Le PCF et l’élection présidentielle

Pour l’élection présidentielle, la direction du PCF peut présenter un candidat du parti ou soutenir Jean-Luc Mélenchon. Aucun autre choix  n’est possible, et dans les deux cas, le parti en sortira affaibli. C’est une nouvelle preuve de l’impasse dans laquelle l’électoralisme réformiste l’a conduit.

La responsabilité de cette situation réside en premier lieu chez les dirigeants du parti. Les deux tendances qui dominent ses instances dirigeantes sont à la même enseigne de ce point de vue. Au lieu de profiter de la campagne présidentielle pour renforcer le PCF et convaincre l’électorat de son programme, elles ont  préféré mettre le parti derrière un autre candidat. D’un côté, il y a ceux qui ne veulent pas de candidature communiste et soutiennent Mélenchon. De l’autre, il y a ceux qui ne veulent pas d’un candidat communiste, mais qui n’ont trouvé personne à soutenir contre Mélenchon ! Sur le plan programmatique, ces deux tendances sont identiques. Leur programme général ne contient aucune mesure décisive contre les intérêts capitalistes et se borne à quelques mesures superficielles. L’une comme l’autre, elles ne voient pas plus loin que la prochaine échéance électorale. Dans la période préalable au dernier congrès national du PCF, elles ont conjointement réussi à entraîner la base du parti dans ce piège, au détriment des questions de fond que sont le programme, les principes, les bases théoriques et les objectifs politiques du PCF. Le texte adopté par le congrès, Le temps du commun, est d’une pauvreté politique et intellectuelle affligeante. Il comprend des dizaines de paragraphes qui n’ont aucun sens. Ainsi, si le comportement des chefs est condamnable, les militants communistes ont eux aussi leur part de responsabilité. Ils auraient pu saisir l’occasion lors du dernier congrès pour remettre en cause l’impasse dans laquelle la direction nous menait, ce qui n’a pas été fait. Le vote majoritaire pour les tendances réformistes a condamné le parti à de nouveaux échecs.

.Le discours de Pierre Laurent devant les « personnalités » à la Fête de l’Humanité devait clarifier les orientations du parti en 2017. Il n’était qu’une succession de phrases creuses. Persistant avec le projet irréalisable d’un candidat unique de « rassemblement », en feignant d’y croire encore, il n’a fait que rajouter à la confusion qui règne dans les rangs de l’organisation. Jean-Luc Mélenchon a déclaré sa candidature depuis février 2016. Celle de Montebourg n’était jamais qu’une question de temps. Les soi-disant « frondeurs » socialistes ne rejettent pas l’austérité, mais  chipotent à propos de son « dosage ». Quand ils auront perdu la « primaire » dans le PS, ils appuieront Hollande. Le NPA et Lutte Ouvrière présentent leurs propres candidats, également. Avec qui voulait-on donc « rassembler » ? Il est clair depuis longtemps que la stratégie de Pierre Laurent ne repose sur rien. Aujourd’hui, elle est en miettes. Son seul bilan est d’avoir semé le désarroi dans les rangs du parti. Le temps perdu à chercher une « personnalité » incarnant « toute la gauche » – en opposition à Mélenchon, qui fait partie de la gauche ! – a porté gravement préjudice au PCF. Si le ridicule ne tue pas, il fait des dégâts tout de même.

Pierre Laurent et son entourage reprochent à Jean-Luc Mélenchon d’avoir déclaré sa candidature sans les consulter. Mais qui a été consulté sur le projet loufoque d’une « primaire » ? Proposé par Cohn-Bendit dans la presse capitaliste, il a été immédiatement adopté par la direction du PCF, à la stupéfaction générale des militants communistes. C’est une démarche antidémocratique qui prive les adhérents du PCF du choix de leur candidat, au profit d’une vague rassemblement de « citoyens » sous pression médiatique. Ce n’est rien d’autre qu’une forme de marketing politique destinée à duper l’électorat, en essayant de donner l’impression de candidats émanant mystérieusement d’un soi-disant « choix populaire », alors que, dans les faits, ils font l’objet de négociations en coulisse, hors de tout contrôle « populaire ».

