Augmentez les salaires !

La question des salaires agite ce début d’année comme elle avait agité la fin d’année 2021. En cette période électorale, ce sujet reprend un peu de force, porté par des grèves dans plusieurs entreprises (Leroy-Merlin, Thales, Dassault etc) et une journée de grève interprofessionnelle le 27 janvier (une seconde étant prévue le 17 mars). Certaines de ces luttes ont été victorieuses avec des augmentations pouvant aller jusqu’à 5%. En parallèle, ce sujet a même été porté par le MEDEF ou certains patrons (notamment dans la restauration) avec des « propositions » d’augmentation du salaire net par une baisse des cotisations salariales. Mais que recouvre cette question du salaire ? Et surtout quelle est la position marxiste sur ces revendications ?

La question du salaire et de son augmentation a pris de l’importance au rythme de l’expansion du capitalisme. Dans Le Capital Marx écrit : « A la surface de la société bourgeoise, la rétribution du travailleur se représente comme le salaire du travail : tant d’argent payé pour tant de travail. Le travail lui-même est donc traité comme une marchandise dont les prix courants oscillent au-dessus ou au-dessous de sa valeur. » Cela signifie 2 choses importantes : le salaire est payé pour un travail et il est soumis au « marché ». Le capitaliste possède l’outil de travail (le capital), mais pour le mettre en action, pour que ce capital produise, il lui faut du « travail » ou plus exactement de la force de travail. Pour cela, il l’achète aux travailleuses et travailleurs, le prix de cet achat étant le salaire. Les travailleurs, eux, n’ont que cette force de travail à vendre, c’est leur seul marchandise (ils n’ont pas de capital à faire produire). C’est ainsi que naît un marché particulier où l’on trouve d’un côté les outils de travail et de l’autre la force de travail nécessaire à la production.

La théorie libérale classique (depuis au moins Adam Smith), considère que ce marché est réglé par l’offre et la demande et que chaque partie serait égale (avec des décisions politiques qui l’inscrivent dans le marbre comme la loi Le Chapellier en France en 1793). En clair le capitaliste et le travailleur seraient « libres » d’acheter et de vendre la force de travail. Si le capitaliste considère qu’elle est « trop chère » il peut refuser de l’acheter, si le travailleur considère que le prix est trop bas il peut refuser de la vendre. Ce principe reste très présent dans nos sociétés capitalistes, c’est même la source des régressions que pratiquent la plupart des gouvernements. Au nom de ce « marché » qu’il faudrait « libérer », ils (les capitalistes) veulent réduire toutes les conquêtes de la classe laborieuse (individualisation des salaires, destruction des conventions collectives, détricotage des « droits » comme le CDI, les règles pour l’utilisation de CDD etc). Mais la réalité de ce « marché » se retourne contre certains capitalistes ! Il est clair que les conditions de travail et les salaires dans certains secteurs raréfient « l’offre » de travailleuses et travailleurs (comme dans la restauration) ce qui entraine une hausse (même faible !) des salaires. Si nous considérons le salaire comme un prix, il faut donc s’intéresser à la marchandise qui est échangée.

Cette marchandise n’est pas le travail mais la force de travail ! La force de travail ne se concrétise que lorsqu’elle est mise en œuvre, lorsqu’elle met en œuvre du capital pour produire une marchandise. Cette « marchandise » est donc particulière car elle n’existe pas avant son utilisation (tout au plus c’est une capacité à travailler) et encore moins après puisqu’elle est détruite dans ce processus ! C’est ce qui rend cette marchandise hors norme car pour qu’elle existe il faut qu’elle soit employée. Ainsi le travailleur ne peut vendre sa marchandise (sa force de travail) que si elle produit. Le travailleur n’ayant que cette force de travail à vendre, il lui faut donc absolument la mettre en œuvre pour pouvoir la vendre ! Il lui faut trouver un capitaliste pour la lui acheter. La position du capitaliste est bien plus forte dans ce rapport. Ainsi, le capitaliste voit son capital toujours présent après la production (même si légèrement « usé ») tandis que le travailleur a perdu définitivement la force de travail qu’il a vendu.

