Le 15 juillet, lors de son discours nommé sobrement « le moment de vérité », François Bayrou a présenté son plan de redressement des finances publiques. Ce n’est rien de moins qu’un ensemble de mesures plus réactionnaires les unes que les autres : année blanche en 2026, c’est-à-dire gel des prestations sociales, des retraites, de l’allocation chômage, gel des salaires des fonctionnaires, suppression de deux jours fériés, un départ à la retraite sur trois non remplacé dans la fonction publique dans l’objectif de supprimer 3000 postes, baisse du financement des collectivités territoriales et diminution de la prise en charge des médicaments pour les affections de longue durée Bayrou espère par ces coupes budgétaires économiser près de 44 milliards d’euros.
Ces mesures auront pour premier effet de dégrader considérablement les services publics. Les conditions de travail pour les personnels hospitaliers seront encore plus mauvaises avec toujours moins de personnels et, par conséquent, une diminution de la qualité des soins. Il en sera de même dans les écoles. Dans leur grande majorité, ces mesures sont une attaque frontale contre les travailleurs et la jeunesse qui bénéficient de ces services publics. Pour donner l’illusion que « l’effort est partagé », Bayrou demandera une « contribution de solidarité » aux foyers « les plus fortunés ». Il a évoqué également des économies à faire sur les hauts revenus, les fraudeurs fiscaux, les niches fiscales des milliardaires et l’optimisation fiscale des grandes fortunes, mais tout cela sans rien annoncer de concret, alors que pour le reste du plan, les mesures sont bien détaillées et chiffrées. Ces dernières paroles ne sont qu’un lot de consolation qui masque le vide.
Et pour cause, Bayrou répond à un impératif, celui des intérêts capitalistes. Dans son discours, il a mis une priorité forte à la compétitivité des entreprises françaises. Le capitalisme français est entré en déclin depuis de nombreuses années, distancé et dépassé par ses concurrents économiques en Europe et dans le monde. L’objectif de rendre les entreprises françaises plus compétitives est une nécessité vitale pour, d’une part, éviter de se faire écraser par la concurrence et, d’autre part, pour que les milliardaires tels que Bernard Arnaud et ses semblables continuent à amasser toujours plus de profits. Si Bayrou souhaitait faire des économies, il aurait très bien pu les faire du côté des aides attribuées aux entreprises, qui s’élèvent à 210 milliards d’euros par an, alors que peu avant le discours de Bayrou, l’INSEE publiait un rapport qui montre dans le détail un accroissement du nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. C’est bien là, la démonstration que Bayrou n’est qu’un laquais du capital, un serviteur de la classe capitaliste.
Dans son discours, Bayrou a consacré de longues minutes à agiter le spectre de la dette : « Cela fait 50 ans que, tous gouvernements confondus, le budget est en déficit », « il y a plus de dépenses que de recettes », etc. En faisant la leçon, il s’est présenté comme celui qui gère son budget en bon père de famille. Il est vrai que la dette n’a jamais cessé de croître et s’établit aujourd’hui à 345,8 milliards d’euros, soit 114 % du PIB. L’argument souvent avancé est que si l’État ne maîtrise pas ses finances et laisse filer sa dette, les taux d’intérêts pourraient s’envoler et par conséquent augmenter considérablement le coût des emprunts. C’est d’ailleurs ce qui s’était passé fin 2024 avec l’instabilité politique et la dégradation de la note de la France par l’agence de notation Moody’s (voir notre article sur le sujet). Mais, il faut noter que les emprunts de la France se font sur les marchés financiers et sont soumis à la spéculation (à la hausse et à la baisse). En d’autres termes, le taux d’emprunt de la dette est suspendu à la loi du marché et aux agissements des spéculateurs qui brandissent la menace de l’envolée des taux, voire le refus de prêter. Sur ce point nous ne pouvons que donner raison à Bayrou lorsqu’il réexplique comment, en Grèce, Alexis Tsipras a « dû » capituler seulement quelques jours après son élection face à la menace de la troïka (BCE, Commission européenne et FMI) et les chefs des gouvernements de l’époque, François Hollande et Angela Merkel en premier lieu, ainsi que les capitalistes spéculateurs brandissant la même menace. Son programme de réformes sociales s’est transformé en un plan d’austérité draconien : 15 % de baisse des salaires des fonctionnaires, 30 % de baisse de pension de retraite, pour ne citer que ces exemples (voir notre article sur le sujet). Telle est la mécanique du système capitaliste qui obéit à ses propres lois. C’est une leçon importante que nous devons garder en tête. La classe capitaliste opposera une résistance farouche contre toute tentative de réformes de progrès social. Tant qu’elle conservera le pouvoir économique et politique, elle aura les moyens de mettre en échec les gouvernements réformistes. Ce n’est nullement un hasard si Bayrou a cité cet exemple. Il faut le prendre comme un avertissement.
