.

Pleinement impliqué dans le PCF, tu es en même temps connu pour ton engagement dans La Riposte. Les idées communistes que défend ce journal te paraissent-elles essentielles dans la lutte contre le capitalisme ?

Oui, mon engagement à La Riposte est connu et reconnu. Si au début cela pouvait créer des inquiétudes, ce n’est plus tellement le cas aujourd’hui. Mon engagement à La Riposte est primordial, car les camarades autour de ce journal – dont moi-même – développent des analyses et des idées pertinentes. Les événements qui bouleversent l’Europe et le monde ont besoin d’être analysés d’un point de vue marxiste. C’est un aspect très important du travail de La Riposte. Pour moi, La Riposte joue un rôle important dans la vie interne du PCF. Elle apporte une analyse sérieuse de l’histoire et de l’actualité. Nous travaillons dans une logique de rassemblement. Je préfère clairement voir les camarades adhérer à une association marxiste comme La Riposte, qui fait partie intégrante du PCF, que d’aller ailleurs. Dans un PCF réellement démocratique, il y aurait de la place pour tous les courants d’idées communistes. Différents courants d’opinion existent dans le parti. On le voit avec l’attitude envers Tsipras, en Grèce, par exemple. Tous les points de vue doivent être entendus et librement débattus. Sur la base d’une vie interne démocratique et ouverte à la critique constructive, le PCF ira de l’avant.

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