Les dernières paroles de Gary Graham, mis à mort par injection létale au mois de juin dans le Texas, dénonçaient “l’assassinat systématique des noirs” aux États-Unis. Ces assassinats n’ont pas seulement lieu dans les “couloirs de la mort” des prisons. Ils ont lieu en pleine rue.
Il y a par exemple le cas de James Quarks, un commerçant sur un marché à Baltimore, Maryland. Quarks ouvrait un carton avec un couteau. Un groupe de policiers, armes à la main, s’est approché. Le commerçant lève la tête pour voir ce qui se passe. Voyant le couteau dans sa main, les policiers lui ordonnent de le lâcher. Il jette le couteau et les policiers ouvrent le feu. Quarks est mort criblé de balles. Tout comme l’agression contre Rodney King à Los Angeles, cet incident a été filmé. Ceci a permis de prouver que les policiers étaient coupables. Dans le Bronx, à New York, Amadou Diallo, a été froidement assassiné par la police. Les policiers ont tiré 41 balles sur ce travailleur, dont 19 ont traversé son corps. Cette fois-ci, la scène n’était pas filmée, et les policiers ont bénéficié d’un non-lieu.
De tels incidents se produisent régulièrement aux États-Unis. Cette année, quatre noirs ont été assassinés par la police à Philadelphie. L’un d’eux, Erin Forbes, était entouré de cinq policiers armés, qui ont justifié leur acte meurtrier en disant qu’il les avait menacé “avec un bâton”.
Le nombre d’assassinats perpétrés contre des noirs par la police est en progression. Ce phénomène paraît être lié au trafic de la drogue, une activité à laquelle participent les agents de la CIA dans les quartiers les plus misérables. Très souvent, les victimes du harcèlement policier n’ont commis aucun crime. Ils subissent la violence de la police parce qu’ils sont noirs ou latinos, pauvres et jeunes. Ce sont des millions de citoyens américains qui sont victimes du harcèlement raciste et de discriminations.
Les politiciens des partis républicain et démocrate ont contribué à cette situation, avec leur langage belliqueux sur le thème de la “guerre contre le crime”. Dans la société capitaliste et coupe-gorge qu’ils représentent, l’écart entre les riches et les pauvres ne cesse de grandir et la répression dirigée contre les sections les plus défavorisées de la société fait partie intégrante du système en place. La loi introduite par Clinton, la tristement célèbre Omnibus Crime Bill, a en effet donné le feu vert aux autorités locales pour des comportements extrêmement musclés et répressifs dans les quartiers pauvres sous prétexte de la lutte contre la criminalité. Par de tels procédés, l’état cherche à “pacifier” la colère grandissante des laissés-pour-compte du capitalisme américain. La répression sévit dans les ghettos.
“Avec 5% de la population mondiale, les États-Unis ont 25% des prisonniers du monde dans ses institutions pénitentiaires. Au cours de l’an 2000, une centaine environ d’Américains seront empoisonnés, pendus, gazés, électrocutés ou fusillés au titre de la peine de mort.”
La population carcérale aux États-Unis s’élève à deux millions de personnes. Il s’agit du taux d’incarcération le plus élevé au monde. Avec 5% de la population mondiale, les États-Unis ont 25% des prisonniers du monde dans ses institutions pénitentiaires. Au cours de l’an 2000, une centaine environ d’Américains seront empoisonnés, pendus, gazés, électrocutés ou fusillés au titre de la peine de mort. Ce sont les minorités, les noirs, les latinos, qui constituent 56% des prisonniers et 42% des victimes de la peine de mort. Cette stratégie n’a rien de nouveau. La révolte des noirs dans les années 60 fut réprimée par la violence. Martin Luther King, Malcolm X, George Jackson et les dirigeants des Black Panthers furent assassinés.
Plus tard, dans les années 70, l’association radicale pour la défense des droits des noirs, MOVE, a été la cible des autorités à Philadelphie, sous la direction du Maire, Frank Rizzo. Une série d’arrestations, de rafles et d’agressions perpétrées par la police a culminé par un assaut majeur monté par des centaines de policiers contre le quartier général de l’association en 1978. Neuf de ses militants ont été accusés d’avoir commis divers crimes, dont l’homicide volontaire d’un agent de police. Les neuf ont écopé des peines allant de 30 à 100 ans de prison ferme.
L’un des rares journalistes à avoir enquêté sérieusement sur le sort de ces militants était Mumia Abu-Jamal. En conséquence, il s’est trouvé rapidement en difficulté avec son employeur et avec les autorités policières. Mumia a alors été victime d’un coup monté par la police, au cours duquel il fut grièvement blessé et un agent de police tué. Le journaliste a été arrêté pour meurtre, et sauvagement battu dans sa cellule par la police.
Lors du procès de Mumia Abu-Jamal, des preuves importantes tendant à le disculper ont été ignorées, des témoignages ont été falsifiés. Il a été jugé coupable de meurtre. Depuis, il se trouve dans un couloir de la mort en attente de son exécution.
Un nouvel assaut armé contre le quartier général de l’association MOVE a été monté en 1985. Une bombe a été larguée sur le bâtiment, le détruisant complètement et provoquant des dégâts matériels sur une soixantaine d’autres bâtiments aux alentours. Les personnes tentant d’échapper aux flammes ont été tuées par balles. Six adultes et cinq enfants ont ainsi trouvé la mort. Une seule personne, Ramona Africa, a survécue à l’assaut. Accusée de “conspiration”, elle a été condamnée à sept ans de prison ferme.
Face aux mouvements sociaux et aux différentes manifestations de la révolte des plus démunis, la classe dirigeante américaine répond par la violence, par la construction de nouvelles prisons, par le recours à la peine de mort, par la discrimination raciale et des atteintes aux droits démocratiques. Des grévistes se trouvent souvent confrontés à cette violence, tout comme des gens participant à des manifestations pacifiques comme celle de Seattle.
Sur son propre territoire comme dans ses interventions meurtrières ailleurs dans le monde, on s’aperçoit du vrai visage du capitalisme américain. Tout en luttant contre la brutalité policière, la répression et la discrimination raciale au jour le jour, le mouvement social américain doit inscrire dans son programme la nécessité de mettre fin à la domination des grandes corporations capitalistes, car ce n’est que par la transformation socialiste de la société que nous pourrons définitivement éliminer ces fléaux.
Rob Sewell