Au printemps dernier, la direction du PCF a pompeusement annoncé l’organisation prochaine de centaines d’« assemblées citoyennes » ouvertes à tout le monde et d’une « grande consultation citoyenne ». Or, il n’y a pas eu d’assemblées citoyennes. Il n’y aura pas non plus de « primaire à gauche de la gauche », qui n’intéresse personne. La « consultation citoyenne » était, elle aussi, une forme de marketing politique qui prend la place d’une démarche militante et communiste sérieuse. Sous le titre Que demande le peuple ?, elle a pris la forme d’une longue liste de questions niaises et infantilisantes, dont les réponses sont inexploitables. Au lieu de présenter un programme pour combattre le capitalisme, on a voulu donner l’impression que le programme du parti résulte d’une « vaste consultation populaire ». La direction a annoncé un objectif de 500 000 formulaires remplis. On n’arrivera même pas à 10% de ce chiffre. Sur Paris, par exemple, le nombre de formulaires rendus est inférieur à 2000. Toute cette opération a été un flop monumental.

La Riposte était, dès le départ, favorable à une candidature communiste, sur la base d’un programme révolutionnaire comme celui que nous avons défendu dans notre texte alternatif Pour une politique communiste. Dans les sections du parti, certains communistes ont évoqué l’idée de boycotter l’élection présidentielle. Nous ne sommes pas d’accord avec ce point de vue. Abordée de façon communiste et révolutionnaire, la campagne présidentielle permettrait de renforcer la base militante et sociale du PCF. Le problème de fond est celui du programme du parti qui doit tenir compte de la réalité du système capitaliste à notre époque. Cette réalité fait qu’il n’est pas possible d’en finir avec la régression sociale sans s’attaquer à la propriété capitaliste des banques et des grandes entreprises, qui en est la cause. Le programme du PCF devrait donc relier la lutte contre la régression sociale à des mesures concrètes pour briser l’emprise de la classe capitaliste sur la société, notamment par la nationalisation sous contrôle démocratique des piliers de l’économie nationale. Voilà le programme dont il faudrait convaincre le « peuple », à commencer par la couche la plus active et politiquement consciente des travailleurs et de la jeunesse. Par contre, l’émission de vagues idées à propos d’un « meilleur vivre ensemble », de « nouvelles solidarités » ou d’autres notions soporifiques du genre, assorties de timides suggestions sur la formation professionnelle ou des mesures fiscales, ne trompera personne et n’aboutira à rien. Mais voilà, le programme du parti est ce qu’il est. La myopie réformiste de sa direction aussi. Le programme révolutionnaire que nous défendons  est minoritaire et le restera tant que La Riposte ne bénéficiera pas de la participation active d’un nombre de militants nettement plus important.

Le PCF n’arrêtera sa position sur la candidature présidentielle que lors d’une Conférence Nationale au mois de novembre, nous dit-on. Mais la moitié de sa direction nationale a déjà déclaré qu’elle soutiendra Mélenchon. Il est possible que l’autre moitié, n’ayant pas trouvé d’alternative, finisse par faire de même. En même temps, dans l’entourage de Pierre Laurent, on laisse filtrer l’idée que, finalement, à défaut de trouver un candidat de « rassemblement », une candidature du PCF n’est pas à exclure. Si les partisans de Pierre Laurent ne se rallient pas à la candidature de Mélenchon, nous verrons les deux tendances qui composent la direction nationale soutenir des candidats présidentiels différents.

La présentation d’une candidature du PCF aurait au moins le mérite de mettre son programme et ses dirigeants plus directement et immédiatement à l’épreuve. L’idée essentielle qui sous-tend la politique de la direction est qu’un programme de rupture avec le capitalisme ne fait pas recette, électoralement. S’il veut séduire l’électorat – et tout particulièrement les « vecteurs de l’opinion » de la petite-bourgeoisie bien pensante – le PCF ne peut pas se permettre de parler de socialisme ou de révolution. Il faut être « pragmatique » si on veut éviter la marginalisation, s’attirer un électorat « large » et obtenir des places dans les institutions de l’État. Depuis longtemps, les dirigeants du PCF ont cherché à convaincre la population que le parti s’est modernisé, mettant de côté les idées archaïques du communisme à la faveur d’une approche « humaniste » qui ne veut de mal à personne. Une politique ne proposant que quelques ajustements marginaux au capitalisme et se réclamant de « valeurs républicaines » dans lesquelles tout le monde est censé se reconnaître est, nous dit-on, plus « rassembleuse » et efficace sur le plan électoral.

