La Banque Centrale Européenne envisage une montée en puissance de sa stratégie de « QE » (d’après le terme anglais quantitative easing) ou « assouplissement quantitatif ». Il s’agit d’un ensemble d’opérations spéculatives qui ont pour but d’augmenter la masse monétaire à la disposition des banques dans les différents pays européens.
Depuis 2007-2008, l’économie européenne stagne, et plusieurs pays sont en récession.
L’un des facteurs qui a considérablement aggravé la crise économique était la « bulle » financière qui a éclaté cette année-là. La « bulle » était le résultat d’une croissance exponentielle de crédit, et donc d’endettement, dans la période précédente, ce qui avait permis de stimuler artificiellement l’économie capitaliste. Mais avec la saturation des marchés et le phénomène de « surproduction » dans pratiquement tous les secteurs clés de l’économie, une vaste quantité de l’argent prêté n’allait jamais être remboursée, ce qui plongeait les banques dans une situation financière potentiellement désastreuse.
Ainsi, après de longues années d’« austérité » frappant les travailleurs et les services publics sous prétexte que les caisses étaient « vides », des centaines de milliards d’euros ont été miraculeusement trouvés et aussitôt injectés dans les circuits bancaires pour éviter des faillites en chaîne. Pour compenser cette dépense énorme, la Banque Centrale Européenne a insisté pour une accélération des réformes (en réalité des contre-réformes), pour réduire les dépenses publiques et sociales, ainsi que le soi-disant « coût du travail ». En fait, le travail salarié ne coûte absolument rien aux capitalistes, puisque la valeur des salaires est créée par le travailleur lui-même, au cours de sa journée. La valeur qu’il crée au-delà de ce point constitue le profit du capitaliste. Réduire le « coût du travail » signifie en réalité payer le travailleur moins et augmenter d’autant la part du profit.
Cependant, malgré cette offensive implacable contre les droits, les conditions de travail et le niveau de vie des travailleurs, les capitalistes ont été incapables de développer la production. Au contraire, les investissements industriels sont en baisse et la croissance du PIB des pays qui ne sont pas déjà en récession tourne autour de 0,5%. Pire encore, si cette stagnation ne s’est pas transformée en une récession européenne généralisée, c’est parce que la BCE a eu recours au « QE » à une échelle massive. Depuis 2008, elle a acheté des « actifs », c’est-à-dire des crédits en cours de remboursement (ou pas) auprès des banques européennes, dans le but de renflouer leurs caisses, pour une valeur de 900 milliards d’euros ! Ces opérations rapportent, chaque mois, 60 milliards d’euros supplémentaires aux banques. C’est comme si la BCE voulait noyer la crise sous une masse colossale d’argent qui, en coulant dans les circuits économiques sous forme de crédits et d’investissements, est censée redémarrer l’économie et augmenter la rentabilité du capital. Autrement dit, soigner la maladie provoquée par une bulle spéculative consisterait à créer une bulle plus grande encore. Mais la croissance économique ne vient toujours pas. Et donc, Monsieur Mario Draghi, président de la BCE, grand génie financier et chouchou du monde capitaliste, a eu l’idée lumineuse de passer de 60 milliards d’achats d’actifs par mois à 80 milliards.
L’un des effets de l’augmentation de la masse d’euros en circulation est de réduire la valeur de l’euro sur les marchés financiers, notamment par rapport au dollar, ce qui sert à stimuler les exportations des pays de la zone, et surtout de celui qui exporte le plus, à savoir l’Allemagne. Mais à la longue, cette politique signifie que l’énorme quantité d’actifs dont la viabilité discutable compromettait la solvabilité des banques nationales dans le passé, est aujourd’hui en train d’être incorporée dans les fondements de la BCE. Aucun des problèmes liés à la bulle n’a été réglé. Ils ont simplement été déplacés vers la BCE. De ce fait, la prochaine fois que la bulle éclate, les conséquences seront probablement beaucoup plus graves qu’en 2007-2008. Pour éviter ou, pour être plus exact, reporter le plus longtemps possible une telle catastrophe, Merkel et les chefs de l’Union Européenne augmentent la pression pour que les politiques d’austérité deviennent nettement plus sévères à travers l’eurozone. Pour que les riches s’enrichissent encore, le reste de la société doit s’appauvrir.