Parmi ces coupes et restrictions, seul le budget militaire se voit augmenter. D’emblée, Bayrou a annoncé une augmentation de 3,5 milliards en 2026 et 2027 qui s’ajoute à la loi de programmation militaire. Pour justifier cette augmentation, Bayrou a brandi la menace de la guerre qui pèse sur la France. Par ces mots, « nous ne braderons pas notre impératif de sécurité », il tente d’instiller la peur et nous prépare à la guerre contre un ennemi inconnu. Si la France mène une guerre, ce sera avant tout dans l’objectif de défendre les intérêts capitalistes français. Par ce moyen, les dirigeants politiques œuvrent pour renforcer la puissance et la domination économique au profit des capitalistes français contre ses rivaux. L’appel au patriotisme et à l’unité nationale en évoquant ennemi étranger est un classique des représentants de la classe capitaliste. Ils tenteront par tous les moyens de ranger les travailleurs derrière la bannière des intérêts capitalistes alors qu’au même moment ils subiront austérité et privation et par là même de faire accepter l’austérité comme un mal nécessaire.
L’industrie de l’armement se frotte les mains car l’augmentation des budgets militaires se traduira par des commandes supplémentaires de matériel de guerre. Les actionnaires verront les dividendes et le rendement de leurs actions augmenter alors qu’ils atteignent déjà des niveaux records. Nous devrons subir l’austérité, la dégradation de nos services publics avec moins de moyens pour les hôpitaux et les écoles pour qu’une poignée de capitalistes s’enrichisse et nous emmène vers les horreurs de la guerre.
Deux obstacles risquent de se dresser devant le « programme » d’austérité de la classe capitaliste. À peine dévoilé par Bayrou, il suscite déjà l’impopularité. Il se peut que, devant une opinion publique hostile, le budget 2026 ne soit pas adopté. Bayrou serait alors obligé d’avoir recours au 49.3, ce qui offrirait la possibilité aux députés de faire tomber ce gouvernement par une motion de censure à l’Assemblée nationale. Il faudrait que l’ensemble de la gauche et le RN l’adoptent comme cela a été le cas en 2024. Autant il est aisé de prévoir la position du PCF et de LFI qui seront probablement à l’initiative, autant il est moins évident de prévoir celle du PS. Ces derniers se sont laissés flouer consciemment ou inconsciemment par Bayrou lors de la dernière motion de censure à l’Assemblée en échange de la remise en chantier de la réforme des retraites qui s’est soldée par un échec total. Bayrou tentera la même manœuvre en ouvrant les discussions et en tendant la main vers le PS, entre autres.
Le deuxième obstacle possible, et peut-être le plus décisif, est la réaction des travailleurs et de la jeunesse. Ce recul social, considéré comme tel aux yeux de tous, en dépit de tous les tours de passe-passe pour faire avaler la pilule (menace de la guerre, crise de l’endettement), pourrait être le point de départ d’une mobilisation massive. Mais cela dépendra de l’attitude des directions syndicales, au premier chef desquelles la CGT, qui aura pour tâche de préparer les syndicats et les travailleurs en donnant des objectifs et des directives de lutte concrètes. La lutte contre ce gouvernement doit prendre la forme d’un mouvement extraparlementaire pour infliger une défaite cinglante à ce gouvernement et redonner ainsi aux travailleurs confiance en leur capacité de lutter et la possibilité de victoires. Ce serait une première étape dans l’objectif du renversement révolutionnaire des gouvernements réactionnaires et de l’édifice capitaliste dont ils sont les représentants politiques.
La Riposte