De plus, dans ce rapport, le capitaliste « achète » une force de travail dont il use comme bon lui semble. De fait le capitaliste a intérêt à acheter le moins cher possible et à faire que la force de travail soit la plus productive possible. (Il lui faut rapprocher la valeur de cet achat le plus proche possible de la juste possibilité au travailleur de revenir le lendemain ; soit juste pour renouveler la force de travail). Traduit dans des mots plus récents, il doit « modérer » les salaires et augmenter la productivité. A l’opposé, le salarié veut quant à lui augmenter son salaire. C’est ainsi que la question du salaire « cristallise » la lutte de classe. Elle en est l’expression la plus claire et la plus visible pour toutes et tous. Pour « acheter » le moins cher possible, le capitaliste a plusieurs solutions : augmenter la productivité ou baisser le prix du salaire. Pour baisser le prix du salaire, les capitalistes ne peuvent plus baisser directement le salaire reçu par le salarié. Les conquêtes sociales l’en ont empêché (notamment le passage à un salaire horaire mensualisé contractualisé). Le statut de salarié en est la concrétisation actuelle (le salariat juridiquement parlant est une conquête récente de moins d’un siècle).

Pour autant il peut utiliser plusieurs méthodes. La première est de laisser fixe les salaires dans une période d’inflation. Si le salaire ne bouge pas mais que le prix de vente des marchandises augmente, la part du salaire dans le prix de vente est réduite d’autant. J’ai donc fait baisser le salaire dans le temps. En effet, si pour un même salaire, les prix augmentent d’une année sur l’autre, alors mon salaire transformé en capacité d’achat a diminué !

Prenons un exemple :

Je touche 1940€ en 2019 1.

Avec mes 1940€, je loue un appartement 600€, je rembourse 200€ pour ma voiture, 70€ d’assurances, 100€ d’essence, 200€ d’énergie, 30€ d’eau et 600€ de course (nourriture, hygiène etc). II me reste 140€ pour le reste de mes occupations.

En 2020 mon salaire stagne mais il y a (forcément) une légère inflation.

Je gagne donc toujours 1940€, mais mon loyer passe à 620€ (+3,3%), les assurances à 72€ (+3%), 110€ d’essence (+10%), 630€ de courses (+5%), 210€ d’énergie (+5%), 30€ d’eau et toujours 200€ de remboursement auto (si vous avez un crédit sans taux évolutif !) Et bien il ne me reste plus que 68€ à la fin du mois ! C’est un moyen efficace de baisser le salaire effectif sans toucher au salaire nominal.

Une autre possibilité est de faire baisser les cotisations. Les cotisations sont une part que les salariés socialisent pour leur permettre de faire face aux accidents de la vie (maladie, chômage etc.). C’est une conquête ouvrière, mise en place définitivement en 1946. Mais ces cotisations ne sont pas versées directement aux salariés, ils ne s’en servent pas directement pour reproduire leur force de travail. Ainsi en réduisant les cotisations, le salarié ne voit pas directement cette baisse de salaire mais il s’en rend compte lorsqu’il subit par exemple la maladie (moins de remboursement, accès aux soins difficiles etc), le chômage (baisse des allocations, augmentation du temps de cotisation pour avoir les mêmes temps d’indemnisation) ou la retraite (départ plus tard, pensions en baisse etc.).

Enfin, une autre possibilité pour le capitaliste est d’augmenter la productivité. S’il achète une heure de travail et que dans cette heure je produis plus, alors le salaire rapporté à la production a baissé. Par exemple, mon patron me paie 7h. Pendant ces 7h je produis 70 pièces automobiles. Mais il augmente les cadences et je produis 140 pièces en 7h. Avant, mon salaire correspondait à 10 pièces par heure, maintenant c’est 20 pièces. Pour la même quantité produite, le temps rémunéré a baissé. Par exemple avant pour 10 pièces le patron devait payer 7h, maintenant que 3.5h !

Pour les salariés, les leviers sont inverses. Il y a, bien sûr, l’augmentation directe du salaire. Cette augmentation est le fruit d’un rapport de force qui est en faveur du salarié, soit par l’action collective soit par la « rareté » de salariés. Mais alors que fut l’évolution de ce « marché », et quel impact aujourd’hui ?

