L’Humanité, notre journal en péril, doit être sauvé…

« Le journal c’est le parti, et le parti c’est le journal »

Dans Par où commencer ? en 1901, dans son journal l’Iskra, Lénine expliquait le rôle d’un journal pour les marxistes – révolutionnaires :

Le journal ne borne pas cependant son rôle à la diffusion des idées, à l’éducation politique et au recrutement d’alliés politiques. Il n’est pas seulement un propagandiste collectif et un agitateur collectif; il est aussi un organisateur collectif. On peut à cet égard le comparer à l’échafaudage dressé autour d’un bâtiment en construction; il ébauche les contours de l’édifice, facilite les communications entre les différents constructeurs, à qui il permet de répartir la tâche et d’embrasser l’ensemble des résultats obtenus par le travail organisé. Avec l’aide et à propos du journal se constituera d’elle-même une organisation permanente, qui ne s’occupera pas seulement d’un travail local mais aussi général et régulier, habituant ses membres à suivre de près les événements politiques, à apprécier leur rôle et leur influence sur les diverses catégories de la population, à trouver pour le parti révolutionnaire la meilleure façon d’agir sur ces événements. »

Il y a quelques décennies encore, les camarades chantaient “l’Huma dans toutes les mains ” chanson pour l’Humanité de 1954, “la valse de l’Huma” à la commande d’un film sur le journal, La terre fleurira, dont la réalisation fut confiée à Henri Aisner. Ce film comporte la « Valse de l’Huma » composée par Jean Wiener et Pierre Gamarra.

{Refrain :}
L’Huma sur tous les chemins
L’Huma dans toutes les mains
Bonjour, bonsoir, bon matin
Il y a le blé et le vin
Il y a la laine et le lin
Et l’Huma dans toutes les mains
Sur tous les chemins
L’Huma

Un journal, dans un matin de France
À Marseille, à Brest ou à Nancy
Un journal sous les toits de Paris
Une fille, un gars, une romance…

En pleine Guerre froide, l’Huma annonçait des temps joyeux du socialisme en France… C’était le temps du journal des travailleurs…

Le 18 avril 1904, le journal « L’Humanité » lancé  par Jean Jaurès faisait son apparition dans les kiosques avec son premier numéro.

Dans « notre but », ce premier numéro Jaurès expliquait justement :

« Le nom même de ce journal, en son ampleur, marque exactement ce que notre parti se propose. C’est, en effet, à la réalisation de l’humanité que travaillent tous les socialistes. L’humanité n’existe point encore ou elle existe à peine. À l’intérieur de chaque nation, elle est compromise et comme brisée, par l’antagonisme des classes, par l’inévitable lutte de l’oligarchie capitaliste et du prolétariat. Seul le socialisme, en absorbant toutes les classes dans la propriété commune des moyens de travail, résoudra cet antagonisme et fera de chaque nation enfin réconciliée avec elles-mêmes une parcelle d’humanité »…

Pour les principes d’indépendance du journal l’Humanité voilà la ligne générale…

« Faire vivre un grand journal sans qu’il soit à la merci d’autre groupe d’affaires, est un problème difficile mais non pas insoluble. Tous ici, nous nous donnerons un plein effort de conscience et de travail pour mériter ce succès : que la démocratie et le prolétariat nous y aident.”

Depuis sa création le journal L’Humanité a toujours contribué aux débats politiques, sociaux, économiques, intellectuels de son époque. Passé du Parti Socialiste au Parti Communiste après la scission de 1920, L’Humanité détient une place vraiment à part, dans le monde de la presse en France, tout au long du XXème siècle. Organe de Parti il faudra attendre  le XXVIIIe congrès du Parti communiste français (1994), pour que la mention « organe central du PCF » soit remplacée par « journal du PCF ». À l’occasion d’une nouvelle formule en 1999, la mention du lien avec le parti est supprimée. Reste la mention L’Humanité journal fondé par Jean Jaurès. Le PCF reste selon les statuts « l’éditeur » du journal mais sa direction ne préside plus officiellement à l’élaboration de sa ligne éditoriale. Les militants du PCF restent cependant très impliqués dans la diffusion du journal (essentiellement à travers la vente militante de L’Humanité Dimanche) et l’action des CDH…

L’itinéraire du journal l’Humanité reste marqué par l’influence communiste en France, les heures de gloire du PCF avec le Front Populaire, la Libération, où il atteint des records de vente et de diffusion, avec de perdre régulièrement de l’audience, puis un recul avec la perte d’influence communiste.

