Après le 10 septembre : quelle perspective?

12 septembre 2025

Le 10 septembre 2025 fera certainement date dans l’histoire des conflits de classes en France. Comme on le sait, cette journée de protestation a d’abord été proclamée de manière quasi anonyme sur TikTok, puis sur d’autres réseaux sociaux, sous le slogan « bloquons tout ». Si l’appel a eu un tel retentissement, c’est parce que les injustices, les bas salaires, la hausse des prix, les inégalités et les discriminations sont devenues insupportables, sur fond d’une grande méfiance à l’égard des pouvoirs publics et les institutions de l’État.

Alors qu’au moins 10 millions de personnes vivent déjà dans la pauvreté, le gouvernement Bayrou (aujourd’hui heureusement défunt) a présenté un budget imposant des économies budgétaires de plus de 40 milliards d’euros sur le dos du peuple. Il voulait trancher dans les prestations sociales, les indemnités de maladie, les jours fériés, la santé et l’éducation, alors qu’il a remis 211 milliards d’euros en subventions – sans la moindre contrepartie – aux grandes entreprises. Bayrou voulait également une augmentation massive des dépenses militaires. Plus d’argent pour la cupidité capitaliste et les moyens de tuer des gens, et moins d’argent pour les nourrir, les soigner et les éduquer. Peu étonnant que cela ait fini par mettre le feu aux poudres.

Si l’ampleur de la mobilisation du 10 septembre était difficile à prévoir, il était déjà clair, ne serait-ce qu’à partir des réactions sur internet et l’activité préparatoire importante sur le terrain, qu’elle allait être un grand succès. Même maintenant, on ne sait pas combien de personnes sont descendues dans la rue ou ont participé d’une manière ou d’une autre. Les premières estimations font état d’environ 250 000 manifestants nationalement. Mais les indices photographiques montrant, rien qu’à Paris, des foules immenses de manifestants occupant les grandes places et les boulevards suggèrent que ce chiffre est bien en deçà de la participation réelle. En tout cas, quel qu’ait été le nombre de participants directs, une chose est certaine : ils ont été compris et soutenus par plusieurs millions de jeunes, de travailleurs et de retraités qui n’en étaient pas. C’est là une réalité qui n’échappe à aucun représentant sérieux de l’ordre établi. Le sol se dérobe sous les pieds de leur système. Ils le savent. Et cela les inquiète profondément, à juste titre !

Les autorités ont envoyé plus de 80 000 policiers armés pour charger et frapper des manifestants. Elles ont donné des consignes claires pour que les manifestations soient contenues et, si possible, dispersées. De très nombreuses vidéos et photos – et bien sûr de blessures parfois très graves – témoignent de la brutalité de la police. Et pourtant, globalement, la répression s’est soldée par un échec. Elle n’a pas pu mater le mouvement. Au contraire, elle n’a fait qu’alimenter davantage la haine et le ressentiment contre Macron et les autorités. La politique répressive de Macron est un aveu d’impuissance. Les gens sont descendus dans la rue pour exiger des solutions. Macron n’a pu leur offrir que des matraques, des gaz lacrymogènes, et des véhicules blindés.

La lutte n’est pas terminée. Espérons qu’elle ne fait que commencer. Dans tout le pays, des assemblées générales discutent de nouvelles actions à mener. Ce week-end, des centaines de milliers de personnes se rassembleront à l’occasion de la Fête de l’Humanité. Et puis, le 18 septembre, il y aura une nouvelle journée de grèves, de manifestations et de protestations diverses, à l’initiative des syndicats.

Bayrou est parti. Il ne nous manquera pas. Mais Macron l’a immédiatement remplacé par un autre serviteur du capitalisme, l’ancien ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Les ministres vont sans doute changer, mais le nouveau gouvernement ne sera pas plus fort que son prédécesseur. Il n’aura pas de majorité parlementaire. Dès qu’il présentera un budget qui sera sans doute une version légèrement retoquée de celui de Bayrou, il tombera à son tour. Faible, sans une majorité parlementaire, et encore moins soutenu dans la population, l’appareil gouvernemental restera plus ou moins paralysé.