Nous l’avons vu le but du capitaliste est de réduire le salaire à son plus bas niveau, celui permettant simplement la reproduction de cette force de travail. Le capitaliste n’a pas besoin que nous nous divertissions, que nous pratiquions du sport, que nous nous cultivions, que nous apprenions, ou tout du moins il n’y a intérêt que dans le strict besoin de la production.

Pendant la montée en puissance du salariat durant la première moitié du 20ème siècle, la construction et le renforcement de la classe ouvrière a permis des conquêtes allant dans le sens de la satisfaction des besoins des salariés. Au prix du sang et des larmes de notre classe, il y eut des règles plus contraignantes pour le « marché du travail » (limitation du travail des enfants, obligations en termes de sécurité, création des conventions collectives, congés payés etc.). Après ces conquêtes, les conditions de travail et de salaires continuèrent de s’améliorer après la seconde guerre mondiale en partie car les capitalistes avaient besoin de plus de salariés et que la classe ouvrière menait activement la lutte grâce à ses organisations.

1982 est souvent considéré comme le point de bascule en France. En effet de 1949 à 1982 la part des salaires dans la valeur ajoutée a grimpé de 67% à 75%. Cela signifiait que dans la richesse globale produite en 1982, 75% revenait aux travailleurs et 25% aux capitalistes (on peut se demander ce qui justifie, d’ailleurs, ces 25% !). Toutefois, après 1982 et le tournant de la rigueur du gouvernement PS-PCF Mauroy, la part des salaires a diminué. À la fin des années 1990 elle n’était plus que de 64% (source INSEE). Ce phénomène est visible partout dans le monde.

Figure 1: part des salaires dans le PIB, Paolo Pasimeni 2018  (Source:  https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/economy-finance/dp079_en.pdf)

Dans le même temps la productivité a explosé, en déconnexion totale avec les salaires.

Figure  2: productivité du travail, rémunération moyenne et rémunération d’un salarié d’exécution aux Etats-Unis (en indices, base 100 en 1948) (source: https://blogs.alternatives-economiques.fr/anota/2018/04/15/productivite-et-salaires-un-lien-rompu)

La pression mise sur les salaires a été permise par une augmentation du taux de chômage, rendant l’offre de force de travail supérieure et, par conséquent, tirant à la baisse les salaires. Et quoi de mieux pour accroitre la concurrence entre salariés que de baisser les droits des chômeurs ! L’autre phénomène actuel pour baisser les salaires est de se « débarrasser » des salariés les plus âgés (ceux qui ont des salaires plus élevés, avec un statut protecteur), par des salariés plus jeunes qui ne bénéficient pas ou moins du statut précédent. Par exemple à La Poste il n’y a plus de recrutement de facteurs au statut fonctionnaire et ceux restant sont « poussés » vers la sortie. Chez les fonctionnaires il y a de plus en plus de « contractuels », c’est-à-dire de salariés n’ayant pas le statut de fonctionnaires. En 2018 la lutte des cheminots était sur ce sujet. Dans le privé, ce système est bien rôdé et se nomme « l’effet noria ».

Combien de salariés entendent qu’il faut « redéfinir » le contrat social de l’entreprise ; il faut comprendre : il faut baisser la masse salariale ! Et tout cela n’a qu’un seul but : faire baisser les salaires ! Comme nous venons de le voir les salaires subissent une pression continue depuis 1982 et malgré la hausse de la productivité, ils stagnent depuis. La période actuelle a vu la poursuite de la « modération » salariale, mais en plus, la crise sanitaire vient bousculer l’ordre des choses en France. La lutte pour de meilleurs salaires se poursuit continuellement. Régulièrement des entreprises ou la fonction publique se mobilisent pour des augmentations. La période pré-covid a vu des luttes en France et ailleurs (lutte pour les 15 dollars dans la restauration rapide aux USA).

