Située dans la banlieue rouennaise, à proximité immédiate de la raffinerie Petroplus liquidée il y a quelques mois, l’usine de production de papier UPM de Grand-Couronne est aujourd’hui menacée par un plan social décidé par la direction finlandaise du groupe.
Le PDG du groupe UPM, septième producteur mondial de papier, Jussi Pesonen, entend fermer l’une des deux machines de l’usine de Grand Couronne, en l’occurrence la « PM3 » afin d’ améliorer le taux de marge de son groupe. 196 des 400 salariés que compte l’usine sont ainsi menacés directement de licenciement.
La machine en question dégage des bénéfices inférieurs aux attentes des actionnaires du groupe UPM qui n’acceptent qu’une rentabilité à deux chiffres. En 2014, le groupe UPM a affiché un chiffre d’affaire de 10 milliards d’euros.
La machine menacée, qui a fait l’objet de 4 millions d’euros d’investissements en 2013 et 2014, produit actuellement du papier couleur pour la presse ainsi que du papier « brite » (papier très blanc) à partir de papier usagé acheté auprès des autorités publiques chargées de la collecte et de la valorisation des déchets. La papeterie UPM de Grand-Couronne, qui a été pionnière sur le secteur du recyclage du papier pour la presse, est aujourd’hui confrontée à la concurrence de groupes industriels, tels que Veolia, qui démarchent aujourd’hui les organismes publics qui collectent le papier usagé pour le racheter afin de l’expédier en Chine où les besoins en papier sont croissants.
La direction du groupe UPM prétexte de la baisse de la demande de papier en Europe pour démanteler ses sites industriels quand bien même ses activités seraient bénéficiaires. Dans les faits, UPM agit comme ses concurrents de l’industrie papetière implantés en Europe pour maximiser sa marge bénéficiaire. Cela consiste à réduire les capacités de production, pour faire monter les cours du papier, à l’instar du précédent de la papeterie d’Alizay dans l’Eure dont le groupe finlandais M-Réal, qui venait de fermer l’usine, refusait le rachat du site par tout autre repreneur. A ce jour, le groupe UPM refuse de donner des indications sur le devenir de la PM3 qu’il entend arrêter. La production de papier de la machine PM3 serait ainsi rapatriée en Finlande dans une autre usine du groupe.
La FILPAC-CGT, seul syndicat présent sur le site UPM Grand-Couronne, a engagé le bras de fer avec la direction du groupe et les pouvoirs publics dès l’annonce du projet de fermeture de la machine en novembre dernier. Le syndicat estime que l’avenir même du site est compromis à brève échéance avec la fermeture de l’une des deux machines, du fait d’un certain nombre de coûts fixes qui ne seraient supportés par la suite que par une seule machine réduisant d’autant sa rentabilité. La CGT craint que ce ne soit en réalité le prélude à un désengagement du groupe du secteur papetier pour d’autres activités plus profitables, telles que la production d’énergie électrique.
En effet, l’usine de Grand-Couronne est équipée depuis 2007 d’une chaufferie biomasse produisant de l’électricité notamment à partir de produits forestiers ou dérivés. Cette électricité sert à fournir en énergie l’usine. La production électrique non consommée sur place est revendue à EDF dans le cadre d’un contrat qui court jusqu’en 2022. Le prix de rachat avantageux de l’électricité produit par la chaudière a été fixé par l’Etat. La chaudière, financée à 40% par des subventions d’Etat, rapporte actuellement 10 millions d’euros en revente d’électricité. En stoppant une machine, le groupe UPM accroîtrait mécaniquement son surplus d’électricité disponible à la revente à EDF.
Le syndicat CGT explore plusieurs pistes de diversification pour maintenir la PM3 et sauver les emplois qui y sont rattachés. Parmi les propositions syndicales figure une meilleure coordination de la collecte et du tri sélectif du papier usager. Pour réaliser du papier très blanc recyclé, à forte valeur ajoutée, il faut de la pâte à papier tirée de papier de bureau. Aujourd’hui l’usine ne peut acheter que du papier usager en vrac demandant beaucoup de traitement. Cela nécessite d’organiser et de systématiser le tri et la collecte du papier de bureau des différentes administrations et des entreprises.
Par ailleurs, le syndicat propose également de produire du papier « craft » sur la machine menacée. Le marché du papier craft est actuellement en pleine expansion, notamment en France où l’usage des sacs plastiques sera interdit à partir du 1er janvier 2016. Dans une optique syndicale, les salariés de l’usine UPM ont saisi l’ensemble des décideurs politiques locaux de toutes sensibilités, afin de sauver leurs emplois, mettant ainsi chaque décideur public en face de ses responsabilités, hormis le Front National ouvertement xénophobe et allié objectif du patronat. Des actions coup de poing ont d’ailleurs été menées sur la dernière période, telle que l’invasion de l’hémicycle du Conseil Régional réuni en séance plénière en décembre dernier. Parmi les premiers sollicités, les élus communistes du secteur ont très rapidement relayé les propositions des salariés auprès du Gouvernement pour que celui-ci puisse en examiner la faisabilité et enjoint ce dernier à user de pressions sur la direction du groupe UPM.
Si les propositions en question sont pertinentes, elles se buttent néanmoins à la problématique de la propriété des moyens de production. En effet, dans une économie capitaliste, le dernier mot revient toujours au propriétaire des moyens de production et des moyens financiers, ce qui peut se réduire à l’adage « qui paie, décide ! ». Si le conseil d’administration d’une entreprise refuse d’investir, rien ne peut juridiquement le contraindre à le faire, au nom du respect du sacro-saint droit à la propriété privée.
J.T.
PCF St-Etienne du Rouvray