Le sombre tableau du Macronisme… et la révolte qui couve.

Le discours gouvernemental sur le thème de la « reprise économique » repose essentiellement sur les 6% de croissance annuelle du PIB que devrait enregistrer l’économie française à la fin de 2021. Que l’activité économique progresse est indiscutable, mais vanter un taux de croissance « record » de cette façon, c’est prendre des libertés avec la vérité. Le rebond de 6% suit une chute de plus grande ampleur (8%) en 2020 et ne permettra pas de retrouver le niveau de 2019, qui était, rappelons-le, une année de quasi-stagnation économique. C’est une remontée que l’on pourrait qualifier de mécanique et qui ne signifie nullement que la France ait « retrouvé la croissance ».

La propagande de l’exécutif sur ce point est pour partie un calcul politique à l’approche de l’élection présidentielle. Elle vise aussi à justifier des mesures antisociales draconiennes. La réforme de l’assurance-chômage s’appuie sur le mythe de l’amélioration du marché de l’emploi. Il faut restreindre l’accès aux allocations et les réduire afin de pousser les « chômeurs profiteurs » à reprendre une activité. Or, sur les 5,7 millions de personnes inscrites à Pôle Emploi en juin 2021, seulement 40% perçoivent une allocation. Par ailleurs, le chiffre de 5,7 millions d’inscrits représente une hausse de 4,7% par rapport à mars 2020, au début de la pandémie. Où est donc le grand retournement du marché du travail, qui prouverait que les chômeurs ne veulent pas travailler ? Il n’existe pas. La réforme de l’assurance-chômage portera un coup dévastateur aux moyens de subsistance des sans-travail dans un contexte persistant de chômage de masse.

En 2019, la croissance mondiale, européenne et française ralentissait fortement. La pandémie a précipité et aggravé la récession économique qui s’annonçait. Aujourd’hui, pour augmenter la rentabilité du capital, le gouvernement et les capitalistes reprennent leur offensive contre les droits et les conditions de vie des travailleurs, des chômeurs et des retraités. Ils veulent que l’emploi précaire devienne la norme et que les minimas salariaux et la limitation du temps de travail soient plus faciles à contourner. Le programme du capitalisme contemporain, c’est la défense du profit et des privilèges des riches et la régression sociale permanente pour les autres. Le Portrait social de la France, publié par l’INSEE, montre que la pandémie a non seulement mis en évidence la situation sociale désespérante d’une grande partie de la population française, mais aussi qu’elle a contribué à l’aggraver. Ce n’est pas un hasard si c’est la Seine-Saint-Denis, le département le plus pauvre de France, qui a connu le plus fort excédent de mortalité. 715 000 emplois, dont une majorité d’emplois précaires, ont été supprimés au premier trimestre de 2020 et le chômage partiel a essentiellement touché les ouvriers et les employés. La perte de revenu des ménages pendant la pandémie est la plus importante depuis 1949. Et alors que les conditions de vie de l’ensemble du monde du travail et de la jeunesse se dégradent, voilà que se pointe un autre vecteur d’appauvrissement : l’inflation.

Le taux d’inflation en Europe est à son niveau le plus élevé depuis 13 ans. En Allemagne, les prix ont augmenté de plus de 4% en septembre. En France, le taux s’élevait à 2,1% sur 12 mois, selon l’INSEE. La flambée du prix du gaz ménager, qui a bondi de plus de 12% début octobre, et la hausse de l’électricité et de l’essence tendront à renchérir une large gamme de biens de consommation courante. L’envolée des prix est liée à la reprise de l’activité économique après la contraction de la période précédente. Les fournisseurs profitent de l’insuffisance de l’offre par rapport à la demande pour augmenter les prix. L’impact sur le pouvoir d’achat des ménages sera considérable, surtout si l’inflation s’installe dans la durée. Si tous les économistes, ou presque, pensent que la phase inflationniste sera « temporaire », la durée de ce « temporaire » fait débat et ne peut se savoir par avance. Si elle devait durer encore 18 ou 24 mois, par exemple, une partie importante de la population française subirait un appauvrissement palpable, prise dans un étau entre la compression des revenus d’un côté et l’érosion de la valeur de ceux-ci, de l’autre.