Mais l’impact économique et « moral » de la pandémie bouscule les mobilisations. En effet, les salariés en « première ligne » qui ont poursuivi, malgré les risques, le travail sont souvent très mal payés (santé, grande distribution, logistique etc.). A la suite du ralentissement économique, dû aux fermetures de frontières et aux usines arrêtées, le « redémarrage » nécessite de l’énergie. Cela a pour effet de renchérir son prix et d’impacter toutes les chaînes de production et de transport, et donc de faire repartir l’inflation à la hausse (3,4% de manière globale et 21,6% sur l’énergie en novembre sur un an selon l’INSEE).

Cette inflation est d’autant plus sensible qu’elle est forte sur l’énergie, en pleine période hivernale où nombre de travailleuses et travailleurs peinent à se chauffer (18% des ménages ont eu des difficultés à payer leur facture d’énergie en 2020 d’après le baromètre énergie-info du Médiateur). Cette inflation et le manque de reconnaissance de ceux qui ont été en « première ligne » a poussé les salariés à se mobiliser en fin d’année 2021 et début 2022.

Ces mobilisations se font par entreprises en fonction des dates des NAO (négociation annuelle obligatoire où la question des salaires est importante). Ces luttes furent importantes et dans des entreprises peu habituées aux mouvements de grève (CFTA, Leroy-Merlin etc), avec souvent un bon résultat, même si les revendications premières n’ont pas toujours été atteintes.

L’intersyndicale « classique » (CGT, FO, FSU et Solidaires) a tenté « d’inter professionnalisé » la revendication d’augmentation des salaires le 27 Janvier. Malheureusement ce ne fût pas un grand succès. Les salariés considèrent pour l’heure que la lutte dans leur boîte est l’échelon où ils peuvent gagner l’augmentation. Ils sont donc prêts à perdre du salaire en sachant qu’une augmentation dans leur boutique est atteignable.

Pour l’heure, une mobilisation globale ne leur semble pas « gagnable ». Une autre mobilisation est prévue en intersyndicale les 8 et 17 mars. Le 8 mars est la journée de lutte pour les droits des femmes et portera sur l’écart de salaire entre femmes et hommes (22,7% pour un temps plein en 2015). Le 17 mars ce sera la question des salaires dans leur ensemble. Il est fort probable que les salariés ne s’emparent que peu de ces journées, pour les mêmes raisons que celles de la faible participation du 27 janvier. Pour autant il ne faut pas voir dans ces faibles mobilisations interprofessionnelles une incapacité à mobiliser globalement les travailleuses et travailleurs, bien au contraire !

Quand on étudie le mouvement de Mai 68, il apparaît que le nombre de jours de grève globaux a été plus important en 1967 qu’en 1968. Les grèves de 1967 étaient souvent sur la question du salaire et des conditions de travail. Les manifestations étudiantes ne furent que le catalyseur de luttes entamées en 1967 ! Quelles perspectives syndicales et révolutionnaires ?

Contrairement à Mai 1968, le syndicalisme est en régression et les luttes « interpro » sont plus compliquées encore. Si les grèves nationales interprofessionnelles ont du mal à avoir lieu, cela résulte d’un long processus au cours duquel la « conscience de classe », mais surtout la présence syndicale au plus près des salariés, a reculé. Le but de cet article n’est pas de faire un bilan du syndicalisme en France. Pour autant, ces reculs font que la perception d’une victoire possible au niveau interprofessionnel est faible voire nulle pour la plupart des travailleurs. Cela explique la réussite de mobilisations au niveau de l’entreprise ou du service et le peu de participation aux journées « nationales ».

L’important pour le mouvement syndical, et surtout la CGT, est de regagner le lien avec les travailleurs. Pour cela, il faut soutenir et encourager les luttes dans les entreprises, les organiser, former sur le piquet des travailleuses et travailleurs qui pourront devenir de vrais militants. Il faut, également, essayer de développer la solidarité entre grévistes sur un territoire afin de faire comprendre que TOUS les salariés ont un problème de salaires. L’état d’organisation de la CGT ne lui permet pas, pour l’instant, d’organiser, par « en haut » des grèves interprofessionnelles suivies efficacement sur les salaires. D’autant plus que dans la perception des travailleurs, les journées d’actions éloignées les unes des autres ne donnent aucune perspective de lutte efficace et victorieuse. Les grèves dans les entreprises ne sont pas toutes « générales et reconductibles ». Dans plusieurs secteurs elles ont été en discontinu. Pour autant, la lutte était continue. Le calendrier était communiqué (par exemple à la CFTA des débrayages étaient prévus d’une semaine sur l’autre).