Journal de militants, les Comités de défense de l’Humanité (CDH) créés à la fin des années 1920 à l’appel de Marcel Cachin en riposte à l’offensive du ministère Tardieu, les Comités de défense de l’Humanité, doivent assurer la diffusion du quotidien puis de l’hebdomadaire par la vente militante (voir l’article dans l’Humanité défense de l’Humanité (CDH) du Vendredi, 17 Mai, 2019 par Alexandre Courban), de grandes figures apparaissent aussi comme Cachin ou Vaillant – Couturier, ou de collaborateurs anonymes, il lie avec son lectorat un lien sensible, une relation affective qu’aucun autre quotidien n’a jamais connu.

Les CDH se retrouveront l’année suivante lors de la première Fête de l’Humanité en 1930. Créée en pleine crise, elle deviendra un élément fondamental de rayonnement pour le journal en réunissant plusieurs centaines de milliers de participants au début septembre de chaque année au long de ses 83 éditions.

Cette année encore la Fête de l’Humanité aura lieu à la Courneuve au parc Jean Valbon les 13, 14, et 15 septembre 2019 pour attendre plus de 500 000 personnes, la plus grande Fête populaire dans le pays. Pour seulement 28€ les trois jours…

L’Humanité n’est donc pas un journal comme les autres, certes il a connu des crises par le passé, (voir l’article dans l’Humanité Les 1 001 naissances de l’Humanité Jeudi, 18 Avril, 2019 par Cédric Clérin) :

«  En 1939, la méthode pour faire taire l’Humanité est encore plus brutale : elle est interdite le 26 août en même tant que le Parti communiste. Qu’à cela ne tienne. L’Huma clandestine parait dès le 26 octobre 1939 et publiera 317 numéros tout au long de la guerre. « Huma ! Une pauvre Huma, un papelard, mal ronéotypé, mais l’Huma », comme le fait dire Aragon à Guillaume Vallier dans les Communistes. Ceux-ci font vivre leur journal au péril de leur vie tout comme les équipes du journal, dont une grande partie est assassinée par l’occupant ou la police de Vichy, dont Gabriel Péri et Lucien Sampaix. L’Huma renaît à nouveau au grand jour le 21 août 1944 sous forme d’une feuille recto verso qui coûte 2 francs. »

Mais la crise actuelle de 2019, reste très sérieuse, le journal est en péril et ne pourrait ne plus paraitre…

« Placé en redressement judiciaire, le défi du journal de Jaurès est de réussir à trouver sa place dans une révolution technologique qui bouleverse les habitudes de lectures et nécessite des fonds importants. 90 % des médias sont possédés par 9 milliardaires qui peuvent éponger les pertes d’un modèle économique pour l’instant difficile à trouver. Comme, depuis 115 ans, l’Humanité peut survivre grâce aux efforts conjoints de ses équipes et du soutien indéfectible de ses lecteurs. »

Comme les autres journaux quotidiens, depuis plus d’un siècle, il doit produire de l’information, faire vivre une rédaction, s’adapter aux exigences de ses lecteurs, et tenir compte des réalités parfois brutales – du marché. C’est en moyenne 35 000 journaux vendus chaque jour pour l’Humanité, c’est trop peu pour faire vivre notre presse, alors les souscriptions sauvent chaque fois l’Humanité de la faillite. Mais jusqu’à quand ?

Fondée en 1996, la Société des Amis de l’ Humanité s’est fixée comme buts :

  • La défense du pluralisme de la presse
  • L’aide au rayonnement du journal l’ Humanité
  • La création de lieux de rencontres et d’échanges

Dès cette date, la presse, unanime, salue l’évènement :

« L’Humanité en quête de soutien. Cherchant une alternative à la recapitalisation, le quotidien a créé une société des amis. »

 « Le quotidien du parti communiste s’ouvre à l’extérieur ; la société des amis de l’ Huma qui regroupe des non communistes, doit pallier les difficultés financières du titre et favoriser le débat et le pluralisme. » explique Le Monde du 01.02.96.

Depuis cette date, la société des amis de l’Humanité n’a cessé de mettre en œuvre des actions fortes pour mener à bien les buts recherchés. Sauver l’Humanité…

Comme le chantait Jean Ferrat dans « Ma France », sympathisant du Parti communiste français, il rend hommage à ses militants, vendeurs de l’Huma et colleurs d’affiches, à travers ce couplet : « Pour la lutte obstinée de ce temps quotidien / Du journal que l´on vend le matin d´un dimanche / À l´affiche qu´on colle au mur du lendemain »!

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Laurent Gutierrez, PCF 21

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