Après seulement quatre mois à la tête du Département à l’efficacité gouvernementale (Department of Government Efficiency ou DOGE), Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, a quitté le gouvernement américain. Il était chargé de réduire les dépenses publiques et s’était montré très déterminé en s’exposant sur scène avec une tronçonneuse, offerte par le président de l’Argentine Javier Milei.
L’objectif affiché était de sabrer la « bureaucratie » et de réduire de 2 000 milliards le budget consacré aux dépenses publiques. Mais le show s’est brisé sur le mur de la réalité. Les capitalistes, n’étant pas très regardants sur les compétences d’Elon Musk à diriger un département d’État, comptaient sur son ambition sans aucune crainte, son initiative sans contraintes et sa haine envers les fonctionnaires. Résultat, les journaux américains estiment que l’économie réalisée se situe à environ 150 milliards de dollars. On peut donc en conclure qu’Elon Musk a atteint 7,5 % de l’objectif. Que ne dirait-il pas à un de ses employés qui ne réaliserait que 7,5 % de l’objectif chiffré attendu ?
Les capitalistes véhiculent l’idée, dans les médias, qu’il y auraitdes milliers et des milliers de fonctionnaires qui coûtent à l’État et qui ne feraient rien. Et les hommes politiques à leur solde vont bon train dans la surenchère en proposant dans leurs programmes toujours plus de fonctionnaires à ne pas remplacer. On se souvient de François Fillon et Alain Juppé se battant à celui qui supprimerait le plus de fonctionnaires, l’un 500 000 et l’autre 300 000, pour se faire bien voir des capitalistes et gagner ainsi les faveurs des médias. Emmanuel Macron prétendait quant à lui supprimer 120 000 postes de fonctionnaires.
La propagande capitaliste a réussi à faire croire à nombre de salariés que les fonctionnaires de l’État représentaient un coût, alors que les salariés bénéficient des services publics et donc que la détérioration des services publics par la diminution des personnels se fait à leur détriment.
Un emploi sur cinq en France est un emploi d’agent public de l’État. C’est une proportion supérieure à celle aux États-Unis, mais bien inférieure aux pays scandinaves par exemple. La fonction publique c’est : Enseignement, Recherche, Justice, Police et gendarmerie, Hôpitaux, Établissements pour les personnes âgées, pour la petite enfance, pour les personnes handicapées, personnels travaillant pour les communes, les départements et les régions (routes, forêts, administrations, bibliothèques, etc.)… Contrairement à un fantasme largement répandu par les médias servant les capitalistes qui voudrait qu’il y aurait des fonctionnaires inutiles, les agents publics exercent des activités indispensables au bon fonctionnement de la société toute entière et toute tentative de coupe dans les dépenses publiques se solde inéluctablement par des difficultés supplémentaires dans la vie quotidienne.
Elon Musk a échoué, non pas parce qu’il est incompétent, mais tout simplement parce qu’il n’y a pratiquement rien à couper dans les dépenses publiques. Car où tronçonner ? Il a tenté de tronçonner dans certains secteurs, et très vite il est allé les rechercher car les conséquences étaient catastrophiques. Et Musk a bien été obligé de troquer sa tronçonneuse pour une lime à ongles.
Dès que les services publics sont réduits, les missions sont confiées à des entreprises privées, et au final, globalement cela coûte plus cher à l’État. Contrairement aux idées reçues, le secteur privé coûte plus cher que le secteur public : actionnaires qu’il faut gaver et qui réclament une part de plus en plus importante, publicité pour se démarquer de la concurrence, etc…
Tous les politiciens de droite ou d’extrême droite qui s’enthousiasmaient à l’idée de l’arrivée d’un personnage comme Musk, , ignorant ce que cela fait d’être dans le besoin pour le commun de la population, et qui allait, jurait-il, donner une leçon « d’efficacité » contre la soi-disant bureaucratie se retrouvent en culotte courte devant la réalité.
Bien évidemment, dans les dépenses publiques, les médias n’évoquent pratiquement jamais toutes les aides aux entreprises, dont le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi qui grève les recettes de l’État.
Contrairement aux idées reçues, les études montrent qu’une majorité de Français sont satisfaits des services publics, et de leurs relations avec les agents publics. Nous pourrions ajouter que la satisfaction serait encore plus complète si l’école avait plus de personnels pour encadrer des jeunes de plus en plus en difficultés, si l’hôpital avait plus de personnels pour faire face aux urgences médicales, si la justice avait plus de moyens humains pour traiter les affaires qui se multiplient, si la police avait plus de moyens pour faire plus de travail pédagogique en amont et mener des investigations plus complexes dans l’évasion fiscale et le détournement d’argent public, etc.
Nous faisons le constat qu’une très grande majorité d’agents de l’État font en sorte que le service rendu soit le meilleur possible, dans une période où les besoins de la société vont croissant. Les dirigeants ne pensent qu’à diminuer les coûts, et à augmenter leurs profits à court terme, alors que les dépenses publiques sont un investissement dans la société, évitant des conséquences bien plus coûteuses pour la société en général, et les familles dans le besoin en particulier.
On peut dire aujourd’hui que les services publics sont tenus à bouts de bras, au quotidien, par tous les agents qui s’activent, se démènent, parfois sans être rémunérés, pour une meilleure société.
Eric Jouen