Pour espérer mobiliser, il faut que les travailleurs puissent se projeter aussi bien dans le temps que dans les revendications. Les salariés savent qu’une seule journée ne suffira pas à faire céder les patrons ou l’Etat. En revanche, s’ils ont une perspective de lutte avec la compréhension que les dirigeants syndicaux savent que la lutte doit se poursuivre dans le temps, alors ils se mobiliseront plus. Il faut aussi des revendications communes à tous les salariés. La revendication pour les salaires doit faire comprendre que ce sont tous les salaires que nous voulons augmenter. Quand la CGT parle d’un SMIC à 2000€ brut, elle a raison ; mais sans rajouter l’augmentation de TOUS les salaires, ceux qui ont un salaire supérieur au SMIC (même de peu) ne s’y reconnaissent pas. Voire pire, ils considèrent que s’il y a une telle augmentation du SMIC, ils se rapprocheraient du SMIC, créant une sensation de « déclassement salariale ».

La situation économique résultante de la pandémie va se détériorer. Les milliards d’argents déversés pendant la pandémie ont permis aux entreprises de résister à la fermeture de la production ou à son ralentissement. Pour autant le redémarrage pose plusieurs questions et la plus centrale va être : qui va payer les dettes accumulées pendant la pandémie ? La réponse des gouvernements et des patrons sera : les travailleuses et travailleurs ! Et pour cela ils vont vouloir s’en prendre encore plus farouchement aux salaires (net et brut) et aux conditions de travail !

Le redémarrage va aussi engendrer une forte inflation (les capitalistes eux-mêmes en sont conscients et cette dernière a déjà démarré !). Inflation qui rendra la vie des travailleuses et travailleurs toujours plus dure : l’effet cumulé va être explosif ! C’est pourquoi la CGT se doit d’avoir un discours clair sur les salaires ! Il y a des signes positifs, notamment dans l’appel du CCN du 9 février où la revendication de l’échelle mobile des salaires réapparaît ! Mais qu’est-ce que l’échelle mobile des salaires ?

Comme nous l’avons vu, même quand il est contraint à des concessions par les salariés en lutte, le patronat peut indirectement « récupérer » ce qu’il a perdu, notamment par l’inflation. Ce n’est pas que les patrons se concertent pour augmenter les prix, simplement si la force de travail « s’achète » plus chère, le prix de revient est plus élevé, donc ils tentent de conserver leurs marges en augmentant les prix. Pour éviter que les augmentations gagnées ne se perdent par l’inflation, le mieux est d’indexer les salaires sur les prix de manière automatique : c’est cela l’échelle mobile des salaires. Ce faisant, les capitalistes ne peuvent récupérer ce qu’ils ont lâché contraints et forcés. Que cette revendication revienne sur des publications CGT est une bonne chose car elle donne un minima de perspective. Gagner des augmentations c’est bien, mais les pérenniser dans le temps c’est mieux !

Comme révolutionnaires nous savons que l’augmentation des salaires n’est pas, en soit, révolutionnaire. Pour autant la question des salaires pose de manière criante la réalité de la lutte de classe. La lutte pour les salaires doit aller de pair avec la dénonciation des processus qui permettent aux capitalistes de « récupérer » ces augmentations. La revendication de l’échelle mobile des salaires a l’avantage de s’attaquer au « libre marché du travail », à l’encadrer et à faire baisser le pouvoir des capitalistes qui perdent un des moyens de récupérer nos conquêtes. En expliquant le processus de la « formation du prix » du travail, on explique le mécanisme essentiel du capitalisme. En effet, c’est la possession privée du capital qui permet aux capitalistes d’acheter la force de travail et lui donne un « poids » énorme dans le « marchandage ».