Ce « pragmatisme » opportuniste, qui a souvent conduit le parti à approuver des mesures d’austérité municipale et même des privatisations, sans parler des connivences avec le Parti Socialiste, trouve sa justification dans la nécessité de gagner des voix. Nous ne sommes pas d’accord avec cela. Le paradoxe, c’est que plus la base sociale et électorale du parti se rétrécit, plus ses dirigeants insistent sur le caractère « rassembleur » de leur démarche. Par conséquent, malgré le contexte d’une crise sociale et politique profonde du système capitaliste et malgré l’effondrement de la base électorale du Parti Socialiste, le PCF va de recul en recul. Nous ne pensons pas qu’il sera possible de redresser le PCF sur la base de sa politique actuelle. Mais si les dirigeants du parti sont persuadés de la puissance attractive de leur programme et de leur façon de faire la politique, pourquoi rechignent-ils à en faire la démonstration dans la campagne électorale ? Pourquoi pensent-ils qu’une candidature du PCF n’obtiendra qu’un score dérisoire (entre 2 et 4%), si leurs idées sont tellement « rassembleuses » ? La campagne électorale sera très instructive de ce point de vue. Si la direction réformiste du parti est tellement en phase avec ce que « demande le peuple », qu’elle nous en fasse la démonstration !

L’affaiblissement progressif du PCF, malgré la débâcle sociale et économique du capitalisme, est la conséquence de l’abandon des idées et du programme du communisme, à la faveur de notions « humanistes » fumeuses. La direction du parti ne croit pas en ses propres idées, ou en tout cas pas assez pour vouloir saisir l’occasion de l’élection présidentielle pour les défendre auprès de l’électorat au nom du PCF. Une partie de la direction soutient publiquement Jean-Luc Mélenchon. Une autre partie a opté pour une « primaire », mais ce projet n’a mené absolument nulle part. Son seul résultat tangible a été l’effacement du PCF et une perte de temps considérable. Nous aurions préféré une candidature PCF sur un programme communiste. Mais puisque ce programme n’est pas encore soutenu par la majorité des communistes, nous soutiendrons – quoique de façon critique – un  candidat PCF sur le programme réformiste qui est celui du parti actuellement. Et s’il n’y a pas de candidat PCF, nous pensons que le parti devrait soutenir la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Dans tous les cas de figure, le problème du programme du parti, le problème du réformisme, restera intact.

La classe capitaliste n’est pas très nombreuse. Elle représente une petite fraction de la société. Ce qui lui permet de soumettre toute la vie économique, sociale et politique du pays à sa volonté,  c’est la propriété privée des banques, des grandes industries et entreprises. Ceci est la source de son pouvoir et la cause, de ce fait, de la régression sociale qui frappe la France. Le parti qui crie son indignation à propos de cette régression, mais qui n’ose pas toucher à sa cause, le parti qui, une fois dans les ministères, fait bon ménage avec les capitalistes, ce parti n’a pas de solution à proposer aux travailleurs. Le PCF a perdu la place qu’il occupait autrefois, dans la conscience populaire, comme étant un parti de lutte implacable contre le système capitaliste. Voilà le problème que les militants du PCF doivent résoudre.

Greg Oxley, PCF Paris 10

 

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2 thoughts on “Le PCF et l’élection présidentielle

  1. Un passage anticapitaliste parmi les 18 thèses sur l’écosocialisme qui figurent dans le corpus programmatique de “la France insoumise” :
    “L’écosocialisme remet en cause la dictature des intérêts particuliers et de la propriété privée des moyens de production. Il questionne le rapport au travail. Nous prônons l’appropriation sociale des moyens de production et les propositions alternatives de l’économie sociale et solidaire en termes d’autogestion et de coopératives. Nous défendons la souveraineté budgétaire et la nationalisation comme outil de politique publique, notamment en matière de services bancaires et de crédit. Indice de progrès humain, démondialisation et protectionnisme social et écologique, dotation inconditionnelle d’autonomie et salaire socialisé, revenu maximum autorisé sont autant de perspectives que nous avons à l’esprit pour sortir des sentiers battus et éviter le piège d’un accompagnement du système. Il nous faut également aller plus loin en matière de réduction drastique du temps de travail : « travailler moins pour travailler tous et mieux », fixer le plein emploi comme horizon tout en interrogeant les finalités du travail. Rien ne sert de travailler davantage que le temps utile à produire ce qui nous est nécessaire. Le temps ainsi libéré pourrait utilement être affecté à des activités considérées aujourd’hui comme « improductives » et pourtant combien essentielles au bien vivre.”

  2. Il existe un candidat marxiste, c’est Jacques Nikonoff du PARDEM, son programme est complet, nationalisation des groupes capitalistes du CAC 40, dépérissement de la bourse jusqu’à sa fermeture, sortir de l’euro et de l’Europe capitaliste de Merkel, Junker, Schäuble, mettre en place un droit opposable à l’emploi pour en finir avec le chômage, construire une Europe des nations et proposer un système de SME pour les monnaies. Le PRCF est d’accord avec ce programme, reconstruction d’une industrie en France.

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