La situation actuelle met les partis de gauche et les organisations syndicales à l’épreuve. Pendant longtemps, et même depuis les années 1990, la CGT a cessé de proposer une forme de société alternative au capitalisme. Auparavant, sa direction s’accrochait aux « modèles » de l’URSS et du bloc de l’Est, les présentant comme autant d’exemples de « socialisme ». Lorsque tous ces régimes se sont effondrés, ces « modèles » ont été remplacés. Le rôle des syndicats devait désormais se limiter à la lutte contre les conséquences du capitalisme, sans pour autant remettre en question l’existence du système. Ce problème n’est toujours pas résolu, au niveau confédéral. Cependant, certaines composantes de la CGT, à l’instar de la CGT Thales, ont fait un pas significatif dans le bon sens, en appelant à la mise en place d’une « planification démocratique » de la production et de la répartition des richesses. Il faudrait maintenant faire un pas de plus, pour expliquer si un tel plan peut ou non se réaliser sous le régime de la propriété privée des banques et de l’industrie, sous la loi du profit, de la Bourse et de la concurrence capitaliste. Nous pensons que non.

Le PCF, pour sa part, propose un plan d’investissements aux antipodes de l’austérité. C’est un pas en avant, mais un pas qui pose la même question : ce plan est-il compatible avec l’ordre capitaliste ? Et sinon, que propose le parti à la place ? Dans le PCF, à la France Insoumise et dans l’ensemble des organisations et mouvements anticapitalistes, nous avons besoin d’une clarification sur cette question programmatique fondamentale. Quant au Parti Socialiste, dont les orientations sont, hélas, explicitement favorables au maintien du capitalisme, notons que sa direction s’est déclarée prête à diriger un gouvernement sous Macron, et ce malgré l’opposition d’une majorité de sa base militante. Cette capitulation honteuse ne fait que démontrer, une fois de plus, que la direction du PS n’est pas une alliée fiable dans la lutte contre la droite, contre l’austérité et contre le capitalisme.

La nécessité d’une véritable politique communiste ou socialiste (car les deux termes signifient la même chose) n’a jamais été aussi aiguë. Dans son discours final devant l’Assemblée Nationale, François Bayrou a déclaré, en substance, que c’était une chose de se débarrasser d’un gouvernement, mais que les réalités économiques seront toujours là. À ce moment-là, plus personne ne l’écoutait vraiment. Et pourtant, l’idée qu’il exprimait est de la plus haute importance. Car alors que les gouvernements peuvent en effet aller et venir, tant que le capitalisme reste intact, le profit passera toujours avant les besoins du peuple, les riches deviendront toujours plus riches au détriment des autres, et la société sera toujours divisée en exploiteurs et exploités. Les gouvernements, y compris les gouvernements de « gauche », ne seront jamais que les masques temporaires de ce système inique. Seule l’émergence d’un mouvement de masse autour d’une politique d’expropriation socialiste, prenant le contrôle de l’économie au nom de la majorité et la plaçant sous contrôle démocratique, peut nous sortir de l’impasse.

La France entre dans une période de grave instabilité sociale et politique. Il y a une opposition massive à Macron. Et pourtant, largement en raison des insuffisances des organisations de gauche et de leurs performances historiques lamentables au pouvoir, il n’est pas impossible que la crise actuelle aboutisse à une victoire électorale du Rassemblement National. De nombreuses personnes ont été trompées par sa démagogie nationaliste et xénophobe. Néanmoins, en dépit d’un possible revirement réactionnaire dans les urnes, accentué par un abstentionnisme important, se couve une révolte active et radicale dans le sens opposé, contre l’austérité et contre le racisme. La polarisation de la société est devenue si flagrante, si aiguë, qu’elle ne saurait être résolue par ce que certains appellent le « processus démocratique ». Les députés de gauche à l’Assemblée nationale peuvent jouer un rôle positif dans la lutte contre le capitalisme. Mais cette lutte sera avant tout de nature extraparlementaire, c’est-à-dire une mobilisation de la population dans la rue, dans les quartiers, dans les entreprises. La classe capitaliste a le pouvoir et donc le droit qui en découle de défendre ses propres intérêts et d’imposer la régression sociale. Les travailleurs réclament le droit d’y résister. Et là où les droits sont égaux, ce sera la force qui décide.

GO, PCF Paris

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