Cette revendication permet aussi aux travailleuses et travailleurs d’avoir une perspective commune qui ne se limite pas à une augmentation mais à une corrélation entre hausse des prix et salaires. Cette revendication doit être liée à une répartition du travail entre toutes et tous par l’échelle mobile des heures de travail, qui veut que le temps de travail ne soit pas décidé par le capitaliste mais par les besoins de production qui sont rationnellement planifiés et répartis entre chaque travailleur. Cela désarme de nouveau les capitalistes qui ne pourront plus utiliser une offre de travail importante (les chômeurs) pour faire baisser les salaires ! Ces 2 revendications (échelle mobile des salaires et échelle mobile des heures de travail) sont des moyens d’unir les travailleuses et travailleurs, avec ou sans emploi. Elles poseront rapidement la question du pouvoir, et lorsqu’une revendication pose expressément la question du pouvoir, elle nourrit le feu révolutionnaire.

Revendications pour mobiliser, revendications pour interroger, revendications pour mener la lutte : voilà ce dont notre classe a besoin ! Pour saisir l’importance de ces revendications, il faut se remémorer le programme de transition de Trotski. Ecrit en 1938, il y est écrit : « Les forces productives de l’humanité ont cessé de croître. Les nouvelles inventions et les nouveaux progrès techniques ne conduisent plus à un accroissement de la richesse matérielle. ». Si tout n’est pas comparable et si les éléments de 1938 ne sont pas ceux d’aujourd’hui, il est frappant de voir qu’aujourd’hui l’explosion de la richesse (d’un petit nombre) ne correspond à aucune augmentation équivalente de la richesse matérielle !

Il rajoute : « Les prémisses objectives de la révolution prolétarienne ne sont pas seulement mûres ; elles ont même commencé à pourrir. Sans révolution socialiste, et cela dans la prochaine période historique, la civilisation humaine tout entière est menacée d’être emportée dans une catastrophe. Tout dépend du prolétariat, c’est-à-dire au premier chef de son avant-garde révolutionnaire. La crise historique de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire. ».

Là encore, comment ne pas voir les similitudes ! La crise climatique représente la catastrophe qui vient, tout comme la situation économique et géopolitique. Les fondements de la catastrophe qui vient ne sont pas ceux de 1938. Pour autant l’humanité voit la catastrophe venir ! Quant à la crise de la direction révolutionnaire, c’est même pire aujourd’hui parce que c’est la crise de la direction de notre classe (révolutionnaire et réformiste comprises !).

C’est pourquoi les arguments de Trotski en 1938 résonnent encore plus de nos jours. Laissons-lui expliquer la question des revendications sur le salaire : « Le travail disponible doit être réparti entre tous les ouvriers existants, et cette répartition déterminer la longueur de la semaine de travail. Le salaire moyen de chaque ouvrier reste le même qu’avec l’ancienne semaine de travail ! Le salaire, avec un minimum strictement assuré, suit le mouvement des prix. Aucun autre programme ne peut être accepté pour l’actuelle période de catastrophes. »

Nous devons appréhender les mobilisations actuelles au regard de tout cela. Nous devons avoir confiance en notre classe et ne pas être impatient. Comme nous l’avons vu, la question des salaires est centrale dans le système capitaliste. Notre rôle, celui des révolutionnaires, n’est pas de proclamer des journées de grève (même générales), mais de les préparer. Pour cela il faut propager et populariser les revendications d’échelle mobile des salaires et des heures de travail.

Dans la situation économique actuelle d’inflation et de chômage ces revendications représentent le drapeau autour duquel notre classe peut se mobiliser !

Notre travail consiste à organiser notre classe et à lui donner ses mots d’ordre !

La colère emmagasinée depuis trop longtemps explosera ; l’étincelle n’est pas encore connue, mais elle explosera.

Notre rôle historique est de faire en sorte que la déflagration emporte le système capitaliste. Nous avons un rôle central à jouer, il en va de notre avenir !

Sylvain ROCH CGT

 

1 salaire médian français : 50% des salarié.e.s touchent plus 50% touche moins, ce chiffre correspond plus à la réalité que le salaire moyen qui est de 2424 euro en 2019

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