Macron est un représentant intelligent de la classe dominante. Il sait que l’avenir du capitalisme français dépend de la destruction progressive de ce qui reste des conquêtes sociales des travailleurs. Les libertés démocratiques, la limitation du temps de travail, le salaire minimum, les ressources consacrées à l’éducation, à la santé, les allocations sociales, les droits et pouvoirs des syndicats sont pour lui autant d’obstacles à faire sauter dans l’intérêt des capitalistes. Mais comme l’ensemble de la classe qu’il représente, Macron craint le déclenchement d’une explosion sociale. Le soulèvement des Gilets Jaunes et la grève des cheminots lui ont servi d’avertissement. Le renforcement des moyens de répression, de surveillance et de contrôle dont dispose la police fait partie d’une stratégie pour mieux protéger l’ordre établi contre des révoltes futures. La nécessité de contenir la pandémie du covid-19 a été exploitée pour intimider et discipliner la population, pour l’habituer à davantage de contrôles et de punitions. C’est la mise en place d’un régime autoritaire, liberticide, d’une société sous contrôle permanent. Le renforcement des capacités répressives de l’État va de pair avec une stratégie de division. Il faut créer un climat de peur, désigner un ennemi de l’intérieur. La loi contre le soi-disant « séparatisme » et la propagande nationaliste et « républicaine » qui accompagne sa mise en œuvre répondent à ce besoin. Tout est fait pour associer les croyances religieuses des musulmans au terrorisme et semer méfiance et hostilité à leur égard. La stratégie de « diviser pour mieux régner » a d’autres facettes : dresser les travailleurs du privé contre ceux du secteur public, les salariés contre les chômeurs, les vaccinés contre les non-vaccinés.

La peur du lendemain provoque, chez une partie grandissante de la population, des réflexes autoritaires, nationalistes et xénophobes. Le gouvernement Macron, les Républicains, Le Pen, Zemmour et d’autres alimentent et exploitent cette tendance réactionnaire. Le pendule politique de la France va vers la droite, et les partis et mouvements qui s’opposent à ce phénomène sont actuellement faibles et divisés. Par conséquent, Macron, malgré son impopularité, a toutes les chances d’être réélu en se présentant comme la seule alternative à l’extrême droite.

La montée actuelle des nationalismes en Europe est le produit de puissants facteurs objectifs, dont les effets socialement désastreux de la « globalisation » capitaliste et l’échec de l’Union Européenne. La « libre circulation » des marchandises et des personnes est vécue comme une menace, une source de vulnérabilité. Dans ces conditions, le repli identitaire et la notion de « priorité nationale » gagnent du terrain.

Cependant, Macronisme et nationalisme ne sont que la partie sombre du tableau. En face de ces tendances réactionnaires, il y a ceux qui résistent, qui luttent, qui défendent des idées progressistes et révolutionnaires. Il y a tout d’abord la CGT, qui organise des centaines de milliers de travailleurs et qui, comme en atteste l’histoire sociale de notre pays, dispose de réserves sociales massives. Il y a le PCF, qui se maintient et qui constitue toujours, en termes de capacités militantes, la force politique la plus importante de notre camp. Il y a la France Insoumise. Des centaines d’associations, de réseaux et de regroupements, chacun à leur manière, mobilisent contre les diverses formes d’oppression et d’exploitation, contre les injustices du système capitaliste. L’ensemble de ces mouvements représente des centaines de milliers de militants. Ils sont moins visibles, médiatiquement, que la droite et l’extrême droite, mais ils existent et constituent une force considérable.

Pour que la lutte contre le capitalisme que ces organisations incarnent devienne une force sociale suffisamment massive pour menacer l’ordre capitaliste, il faudrait qu’une partie importante de la masse « inerte » de la population sorte de sa torpeur et se mette activement en lutte contre l’oppression, l’exploitation et la marginalisation qu’elle subit. Ce n’est que de cette façon qu’il y aura un changement radical des rapports de force entre les forces du capital et celles qui s’y opposent. La révolte qui couve viendra, tôt ou tard, car aucun système économique exigeant une régression sociale permanente pour la masse de la population ne peut continuer indéfiniment. Les masses sont patientes, voire soumises, peut-être. Mais la patience et la soumission ont leurs limites.

Les programmes, les théories, les analyses que nous pouvons produire ne pourront pas déclencher un mouvement de masse. Il se produira quand il se produira. Dans l’immédiat, nous devons maintenir et développer nos organisations et lutter contre le poison du nationalisme et des idées fascisantes. Surtout, nous devons chercher par tous les moyens à fixer dans l’esprit du plus grand nombre possible de militants actuels et futurs ce que doit être le point central d’un programme de lutte « anticapitaliste » digne de ce nom. Comprenons et faisons comprendre qu’il ne sera pas possible de briser le pouvoir de la classe capitaliste sans l’exproprier. C’est la propriété des entreprises qui est la source du pouvoir des capitalistes. Pour que les luttes futures aboutissent à un véritable changement, il faudrait que le contrôle et la direction de l’économie et de l’État passent aux mains des travailleurs et travailleuses, de l’ensemble de la « classe productive ». Ce n’est que de cette façon que nous pourrons instaurer, à la place du marché capitaliste et des critères de rentabilité, une planification démocratique des ressources et des moyens de production dans l’intérêt de tous.

Greg Oxley

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